Dans les ruines fumantes du port de Beyrouth, au milieu des immeubles éventrés, les secouristes tentaient mercredi de retrouver des victimes, au lendemain des deux énormes explosions qui ont fait au moins 100 morts et des milliers de blessés.
La capitale libanaise, déclarée ville « sinistrée », s’est réveillée sous le choc, après ces explosions d’une telle puissance qu’elles ont été enregistrées par les capteurs de l’institut américain de géophysique (USGS) comme un séisme de magnitude 3,3.
Dans l’épicentre de l’explosion, dont le souffle a été ressenti jusque sur l’île de Chypre, à plus de 200 kilomètres de là, le paysage reste apocalyptique: les conteneurs ressemblent à des boîtes de conserve tordues, les voitures sont calcinées, le sol jonché de valises et de papiers provenant des bureaux avoisinants, soufflés par l’explosion.
Même des Casques bleus ont été grièvement blessés à bord d’un navire amarré dans le port, selon la mission de l’ONU au Liban, citée par l’AFP.
Des secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des morts coincés sous les décombres.
Pour l’heure, les deux gigantesques explosions au port de Beyrouth ont fait au moins 100 morts et plus de 4.000 blessés, a indiqué mercredi, 5 aout, la Croix Rouge libanaise.
« Jusqu’ici, plus de 4.000 personnes ont été blessées et plus de 100 ont été tuées. Nos équipes poursuivent leurs recherches et opérations de secours dans les zones environnantes », a ajouté l’organisation dans un communiqué.
Les hôpitaux de la capitale, déjà confrontés à la pandémie de Covid-19, sont saturés.
Jour de deuil national
Le Premier ministre Hassan Diab a décrété mercredi jour de deuil national et a promis que les responsables devraient « rendre des comptes ».
Le gouvernement pointe du doigt une cargaison de nitrate d’ammonium stockée « sans mesures de précaution » sur le port.
« Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2.750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire », a déclaré le Premier ministre devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse.
Le nitrate d’ammonium, substance qui entre dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs, est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés, et a causé plusieurs accidents industriels dont l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, en 2001.
L’explosion comparé à celles d’Hiroshima et de Nagasaki
Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, a comparé la puissante explosion dans le port de la capitale aux frappes nucléaires en 1945 sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki.
«Ce qui s’est passé était similaire aux événements au Japon, à Hiroshima et à Nagasaki», a déclaré le gouverneur Marwan Abboud.
Gouverneur: jusqu’à 300.000 personnes sans domicile après les explosions
Jusqu’à 300.000 personnes se retrouvent sans domicile mercredi à Beyrouth, a indiqué le gouverneur de la capitale, estimant le coût des dommages à plus de trois milliards de dollars.
« J’ai fait un tour dans Beyrouth, les dommages peuvent s’élever à entre trois et cinq milliards de dollars », a indiqué à l’AFP le gouverneur, précisant toutefois qu’il attendait une évaluation des experts et des ingénieurs. « Près de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée », a-t-il estimé, avec 250.000 à 300.000 personnes se retrouvant sans domicile.
Envoi d’aide par plusieurs pays
De nombreux pays ont proposé de l’aide au Liban, notamment le Qatar, l’Iran, la Syrie, la France, l’Allemagne et autres.
Le président Emmanuel Macron a annoncé sur Twitter l’envoi d’un détachement de la sécurité civile et de « plusieurs tonnes de matériel sanitaire » à Beyrouth.
Mardi, une première explosion a été entendue à Beyrouth, agglomération de quelque deux millions d’habitants, suivie d’une autre, très puissante, qui avait provoqué un gigantesque champignon dans le ciel.
Les immeubles avaient tremblé et les vitres avaient été brisées à des kilomètres à la ronde.
Dans les rues de Beyrouth, des soldats avaient évacué des habitants abasourdis, certains couverts de sang, T-shirt autour du crâne pour panser leurs blessures, tandis que des habitants cherchaient désespérément leurs proches manquant à l’appel.
« C’était comme une bombe atomique. J’ai tout vu (dans ma vie), mais rien de tel », a témoigné Makrouhie Yerganian, un professeur à la retraite qui vit depuis plus de 60 ans en face du port.
Ce drame survient alors que le Liban connaît sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par des sanctions et des pressions américaines drastiques, une dépréciation monétaire inédite, une hyperinflation, des licenciements massifs et des restrictions bancaires draconiens.