Cela fait déjà cinq ans de ma dernière visite au centre du monde, treize depuis mon entrée à Gaza, et plus de vingt depuis la première visite en Palestine. Je ne sais pas combien de temps devra s’écouler avant je puisse y retourner.
En ces jours de barbarie concertée, d’avancée génocidaire, de radicalisation sioniste, tous ceux qui y sont déjà allés partagent une empathie complice avec ceux qui en rentrant, ne sont pas revenus les mêmes.
La Palestine n’est pas seulement un pays, les Palestiniens ne sont pas seulement un peuple, Jérusalem n’est pas qu’une ville.
Tout ça nous reste dans le sang. Rien ne nous est plus indifférent. C’est un destin qui devient un point de départ. C’est une patrie même pour ceux qui sont apatrides.
Les nouvelles qu’on nous fait parvenir sont, dans leur écrasante majorité, accablantes, désespérées. Elles nous salissent les yeux.
Israël est de plus en plus Israël, une milice de bouchers, de terroristes, qui chaque jour se résume à cela. Indigne de parler au nom de ceux qui ont subi l’holocauste, car ils en exécutent un autre qui aura demain 73 ans.
Sur la voie qu’il a emprunté, il ne restera rien à Israël au-delà de ce qu’il a toujours été. Il n’y a plus d’espace pour les Arabes Israéliens. Le temps des libéraux de Tel Aviv est terminé. Plus de propagande selon laquelle ils sont la seule démocratie au Moyen-Orient, alors qu’il ne reste que ceux qui se réjouissent du retour au Moyen-âge.
La foule qui crie « Gazez les Arabes », qui envahit des maisons illégalement, qui tue des gens comme on tue des mouches, n’acceptera pas la partie d’Israël qui a été promue en Occident et qui n’a plus de place depuis longtemps pour exister.
Les communistes des Kibboutz, les « pinkwashers » des grandes avenues et des villes modernes, seront balayés ou quitteront la scène face à l’hégémonie des colons radicaux qui seront les seuls bienvenus, les seuls à vouloir rester sur une terre qu’ils sont les seuls à croire leur avoir était promise.
Le mensonge d’Israël est brisé à chaque défilé du « Jour du drapeau », qui hurle devant le feu dans la vieille ville, devant chaque persécution arabe, devant chaque lynchage sur la place publique et dont les images nous sont parvenues des villes mixtes la nuit dernière.
Cet Israël qui reste Israël sera la raison de sa fin. Il ne peut gagner que si « la solution finale » consiste à liquider physiquement 7 millions de Palestiniens, entre la Cisjordanie, la bande de Gaza et les Arabes israéliens. Il n’y aura pas assez de fanatiques pour alimenter un tel charnier. Le sionisme ne convainc plus les juifs européens ou américains, en nombre suffisant pour y émigrer. Les Juifs russes, pour la plupart, sont revenus en Russie et ont laissé de nombreuses colonies presque vides. Et les Africains sont trop noirs pour la blancheur sioniste.
La désertion de l’armée n’est plus marginale. De moins en moins de jeunes veulent aller au front d’une guerre qui est devenue une guerre sur tous les fronts.
Israël est une puissance militaire, mais aucune puissance militaire ne peut se tenir sans fantassins , limitée uniquement aux hauts rangs de ses fanatiques.
En dehors de la Palestine, encore après après avoir blessé Al-Aqsa, Israël a provoqué les musulmans de Nouakchott à Islamabad et le camp de laïcité de New York à Berlin. Il n’y a pas eu depuis le Reich hitlérien une puissance à la fois si forte et si isolée. Il ne peut plus cacher ni justifier sa brutalité, son agenda. Les faits sur le terrain l’illustrent.
Israël est devenu l’ennemi de la seule possibilité dont il avait besoin pour une cohabitation « pacifique » quand bien même elle est irrémédiablement inégale. Israël a choisi la voie qui en fait une colonie irrespirable, antisémite, condamnée par la résistance palestinienne héroïque, condamnée pour son propre fondamentalisme… et condamnée tôt ou tard par l’histoire de l’humanité.
Par Renato Teixeira : journaliste portugais.