Les Etats-Unis ont maintenu la pression sur le stratégique canal de Panama à l’occasion d’une visite du secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth qui a dénoncé la présence de la Chine, évoqué le déploiement de militaires sur place et obtenu une forme de gratuité du passage des bâtiments militaires américains.
Le gouvernement panaméen a rejeté toute installation de militaires américains sur son sol où plus aucune troupe américaine n’est stationnée de manière durable depuis 25 ans.
Depuis son arrivée au pouvoir en janvier, l’administration de Donald Trump a placé le canal de Panama, qui permet de passer de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique sans contourner l’Amérique du Sud, en haut de son agenda stratégique, notamment pour contrer les intérêts chinois dans cette zone latino-américaine que les Etats-Unis tendent à considérer comme leur sphère d’influence.
Le président Trump a même évoqué la possibilité de « reprendre » cette artère du monde que les Etats-Unis ont construite en 1914 et cédée au Panama en 1999. Le Panama fut le premier pays visité par le Secrétaire d’Etat Marco Rubio après sa prise de fonction.
« Nous devons prévenir la guerre en faisant preuve de fermeté et de vigueur face aux menaces de la Chine dans cet hémisphère », a déclaré le secrétaire à la Défense Pete Hegseth mercredi lors d’une conférence régionale sur la sécurité à Panama.
Devant un parterre de responsables militaires et sécuritaires d’Amérique centrale, M. Hegseth a estimé que des entreprises chinoises « s’approprient des terres, des infrastructures critiques dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie et les télécommunications » et que « l’armée chinoise a une présence trop importante dans l’hémisphère occidental », « exploite des installations militaires », « exploite les ressources nationales et les terres pour alimenter ses ambitions militaires mondiales ».
Hypothèse d’une base rejetée
Lors de son arrivée mardi, il avait déjà averti que « les Etats-Unis ne permettront pas à la Chine communiste ou à tout autre pays de mettre en péril le fonctionnement ou l’intégrité du canal ». La Chine « ne se servira pas de ce canal comme d’une arme. Ensemble, avec le Panama, nous assurerons sa sécurité », avait-il ajouté.
Mercredi, il a évoqué la possibilité de « de relancer, que ce soit une base militaire, une station aéronavale, des endroits où les troupes américaines peuvent travailler avec les troupes panaméennes » pour « sécuriser » le canal.
L’hypothèse a été immédiatement rejetée par le gouvernement du Panama, que les Etats-Unis avaient envahi en 1989 pour renverser le dictateur Manuel Noriega.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois Lin Jian a réagi avec virulence aux « attaques malveillantes » du secrétaire américain à la Défense « dénigrant et portant atteinte à la coopération Chine-Panama, et révélant une fois de plus la nature brutale des Etats-Unis ».
Les Etats-Unis et la Chine sont les deux principaux utilisateurs du canal, par lequel transitent 5% du commerce maritime mondial.
Un des points du contentieux entre Washington et Pékin porte sur l’exploitation par le géant hongkongais CK Hutchison de deux ports du canal de Panama, Balboa (côté Pacifique) et Cristobal (côté Atlantique).
CK Hutchison a très récemment conclu un accord de principe sur la vente des deux ports qu’il contrôle à un consortium américain, se défendant toutefois de céder à la pression américaine. Mais une enquête du régulateur du marché chinois en cours n’a pas permis de sceller la transaction.
Transit des bâtiments militaires
Avant l’arrivée de M. Hegseth, les autorités panaméennes ont dévoilé les conclusions d’un audit affirmant que CK Hutchison avait violé le contrat de concession signé en 1997, et selon des analystes, ce rapport pourrait servir de prétexte au Panama pour retirer plus facilement la concession à CK Hutchison afin de satisfaire Washington.
Le gouvernement panaméen avait déjà donné un premier gage à Washington en février lors de la visite de M. Rubio en annonçant se retirer de l’accord commercial et économique connu sous le nom de « Nouvelles routes de la soie », le projet phare du président chinois Xi Jinping.
Pete Hegseth a applaudi mardi cette décision « reflet de la façon » dont le gouvernement panaméen « comprend bien la menace posée par la Chine », selon lui.
Autre avancée pour Washington : le gouvernement panaméen a annoncé mercredi avoir signé un accord en vue de trouver une solution aboutissant in fine à ce que les navires de guerre américain utilisent sans payer le canal pour faire la bascule entre les océans.
Washington exige la gratuité pour les bateaux de sa marine et le ministre du Canal, et les deux parties sont d’accord pour mettre en forme l’idée panaméenne d’un « mécanisme permettant aux bateaux de guerre et aux navires auxiliaires de bénéficier d’un système de compensation pour leurs services », qui compenserait le coût d’utilisation du Canal sans toutefois rendre celui-ci « gratuit » par principe.
Source: AFP