Le président français Emmanuel Macron s’en est pris jeudi de manière implicite aux velléités de son homologue américain Donald Trump de « décider » de la conduite des Européens, suite au retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.
« Si nous acceptons que d’autres grandes puissances, y compris alliées, y compris amies dans les heures les plus dures de notre histoire, se mettent en situation de décider pour nous notre diplomatie, notre sécurité, parfois en nous faisant courir les pires risques, alors nous ne sommes plus souverains », a déclaré Macron lors de la cérémonie de remise de prix européen Charlemagne à Aix-la-Chapelle en Allemagne.
« Nous avons fait le choix de construire la paix et la stabilité au Proche et au Moyen-Orient (…) D’autres puissances, tout aussi souveraines que nous, ont décidé de ne pas respecter leur propre parole », a-t-il ajouté en faisant allusion au retrait américain du Plan Global d’Action Conjoint (PGAC).
Des propos qui, sans qu’il ne soit jamais nommé, visent le président américain, avec lequel Emmanuel Macron a pourtant affiché une grande entente et une proximité personnelle lors de son récent déplacement à Washington.
« Ne soyons pas faible, ne subissons pas », a martelé le président français, qui a plaidé pour une « souveraineté européenne (…) qui doit nous conduire à faire de l’Europe une puissance géopolitique, commerciale, climatique, économique, alimentaire, diplomatique propre ».
« La condition de possibilité (de cette souveraineté), c’est que nous refusons le fait que d’autres puissent le décider pour nous », a-t-il encore estimé.
La chancelière allemande Angela Merkel a également déclaré que l’Europe ne peut plus compter sur la protection des États-Unis et doit prendre son destin entre ses mains.
Les remarques du président français et de la chancelière allemande interviennent deux jours après que le président américain Donald Tramp s’est officiellement retiré de l’accord nucléaire avec l’Iran en rejetant les demandes des pays européens. Les pays européens estiment que le PGAC était vitale pour la sécurité européenne et l’UE ferait « tout ce qui est nécessaire » pour maintenir cet accord.
Les sanctions US contre les Européens « inacceptables »
Dans ce contexte, le chef de la diplomatie française a déclaré jeudi que les sanctions réintroduites par Donald Trump contre les entreprises étrangères travaillant en Iran sont « inacceptables » et doivent faire l’objet d’une négociation avec les Européens.
« Nous disons aux Américains que les mesures de sanction qu’ils vont prendre les concernent, eux. Mais nous considérons que l’extraterritorialité de leurs mesures de sanctions est inacceptable », a souligné Jean-Yves Le Drian dans une interview mise en ligne sur le site internet du quotidien Le Parisien.
Le président américain Donald Trump a annoncé mardi que son pays se retirait de l’accord encadrant les activités nucléaires de l’Iran et a réintroduit une série de sanctions visant des entreprises aussi bien américaines qu’étrangères commerçant avec l’Iran.
« Les Européens n’ont pas à payer pour le retrait d’un accord par les Etats-Unis, auxquels ils avaient eux-mêmes contribué », a martelé le chef de la diplomatie française.
« Entre Européens, nous devons mettre en place les mesures nécessaires pour protéger les intérêts de nos entreprises et entamer des négociations avec Washington sur ce sujet », a-t-il ajouté.
La décision américaine impose aux entreprises étrangères des délais très courts, de l’ordre de trois à six mois, pour se retirer de l’Iran, tandis qu’il est interdit de conclure de nouveaux contrats, sous peine de subir des sanctions de la part des Etats-Unis.
Les Européens vont « tout faire pour protéger les intérêts de (leurs) entreprises » et comptent mener « des négociations serrées » avec les Etats-Unis, au niveau de l’Union européenne, avait souligné mercredi la présidence française.
Les discussions avec Washington pourraient porter sur des exemptions et le maintien des droits des entreprises déjà en place.
L’UE pourrait aussi contrer les sanctions américaines en recourant à un dispositif créé à l’origine pour contourner l’embargo sur Cuba, qui permet aux entreprises et aux tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers.
L’UE doit « passer des paroles aux actes en matière de souveraineté économique »
De son côté, le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a jugé vendredi qu’il était « temps que l’Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraineté économique », pour se défendre face aux sanctions que les Etats-Unis veulent appliquer aux entreprises étrangères travaillant en Iran.
Avec « tous nos alliés européens, nous discutons collectivement avec les Etats-Unis pour obtenir (…) des règles différentes » concernant les entreprises européennes en Iran, mais « il faut que nous travaillions entre Européens à la défense de notre souveraineté économique », a déclaré sur Europe 1, le ministre, qui doit recevoir dans la journée son homologue néerlandais.
L’accord conclu en 2015 à Vienne vise à faciliter les échanges commerciaux avec l’Iran, en levant de lourdes sanctions internationales affectant son économie, en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.
Les trois pays européens cosignataires de l’accord (France, Allemagne, Royaume-Uni) – avec la Chine et la Russie – s’efforcent à le sauver. L’Iran demande pour y rester des garanties en matière de retombées économiques.
Avec Sudinfo + AFP