Après que l’armée arabe syrienne et ses alliés ont achevé la libération de la zone de sécurité proche de Damas, puis de la zone de sécurité moyenne, en particulier à Hama et Homs, quatre secteurs sont restés hors du contrôle de l’État dans le sud et le nord, dont ceux soumis au concept ambigu de « désescalade ».
Par leur nature, ces quatre régions ont de commun deux particularités fondamentales : la première est qu’elles sont toutes frontalières, et la seconde est que l’intervention étrangère y joue un rôle direct et essentiel, à la fois dans le Nord-Ouest, avec la Turquie et son armée, ou le Nord-Est et le Sud-Est, avec l’interférence et les bases américaines ou dans le Sud-Ouest, avec la main israélienne, l’ingérence américaine et autres intervenants.
Les forces d’agression contre la Syrie en général, et les forces d’occupation et d’ingérence en particulier, ont essayé de créer un environnement dramatiquement hostile à la Syrie et lui ont tracé des lignes rouges pour l’empêcher de continuer à libérer sa terre et son peuple. Ces forces occupantes, en l’occurrence les Etats-Unis, la Turquie et Israël, voulaient signifier à la Syrie que le reste du territoire contrôlé par les terroristes au profit de l’étranger ne peut être restitué à l’Etat que dans le cadre d’un accord conclu avec ces puissances extérieures, un accord qui devrait en principe leur accorder les avantages, limiter leurs pertes ou les compenser de leur défaite. Bref un prix de consolation après l’échec de leur projet d’agression contre la Syrie.
A la lumière de cette réalité, la plupart des observateurs avaient tendance à affirmer que la complexité de cette situation ainsi que les risques et périls qui en résultent empêcheront Damas de s’aventurer et de diriger son armée vers ces secteurs frontaliers, par crainte d’une confrontation avec les Etats-Unis, Israël ou la Turquie. Ces observateurs se basaient sur l’avertissement américain, explicite et direct, menaçant de ne pas permettre la violation du dit « accord de désescalade dans le sud » établi avec la Russie et la Jordanie, afin d’assurer la continuité de cette situation « spéciale » dans la zone de Quneitra, de Deraa et de Souweïda.
Toutefois, la Syrie a d’autres calculs ainsi qu’une vision différente quant au concept des zones de désescalade. Plus est-il qu’elle s’est engagée dans sa mission de libérer le territoire quels que soient les obstacles et les difficultés et prépare une stratégie de libération spécifique à chaque circonstance et adaptée à chaque zone.
Raison pour laquelle elle a répondu fermement aux positions officielles et aux analyses militaires étrangères. La réponse est venue de la bouche du chef de l’Etat qui a affirmé fortement et très succinctement que « toutes les terres syriennes du sud au nord seront libérées par la réconciliation ou par les combats et qu’il n’y a pas d’autre solution ».
Avec cette décision stratégique clairement annoncée, la Syrie a coupé court aux spéculations, choisissant le sud-ouest du pays pour entamer la bataille des secteurs frontaliers. Elle a dépêché les forces militaires nécessaires à Deraa et sa province pour sa mise en œuvre. Avec cette nouvelle perspective, les citoyens syriens de la région ont senti que quelque chose avait changé et qu’ils pouvaient désormais bouger sans craindre la réaction des insurgés. Très rapidement, l’environnement prétendument dit incubateur pour les rebelles et les terroristes, sur lequel on pariait localement et à l’étranger, s’est transformé en un environnement répulsif, rejetant la présence des rebelles et l’intervention étrangère. Les civils, opprimés sous la pression des armes illégales, ont démontré qu’ils adhèrent toujours à leur citoyenneté et à leur affiliation arabe syrienne, qu’ils soutiennent le gouvernement légitime dirigé par le président Assad, et qu’ils appuient leur armée arabe syrienne venue avec les alliés pour libérer le pays et son peuple.
Face à cette mutation, les forces d’agression et d’intervention dans la question syrienne n’ont eu d’autre choix que de reconnaître la réalité.
La première réaction est la position américaine de renoncer au soutien des militants sous toutes leurs formes et appellations.
S’en est suivie la position de l’entité sioniste qui a annoncé la fermeture des portes aux terroristes, après les avoir longtemps nourris et protégés.
Avec cette évolution, la libération s’est accélérée sur deux lignes : la réconciliation, comme ce fut le cas de la grande majorité des localités, et la force militaire, là où l’intransigeance et l’obstination ont prévalu.
Dans le contexte de cette accélération, les insurgés se sont effondrés au moment où l’armée arabe syrienne avançait jusqu’à la frontière avec la Jordanie et en prenait le contrôle. L’armée a complètement nettoyé la partie orientale de Deraa, encerclé les militants dans des poches à l’ouest, coupé leurs voies d’approvisionnement et a créé une nouvelle réalité dont la lecture, en termes militaires, indique la chute des rebelles et des terroristes dans tout le sud.
L’achèvement de la libération du sud et le retour à la situation et au statut qui prévalait avant mars 2011 est maintenant juste une question de temps, relativement court. Avec ce changement, la Syrie et le camp de sa défense ont envoyé des messages forts et importants aussi bien aux amis qu’aux ennemis. Messages dans lesquels des leçons doivent être prises en considération et dont nous pouvons mentionner ce qui suit :
La fin de toute illusion ou allégation que des lignes rouges ou une menace étrangère pourraient empêcher la Syrie de libérer son territoire, ainsi que la fin de toute supposition ou doute sur l’existence d’accords étrangers visant à ralentir la Syrie dans son processus de libération.
La démolition du pont d’intervention « israélien » à l’intérieur de la Syrie. « Israël », qui a assisté à la chute du projet d’agression dans lequel elle s’est engagée pour renverser toute la Syrie, a créé le projet d’une zone de sécurité dans le sud, puis s’est contentée d’une zone «spéciale » résultant de l’accord de désescalade dans le sud entre la Russie et les Etats-Unis qu’elle a essayé de modifier pour en tirer des bénéfices politiques et sécuritaires.
Maintenant, avec la libération qui avance fermement, tous les espoirs d’Israël s’effondrent et sa seule ambition consiste à revenir à la situation de désengagement de 1974 dont elle n’est même pas assurée. C’est la nouvelle impasse qu’Israël tente de cacher ou d’éluder en multipliant les contacts, en réclamant l’intervention américaine, ou en prenant pour cible un site militaire syrien avec un missile, de l’extérieur de l’espace syrien.
La chute d’un autre élément faisant partie de la stratégie d’isolement de la Syrie de son environnement : le poste- frontière de Nassib avec la Jordanie que la Syrie s’apprête à rouvrir. Sur ce point particulier, rappelons qu’en 2013, les agresseurs ont adopté la stratégie d’isolement et de contrôle des frontières internationales et de tous les points de passage reliant la Syrie à son voisinage.
Aujourd’hui, après avoir pris le contrôle de la totalité de la frontière avec le Liban, puis de la majeure partie de la frontière avec l’Irak, la Syrie reprend le contrôle de la frontière jordanienne en déjouant les plans ennemis.
Cette frontière se transformera d’un point de passage pour le terrorisme et de son approvisionnement en armes en un portail économique bénéficiant aux deux pays.
C’est un bouleversement stratégique extraordinaire qui permettra ultérieurement le retour d’un million de réfugiés syriens dans leurs foyers après les avoir quittés pour des camps en Jordanie.
Le message le plus important, à mon avis, n’en demeure pas moins le message militaire stratégique adressé à la fois aux Etats-Unis et à la Turquie, ainsi qu’à leurs sbires. Il dit que la bataille pour la libération des régions frontalières a commencé et, avec l’achèvement de la libération du premier secteur. Les trois secteurs restants attendent leur tour. Le calendrier sera déterminé par la direction syrienne qui a excellé dans l’établissement de ses priorités.
Je pense que certains ont commencé à comprendre les implications de ce message et font preuve de souplesse dans leurs rapports avec le gouvernement syrien.
Par Amine Hoteit : général libanais à la retraite et analyste stratégique
Sources : Al-Binaa ; Réseau international