Rien ne va plus entre la branche d’Al-Qaïda en Syrie, le front al-Nosra et la Turquie.
« Après une relation qui a connu des hauts et des bas, compte tenu des évolutions sur le terrain syrien, la procédure de divorce est entamée entre les deux protagonistes, mains elle ne sera ni facile ni courte. Le Nosra étant parfaitement conscient que son rôle après l’intervention turque directe dans le nord d’Alep ne sera plus jamais comme avant », a écrit le journal libanais assafir. Selon lequel, depuis, l’ampleur des divergences entre eux est plus visible que jamais.
Le journal libanais a poursuivi:
(( Avant cette dégringolade, la relation entre Ankara et le Nosra a connu une période d’or durant quatre années au cours desquelles les Turcs pensaient pouvoir apprivoiser la plupart des factions qu’ils soutiennent, afin qu’elles deviennent leur armée de l’ombre qui réalise tous leurs objectifs. Mais toutes ces tentatives de soumettre le Nosra se sont soldées par un échec, ainsi que celles du Qatar .
La milice takfiriste avait toujours tenté d’instaurer une équation selon laquelle le fait de recevoir le soutien d’Ankara ne voulait pas dire qu’il rejoint sa basse-cour. C’est son numéro un, Abou Mohammad al-Joulani en personne qui a exprimé cette démarcation dans une allocution prononcée fin de 2012, bien avant la séparation avec Daesh. Affichant son refus d’adhérer à l’orchestre de la tutelle turque, après avoir évoqué clairement « des tentatives ayant échoué pour attirer le front vers la tutelle de la Turquie à travers des médiateurs ».
Cette déclaration ne se contentait pas de refuser la tutelle turque mais chatouillait aussi des velléités de son allié Ahrar al-Sham plus enclin à le faire.
Elle n’a pas dissuadé Ankara, durant les deux années 2013 et 2014, de fournir de l’aide militaire et logistique au front al-Nosra dans ses combats contre l’armée syrienne, dont surtout celle de Kassab en mars 2013.
Le mois de novembre de la même année, la Turquie a tenté de lui adresser un message, en capturant un important responsable du front al-Nosra, le saoudien Abdallah al-Khalidi, pour non possession de passeport. D’autant que cet homme qui jouissait d’une grande réputation sur les réseaux sociaux, dont Twitter, avait commis la grosse bavure, selon Ankara, d’avoir annoncé que sa milice détenait bel et bien des bombes chimiques, et ce durant la campagne qui battait son plein contre Damas, sur fond de l’attaque chimique contre la Ghouta à Damas.
Sachant que cette déclaration de Khalidi était survenue quelques semaines après le scandale qui avait éclaboussé la Turquie sur la libération de 10 éléments du front al-Nosra, ayant été arrêtés précédemment en possession de deux kilogrammes de gaz sarin qu’ils tentaient de faire passer en Syrie.
Quoique ces deux événements ont mis les responsables turcs hors d’eux, ils n’ont pas renoncé aux services du Nosra.
De même lorsque le gouvernement turc a inscrit en 2014 le Nosra sur sa liste des organisations terroristes, il n’a pas pour autant rompu ses liens avec lui. Sachant qu’en juin 2016, le président Erdogan avait même interrogé les Etats-Unis sur la raison pour laquelle ils l’avaient classé sur la liste américaine des organisations terroristes.
En même temps, avec l’aide de Doha, Ankara déployait tous ses efforts pour persuader le front al-Nosra de rompre ses liens avec Al-Qaïda, lui promettant entre autre d’être exclu de la liste des organisations terroristes, aussi bien turque qu’onusienne.
Pour l’amadouer encore plus, Ankara a recouru en 2015 à la création de la coalition de Jaïsh al-Fatah à Idleb, dans laquelle il lui a accordé une position centrale, et à laquelle il a offert tout le soutien nécessaire pour qu’elle s’empare de la totalité de la province d’Idleb.
Elle a fait de même dans toutes les batailles lancées contre Alep, dont la toute dernière, baptisée « Grande épopée d’Alep ».
Et ce malgré l’affront que le front al-Nosra lui avait adressé, en aout 2015, lorsqu’il a rejeté sa proposition d’une zone sécuritaire, estimant qu’elle servait exclusivement les intérêts turcs et non ceux du jihad et de la révolution, et retirant ses positions de la province nord d’Alep, contrairement aux Ahrar al-Sham.
Or lorsque le front al-Nosra s’est résolu à fléchir, craignant par-dessus tout une entente entre Moscou et Washington le visant spécifiquement, et annonçant le mois de juillet dernier sa décision de rompre ses liens avec Al-Qaïda, il était trop tard.
Le mois suivant, le chef de la diplomatie turc rencontrait son homologue russe pour lui faire part que son pays est disposé à prendre avec la Russie une décision commune stipulant la lutte contre Daesh et le front al-Nosra.
Une proposition qu’il vient de réitérer à nouveau, ce mardi 20 décembre, lors de la rencontre de Moscou, devant ses deux homologues russe et iranien.
Entre les deux dates, la Turquie a envoyé ses troupes vers le nord syrien, et le Nosra a réagi en décrétant une fatwa interdisant « de demander le soutien à l’armée turque »)).
Avec sa sortie de la ville d’Alep au cours de ce mois-ci, ce dernier se trouve désormais confiné dans la province d’Idleb, assiégé de tous les côtés par les forces syriennes gouvernementales. A l’exception d’une seule ouverture au nord, celle menant vers la Turquie. Sa situation est d’autant plus critique que toutes spéculations prévoient que la prochaine bataille sera dans son fief.
Dans ce cas-là , la réaction turque témoignera de sa réelle position à l’égard du Nosra: lui viendra-t-il en aide ou le laissera-t-il tomber. Dans la conjoncture actuelle, c’est bien Ankara qui aura le dernier mot!