Cent ans après, le spectre de la révolution de 1920 plane plus que jamais sur l’Irak… Cette année-là les Irakiens s’étaient révoltés contre les Britanniques perçus comme des occupants. En 2020, ce sont les Etats-Unis qui sont désormais la force occupante dans ce pays, aux yeux d’une bonne partie de la population irakienne. Surtout depuis qu’ils ont multiplié leurs violations de la souveraineté de ce pays, enfreignant les termes de l’accord qui règlemente leur présence.
Violations de la souveraineté
Durant ces derniers mois, les forces américaines ont perpétré plusieurs raids aériens, sans autorisation préalable du gouvernement irakien, contre des positions des Hachd al-Chaabi. Ces unités de mobilisation populaires, qui ont combattu Daech avec l’aide d’experts iraniens et ont été intégrées à l’armée irakienne, ont aussi fait l’objet d’attaques de drones israéliens. Les Américains les ayant laissés passer sans les intercepter.
Dans la foulée, l’animosité contre les Etats-Unis a connu une hausse importante avec l’assassinat du numéro deux du Hachd, Abou Mahdi al-Mohandes, dans un raid américain contre son convoi où se trouvaient aussi le chef de la force al-Quds des gardiens de la révolution, le général Qassem Soleimani, ainsi que 8 combattants dont quatre irakiens.
Les forces US seront expusées
Or l’option militaire semble être un recours incontournable, vu le refus de l’administration américaine d’obtempérer à la demande faite par le Parlement puis par le gouvernement irakiens, réclamant le retrait des forces étrangères, dont leurs 5200 militaires , officiellement reconnus.
« De nouveau, la révolution des années 20 », a mis en garde le chef de la force Asaeb Ahl al-Haq, ou les brigades des gens de la vérité, une composante du Hachd.
Les forces américains « seront expulsées et la solution militaire est toujours de vigueur », a aussi assuré Qaïs al-Khazaali, lors d’une courte allocution.
Le gouvernement dans l’impasse législative
Cette option militaire puise aussi sa justification du fait que la demande faite par le gouvernement, chargé de faire appliquer la motion du parlement n’a aucun impact juridique. Le Premier ministre actuel, Adel Abdel Mahdi est démissionnaire et son gouvernement ne peut que diriger les affaires courantes. Il ne dispose d’aucune prérogative juridique lui permettant d’entamer la procédure nécessaire pour imposer le départ des forces étrangères : celle de le réclamer dans un message envoyé au Conseil de sécurité des Nations unies. Comme l’avaient fait les gouvernements précédent en 2014, lorsqu’ils ont réclamé une coalition internationale pour combattre Daech.
Pour les mêmes raisons, le gouvernement actuel ne peut non plus annuler l’accord du cadre stratégique signé entre Bagdad et Washington en 2008, en fonction duquel les forces américaines ont quitté l’Irak en 2011, puis y sont retournés en 2014. Car tout simplement il ne peut présenter au Parlement le projet de loi qui l’exige.
En l’absence d’un gouvernement qui dispose de la confiance du Parlement, les forces étrangères dont les américaines forment la majeure partie ne sortiront de l’Irak que si elles le font de plein gré.
Les manifestations, un référendum pour la résistance
D’où l’importance de la manifestation qui devrait avoir lieu le vendredi 24 janvier, pour solliciter leur départ et pour laquelle s’attellent toutes factions du Hachd et de la résistance irakienne, en plus de l’influent courant sadriste.
Plus elle est nombreuse, plus elle illustrera que le départ des forces étrangères est une revendication populaire. Le chef religieux Moqtada Sadr et d’autres dirigeants irakiens ne cessent de rappeler qu’elle devrait rassembler des millions d’Irakiens.
C’est aussi pour la même raison que les Américains déploient tous leurs efforts pour empêcher sa tenue. En poussant entre autre leurs agents à enflammer davantage les manifestations dans les rues irakiennes. Ils tentent aussi de se rallier les Kurdes et les Sunnites en attisant les craintes inter communautaires. Sachant que 55 députés kurdes et quelques députés sunnites se sont abstenus de faire part au vote parlementaire contre la présence américaine.
Or, lors de sa rencontre avec le président Donald Trump, à Davos, le président irakien Barham Saleh a tenu à rappeler aux Américains la nécessité de respecter la souveraineté irakienne.
« L’appel récent du Parlement irakien au retrait des troupes américaines de notre pays n’est pas un signe d’ingratitude ou d’hostilité, mais plutôt une réaction à ce que de nombreux Irakiens considèrent comme des violations de la souveraineté de leur pays. Cette question très cruciale devra être résolue par le dialogue et en acceptant que la souveraineté de l’Iraq et la stabilité durable soient au cœur de ce dialogue » a-t-il dit, rapporte l’AFP.
En outre, des dizaines de chefs de tribus sunnites de Diyala ont déclaré vouloir participer à la manifestation de vendredi, indique la mairie de cette province.
Quand bien même il est exclu que ce rassemblement puisse persuader les Américains de quitter ce pays, il n’en constitue pas moins un référendum qui légitimera la résistance contre leurs forces.
Sources: AFP, Al-Maalomah, al-Mayadeen TV, al-Akhbar