De nouvelles manifestations ont eu lieu vendredi soir au Liban, malgré la promesse des autorités d’injecter des dollars sur le marché pour tenter d’enrayer la dépréciation débridée de la monnaie nationale.
A Tripoli, la grande ville du nord du pays, l’armée a dispersé sur la place principale des centaines de manifestants qui criaient « révolution, révolution », déclenchant des affrontements, selon un correspondant de l’AFP sur place.
Des protestataires ont lancé des pierres et des cocktails Molotov sur les militaires, et endommagé des façades de magasins et banques. Les soldats ont riposté avec des gaz lacrymogène.
Dans le centre de Beyrouth, des dizaines de jeunes ont aussi mis le feu à des magasins, a constaté un correspondant de l’AFP. Ils ont été dispersés avec du gaz lacrymogène.
L’effondrement progressif de la livre libanaise s’est accompagné d’une explosion de l’inflation, sans oublier les fermetures de commerces et les licenciements massifs, une crise aggravée par les mesures de confinement adoptées pendant deux mois face au coronavirus.
« Complot »
L’enlisement économique –ajouté à une pénurie de dollars, monnaie utilisée couramment au Liban– a été un des catalyseurs d’un soulèvement inédit, déclenché en octobre 2019 pour dénoncer une classe politique quasi-inchangée depuis des décennies, accusée de corruption et d’incompétence.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les Libanais étaient descendus dans la rue, brûlant des pneus et bloquant des routes. Dans leur collimateur: le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, critiqué pour son incapacité à enrayer la dépréciation.
Lors d’une « réunion urgente » du gouvernement, le président Michel Aoun a annoncé la mise en place d’un mécanisme pour assurer « l’injection de dollars sur le marché par la Banque du Liban », estimant que cela « devrait permettre de faire diminuer progressivement le taux de change », selon ses services.
Le chef du Parlement Nabih Berri a évoqué des mesures adoptées pour ramener le taux de change sous les 4.000 livres pour un dollar.
La livre libanaise s’échangeait depuis jeudi à un taux historique de 5.000 livres pour un dollar, selon des changeurs, alors que le taux fixé par leur syndicat est censé ne pas dépasser les 4.000 livres.
Vendredi soir, elle s’échangeait à moins de 4.500 livres, selon la même source.
« Il est impossible pour le dollar ou toute autre monnaie de bondir à ce point en quelques heures », a souligné M. Aoun, évoquant un « complot ».
Officiellement, la livre libanaise est indexée depuis 1997 sur le billet vert au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar.
Dans un Liban habitué aux tiraillements entre partis, des observateurs s’interrogent sur le jeu politique en coulisse.
Salamé, soutenu par les USA, est engagé dans un bras de fer inédit avec le gouvernement de Hassan Diab.
Le gouverneur de la Banque centrale est critiqué par les manifestants pour des politiques financières qui ont favorisé un endettement excessif de l’Etat, au profit des politiciens et des banques.
Les banques ont elles provoqué l’ire de la population après avoir imposé des restrictions draconiennes sur les retraits en dollars ou les transferts à l’étranger face à la pénurie de billets verts.
La crise actuelle est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active et plus de 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances.
Les autorités négocient actuellement avec le Fonds monétaire international (FMI) pour débloquer des aides financières.
Source: Avec AFP