Le secrétaire général adjoint du Hezbollah cheikh Naïm Qassem a taxé les sanctions américaines d’acte d’agression flagrante et de tentative destinée à faire plier le Liban qui est vouée à l’échec.
« Les sanctions américaines ont pour but de changer la donne au Liban », a-t-il déclaré lors d‘une interview avec le média russe RT qui l’interrogeait sur la récente décision du Trésor américain de sanctionner les deux ex-ministres libanais : celui des Finances, Ali Hassan Khalil du mouvement Amal et celui du Transport, Youssef Fenianos du courant Maradas. Selon les assertions américaines, ils ont été sanctionnés pour corruption et pour leurs liens avec le Hezbollah.
Le numéro deux du Hezbollah a également souligné que les sanctions américaines imposées contre des personnalités ou des entités libanaises n’affecteront pas la détermination du peuple libanais et constituent un aveu d’échec.
«Les sanctions américaines contre le Liban sont une agression flagrante et une tentative de changer l’équation politique au Liban. Lorsque les Américains n’ont pu bénéficier de leurs agents au Liban et de l’agression israélienne contre le Liban, et comme ils ne sont pas parvenus non plus à exploiter Daech pour faire pression sur le Liban, ils ont eu recours à la politique de sanctions pour mettre le Liban à genoux et changer le cap politique. Durant la période passée, des sanctions avaient été décrétées contre des membres du Hezbollah et certaines composantes, comme les USA ont vu que les résultats qui en découlé n’ont pas changé la réalité, ils pensent maintenant que le fait de placer certains ministres ou personnalités alliés du Hezbollah sur la liste de leurs sanctions pourraient conduire à plus de pression et aboutir à un changement de l’équation politique »
« Cette procédure est un aveu d’échec des sanctions américaines, sinon ils n’auraient pas atteint ce niveau-là. Par conséquent, d’autres personnes pourraient être incluses dans ces sanctions. Mais ils (les Américains, ndlr) devraient savoir que les sanctions imposées contre toute personne ou entité au Liban ne changeront pas l’équation du peuple libanais qui veut libérer sa terre et qui n’acceptera pas les politiques américaines qui lui sont dictées. »
Et cheikh Qassem de poursuivre que les sanctions américaines renforceront les positions antiaméricaines au Liban:
« Toutes les sanctions portent sans aucun doute certains des inconvénients, mais ce dont je sais sur nos alliés, c’est que ces sanctions affermiront davantage leur position et ne changeront rien à la réalité. Car l’entente que nous avons conclue avec eux est une alliance axée autour de l’indépendance de notre patrie, de la construction de la nation, de la lutte contre l’occupation et la libération de notre terre.
Ce sont là des principes majeurs sans lesquels tout groupement politique n’aurait aucune raison d’être. Ils sont donc punis pour les positions auxquelles ils adhèrent entièrement. Ce sont des positions qu’ils ont prises avec conviction et non pour nous faire plaisir. Je pense que cela les rendra encore plus forts. En tout cas, nous avons vu les déclarations publiées par le mouvement Amal et le courant Marada, comment chacun d’entre eux a assuré qu’il ne renoncera pas à ces positions et qu’il restera ferme. Il est clair que les positions sont soudées face aux politiques américaines injustes. »
Interrogé sur l’absence de position officielle de la part des autorités libanaise sur les nouvelles sanctions américaines, il a répondu :
« La position officielle devrait mieux évoluer, mais je ne prendrai pas leur place pour évaluer leurs positions, et je laisserai les gens juger d’eux-mêmes ».
« La voie de la formation du gouvernement est complètement différente de cette affaire. La preuve en est que le Hezbollah qui est sur la liste des sanctions a toujours été présent dans les gouvernements précédents. Par conséquent, la formation du gouvernement est soumise à des considérations internes liées au poids des partis au sein du parlement car en fin de compte, le gouvernement devra prendre la confiance du parlement. Aussi bien le ministre du mouvement Amal que celui des Marada ont leurs représentants au parlement, aucun gouvernement ne peut pas être formé s’il n’obtient pas la majorité des élus. Nos alliés font partie de la majorité parlementaire qui devrait être accordée au gouvernement. Donc si le gouvernement est formé en prenant en considération les sanctions, c’est-à-dire en s’abstenant d’y faire représenter leurs forces politiques en raison des sanctions, cela exposera le gouvernement et sa formation à un véritable problème. Raison pour laquelle, le gouvernement doit être formé indépendamment de cette décision et par le biais des équations inhérentes aux forces politiques et leurs choix au Liban. »
Estimant que la politique des États-Unis à l’égard du Liban est de maintenir le pays «sous pression», cheikh Qassem s’attend à ce que les Américains torpillent l’initiative de la France.
« Lorsque les Américains ont accepté la démarche française pour empêcher l’effondrement, il était toutefois prévisible que leur acceptation ne pouvait perdurer du moment que cette démarche se transforme en un processus politique évolutif. Nous sommes très suspects face àla position américaine parce qu’elle n’a jusqu’à présent dévoilé aucune position positive pour le Liban. la position américaine pour le Liban est négative, elle tente d’empêcher toute avancée ou amélioration sous différents prétextes. Par conséquent, nous devons prévoir qu’à un certain moment, l’initiative française sera obstruée par les pressions américaines ».
Cheikh Qassem explique la nature de l’initiative française.
«L‘initiative française nécessite plusieurs mois pour lancer la formation du gouvernement et aborder les questions fondamentales qui s’illustrent par la reconstruction de Beyrouth, la mise en place de la liste de sauvetage et entamer le passage aux réformes à aux mesures pratiques afin de solliciter l’approbation du Fonds monétaire international pour les prêts et l’aide au Liban pour l’aider. Cette initiative a donc été mise au point pour durer plusieurs mois, pour voir par la suite, à la lumière des résultats qui en découleront s’ils vont continuer, comment ils vont le faire, et quels seraient les détails futurs. Car la France, selon les propos du président Macron, considère que toutes les questions problématiques initiales sont reportées à un stade ultérieur. Donc toute la discussion se porte aujourd’hui, à la formation du gouvernement afin qu’il se lance dans le dossier des réformes et de la reconstruction. »
En réponse à une question sur les affaires internes libanaises, cheikh Qassem a fait part que le Hezbollah refuse que le prochain soit exclusivement formé de ministres indépendants.
« Nous avons auparavant fait l’expérience d’un gouvernement de technocrates et il s’est avéré qu’il avait pressement besoin de soutien politique pour le renforcer. Nous sommes en revanche en faveur d’un cabinet qui puisse regrouper le plus grand nombre de forces politiques au Liban, qui regroupe des politiciens, des technocrates ou des experts. Mais la forme détaillée de ce gouvernement dépendra des tractations en cours avec le Premier ministre libanais ».
Il a poursuivi sur l’aide acheminée aux Libanais doutant qu’elle puisse réaliser son objectif :
« L’aide qui vient au Liban est une aide acceptable de notre part, même si les parties auxiliaires veulent un don direct aux institutions, associations, organismes ou au peuple libanais. On ne peut pas dire au donateur qu’on n’accepte qu’à des conditions. Mais je pense que cette méthode d’aide, avec cette dispersion existante, n’atteindra pas l’objectif souhaité pour reconstruire, reloger correctement les gens et réparer leurs maisons. Mais nous n’allons pas interférer dans cette affaire. Nous laisserons la question au gouvernement qui décidera ce qu’il juge être approprié, soit en fermant les yeux soit en intervenant dans un souci de statistiques et de transparence et pour savoir où va cet argent ».
Concernant les navires de guerre britannique et français qui ont été dépêchés au Liban après la double explosion meurtrière du port le 4 août dernier, il a souligné qu’ils n’inquiètent pas le Hezbollah :
« Quant aux navires de guerre, ce sont des navires qui sont venus avec pour objectif de fournir de l’aide, pour prêter main forte pour les travaux d’entretien et certains services. Ils ne sont pas venus pour un rôle militaire. Et il n’en est pas question. D’ailleurs, nous ne sommes nullement préoccupés par leu présence et nous ne considérons pas que quelque chose de militaire se prépare pour le Liban. Personne ne suggère d’ailleurs d’internationaliser la crise libanaise ni même une ingérence étrangère qui veuille priver les Libanais de leurs droits et de leur décision.
Même l’initiative française, elle a été proposée aux Libanais pour qu’ils puissent faire leur travail et leur choix eux-mêmes. Donc nous sommes face à une aide internationale et nous ne sommes pas confrontés à des velléités de contrôle ou d’imposition de conditions. Et nous n’accepterons en aucun que des conditions internationales ou autres nous soient imposées dans l’avenir, en vue d’internationaliser la crise. Pour le moment, je ne vois pas aucun projet d’internationalisation de la crise libanaise. »
A la question de savoir quelle est la version du Hezbollah sur la nature de la double explosion du port du 4 août, il a réitéré la position initiale du Hezbollah:
« Depuis les premiers jours, sur la nature de l’explosion du port de Beyrouth, nous avons dès le début que c’est la négligence qui a conduit à cette énorme et catastrophique explosion. Quant aux responsables, ils devraient être identifiés par la Justice, ce qui nécessite généralement des procédures judiciaires compliquées et un certain temps. Peut-être que l’annonce de cinq jours pour le faire a été précipitée car Il n’y a pas de tribunal qui puisse terminer son travail en cinq jours. Maintenant, c’est réglé, même avec l’intervention de pays étrangers, des renseignements étrangers, et avec l’aide des Libanais, tout le monde est parvenu à la conclusion que l’accident est le résultat d’une négligence et non d’une action militaire ou d’une présence militaire, de missiles, d’avions ou de quelque chose d’autre. La responsabilité en incombe maintenant au pouvoir judiciaire pour en déduire les conclusions. Nous n’avons pas besoin d’enquête internationale, ni de sous-estimer non plus le travail de la justice. Les expériences que nous avons traversées montrent bien que ce qui résulte de la justice libanaise est le résultat définitif. Il reste néanmoins la volonté de rendre des comptes, qui requiert la détermination de la Chambre des représentants et du Conseil des ministres pour faire pression sur le pouvoir judiciaire afin qu’il accélère les procédures et fasse preuve d’audace ».
En réponse à une question sur la manière de châtier les personnes tenues pour responsables alors qu’elles appartiennent à certaines forces politiques, cheikh Qassem a déclaré:
« Elles peuvent être tenues pour responsables si le système judiciaire fonctionne techniquement, compte tenu des données qu’il a entre les mains et des lois qui régissent les cas… En revanche, toute proposition sur une ingérence internationale dans la justice ou dans l’enquête, de sorte que l’on confie l’affaire à un tribunal international va nous faire entrer dans un labyrinthe sans aboutir à aucun résultat. Il en découlera des coûts exorbitants pour le Liban. De plus, ceci va dépouiller davantage le Liban de ses atouts. Alors que le fait de renforcer le système judiciaire, d’empêcher toute ingérence politique, et de réfléchir sur la façon pour lui administrer une dose d’audace pour qu’il puisse prendre les décisions appropriées, c’est ce que nous devons faire. Et non pas courir derrière une enquête internationale qui nous plonge dans des dédales que nous ne savons pas où elles peuvent nous mener».
Cheikh Qassem a répondu à la dernière question de RT sur une guerre israélienne contre le Liban, assurant qu’il en exclut l’éventualité pour le moment.
« On ne s’attend pas à une guerre israélienne contre le Liban à ce stade pour plusieurs considérations, y compris la dissuasion d’Israël. Y compris la Corona qui occupe la réalité israélienne. De plus, les dirigeants israéliens se consacrent maintenant à essayer d’investir dans la normalisation et le soutien de Trump pour occuper encore plus de terre. Sans compter les problèmes internes israéliens, sachant qu’ils ne sont pas parvenus à apprivoiser Gaza qui est fait preuve de résistance et de persévérance… Toutes ces questions constituent dans leur ensemble un obstacle pour qu’Israël prenne une décision de guerre. Sans oublier le déséquilibre politique qui n’a pas encore été résolu jusqu’à présent, et qui n’a pas tranché s’il y aura ou pas d’autres élections au cours de cette année. »
Il a poursuivi en assurant que le Hezbollah y est toutefois entièrement préparé et lui a préparé des surprises si elle a lieu.
«Je pense que les conditions ne sont pas préparées pour la guerre. Quant au Hezbollah, il a toujours été en position de défenseur et de résistance, et n’a pas été en position de déclencher la guerre. Et il ne l’est pas maintenant. Par conséquent, lorsque nous déciderons de réagir à une agression israélienne, cela fait partie de l’équation de dissuasion que nous jugeons nécessaire pour protéger le Liban, et pour ne pas parvenir à la guerre initialement.
Sur cette base, nous ne nous attendons pas à ce qu’il y ait une guerre. Mais nous confirmons comme l’avons toujours affirmé que le Hezbollah est toujours prêt à un tel niveau qu’il surprendra les Israéliens s’ils décident de faire la guerre. Cela fait partie de la dissuasion, de la protection et de la préparation à toute urgence.»
FIN
Source: Médias