La chercheuse française Amélie Myriam Chelly , et l’auteur de l’ouvrage « L’Iran, autopsie du chiisme politique » a expliqué pour l’agence russe Sputnik comment les sanctions qui frappent Téhéran ne peuvent manquer de toucher aussi Pékin, son premier partenaire économique.
«Au sein de l’Administration américaine, beaucoup sont motivés par une haine anti-iranienne, mais d’autres font de la Chine le principal ennemi. Les États-Unis mènent donc une guerre sur deux fronts avec les sanctions», a-t-elle affirme.
Selon elle, les sanctions américaines « visent bien évidemment le peuple iranien, mais s’inscrivent dans une échelle plus large, à savoir la guerre économique contre la Chine ».
La Chine étant le premier importateur du pétrole iranien, la décision de l’ex-président Donald Trump de ramener à zéro les exportations iraniennes en hydrocarbures ne pouvait qu’affecter la Chine.
Elle rappelle que c’est la théorie de la «Silver bullet» qui a été préconisée par Obama à l’occasion du conflit en Syrie: les sanctions étaient alors vues comme une forme de «solution miracle», permettant de contraindre l’ennemi à négocier, voire à s’en débarrasser sans avoir recours à la force militaire.
Dans le cas iranien, cette «balle d’argent» des sanctions servirait donc à frapper deux ennemis d’un coup: Téhéran –poussé à revenir à la table des négociations– et Pékin –gêné dans ses approvisionnements en hydrocarbures iraniens–.
Pour elle, ce n’est donc pas seulement « l’enrichissement d’uranium iranien à des fins militaires » qui est dans le collimateur de Washington.
Amélie Myriam Chelly s’est arrêtée sur l’accord conclu entre les deux pays en juillet 2020, en fonction duquel la Chine devient le principal partenaire économique de l’Iran. Elle estime que ce rapprochement a été favorisé et conforté par l’échec de l’accord sur le nucléaire.
«C’est une collaboration à tous les niveaux: diplomatique, académique, elle est totale. C’est une réorientation politique», explique-t-elle
Il stipule une coopération stratégique dans le domaine commercial et militaire pour une durée de 25 ans : en contrepartie d’un gaz et d’un pétrole décotés, vendus 30% moins cher que sur le marché, Pékin s’est engagé à investir 400 milliards de dollars dans la RII.
Cette dernière deviendrait en conséquence un passage stratégique pour le projet de route de la soie entre le Xinjiang et l’Asie Centrale, avant de transiter vers la Turquie et le marché européen.
Cette coopération ne peut que contrarier Washington. «La collaboration sino-iranienne est ralentie par le jeu des sanctions, les transactions sont bloquées, le matériel peine à arriver», souligne l’auteur de «L’Iran, autopsie du chiisme politique».
Voyant d’un mauvais œil les ambitions de Pékin, les sanctions américaines qui frappent l’Iran sont aussi là pour freiner «l’expansionnisme chinois», précise Amélie Myriam Chelly.
Elle constate qu’en Iran, seul le port de Chabahar est exempté de sanctions américaines, et ce pour des raisons très précises : c’est le passage obligatoire pour la reconstruction de l’Afghanistan qui est un objectif pour Washington. Il reçoit des marchandises pour les acheminer vers Kaboul. Le réel but de cette manœuvre étant selon Mme « d’empêcher la Chine de mettre la main sur l’Afghanistan»
Source: Avec Sputnik