Pour les Iraniens, les discussions qui ont eu lieu ce dimanche 21 février à Téhéran avec le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, ont été fructueuses. Pour ce dernier, les résultats sont « bon et raisonnables ».
Les tractations sont intervenues le jour même de l’expiration de l’échéance de la loi votée par le Parlement iranien en décembre 2020. Laquelle exige du gouvernement de restreindre certaines inspections de l’AIEA sur des installations non nucléaires, y compris des sites militaires suspects en Iran, si les sanctions ne sont pas levées au 21 février. Une réaction ferme au retrait de Washington en 2018 de l’accord nucléaire de 2015 – le Plan d’action global conjoint (JCPOA-PAGC) – et aux sanctions illégales que les États-Unis ont imposées à l’Iran. Mais cette loi devrait entrer en vigueur le mardi 23 février, a indiqué un responsable iranien, à moins d’une annonce par les Etats-Unis d’une levée de leurs sanctions.
« L’Iran et l’AIEA ont eu des discussions fructueuses fondées sur le respect mutuel et dont les résultats seront publiés en soirée », a tweeté Kazem Gharibabadi, l’ambassadeur d’Iran auprès de l’AIEA, « gendarme » nucléaire de l’ONU.
L’application volontaire du Protocole additionnel sera suspendue
Pour sa part M. Grossi a indiqué avoir obtenu « un résultat bon et raisonnable » de sa visite de 24 heures au cours de laquelle il a rencontré le président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Ali Akbar Salehi, et le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.
Lors de sa conférence de presse à Téhéran, il a assuré s’attendre à l’application de la loi votée par le Parlement et à la suspension de l’application volontaire du Protocole additionnel, qui permet aux inspecteurs de l’AIEA de procéder à des inspections plus approfondies du programme nucléaire iranien.
« Nous ne pourrons plus parvenir de la même manière aux opérations d’inspection comme cela était permis auparavant », a-t-il précisé.
Mais que l’Iran va continuer à exécuter l’Accord de garanties globales.
Et d’ajouter : « nous sommes parvenus à une entente technique temporaire, de sorte que se poursuivent les opérations d’inspection et de surveillance d’une manière satisfaisante pendant les trois mois prochains ».
Arrivé à Vienne, il a signalé que la possibilité d’accéder aux sites nucléaires sera limitée.
« Mais nous pourrons maintenir le niveau nécessaire d’inspection et de surveillance. Ce qui sauve la situation », a-t-il souligné selon Elaph, le site d’information saoudien.
Les inspections de l’AIEA seront réduites d’environ 20 à 30%
Dans une déclaration à Press TV, la chaîne en anglais de la télévision d’Etat, M. Zarif avait indiqué dans la journée que la mise en application de la loi votée par le Parlement n’aboutirait pas à une « impasse » dans la collaboration avec l’AIEA. Et M. Grossi pourra « s’acquitter de ses obligations de montrer que le programme nucléaire iranien reste pacifique ».
Il a précisé que la loi obligeait son gouvernement à « ne plus fournir les enregistrements » des caméras de surveillance installées sur les sites à l’AIEA.
D’après M. Zarif, « les stocks d’uranium enrichi vont augmenter » également, en attendant que l’autre camp respecte ses obligations.
« Une fois que tout le monde aura fait sa part et rempli ses obligations, alors il y aura (une reprise) des discussions », a-t-il ajouté.
Selon le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, « les inspections de l’AIEA seront réduites d’environ 20 à 30% après la mise en œuvre de la loi ». « Cela ne signifie certainement pas un retrait de l’accord » de 2015.
Après le retrait unilatéral américain et le rétablissement des sanctions américaines, l’Iran s’est affranchi progressivement à partir de 2019 de plusieurs limites qu’il avait accepté d’imposer à son programme nucléaire, en vertu de l’accord conclu en 2015 avec le groupe 5+1 (Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Russie, Chine). Ce pacte prévoyait une levée progressive des sanctions, en échange de la garantie que l’Iran ne se doterait pas de l’arme atomique. Même si l’Iran a toujours démenti chercher à se doter d’une telle arme.
« Une escroquerie occidentale », selon des médias iraniens
Empruntant un double langage sur l’accord nucléaire, l’administration américaine avait accepté le jeudi 18 février une invitation des Européens à participer à des pourparlers pour relancer l’accord de 2015. Mais le lendemain, Joe Biden a appelé les puissances européennes à travailler de concert avec les Etats-Unis pour répondre aux « activités déstabilisatrices » de l’Iran au Moyen-Orient.
Selon l’AFP, la visite de M. Grossi en Iran a reçu un accueil mitigé dans la presse iranienne.
Dénonçant « l’escroquerie occidentale », le quotidien conservateur Kayhan a salué la loi du Parlement, une « stratégie » qui a montré au camp adverse que « la rupture du contrat est coûteuse », a rapporté l’AFP.
En revanche, le journal réformateur Sharq a dit douter de l’efficacité du vote de cette loi vu que Washington « n’a manifesté aucune volonté de revenir à l’accord » sous les conditions iraniennes.
« Le désengagement iranien est entièrement légitime selon l’accord nucléaire »
Lors d’une interview avec la chaine de television libanaise al-Manar, l’expert iranien Hadi Afqahi a déclaré que le désengagement de l’Iran de ses obligations dictées par l’accord nucléaire, en cas de sa violation par l’un de ses signataires, est entièrement légitime et figure dans la clause 36 de cet accord. Selon lui, l’accord n’interdit pas à l’Iran d’enrichir son uranium jusqu’à 90% sauf si l’AIEA pressent une velléité iranienne de fabriquer l’arme nucléaire.
Interrogé sur la médiation européenne si elle était fiable pour les Iraniens, il a répondu: « les Européens ne sont pas des médiateurs. Ils ont manqué à leurs engagements envers l’Iran de pallier aux pertes occasionnées par le retrait des Américains et le rétablissement de leurs sanctions. Ils sont condamnables. Nous ne pouvons leur faire confiance. Il y a eu une arnaque ».
« Ils ne veulent rien nous donner… ils veulent garantir la sécurité d’Israël »
Après le retrait américain, les Européens ont mis en place le mécanisme Instex pour contourner les sanctions américaines, sollicitant les Iraniens de ne pas se retirer de l’accord. Mais ils ne l’ont jamais mis en application.
« Ils s’étaient engagés qu’ils allaient respecter leur engagements, mais ils nous ont trahis… Ils ne veulent rien nous donner. Ils veulent le balistique. Ils veulent réduire le rôle de l’Iran dans la région. Ils veulent garantir la sécurité de l’ennemi sioniste. Ils veulent que la République islamique ne soutienne pas l’axe de la résistance… Ils ne donneront rien qui puisse répondre à nos demandes ».
Selon M. Afqahi, il n’y a aucune différence entre les Européens et Trump, tous deux ont violé l’accord nucléaire, à la différence que Trump a ajouté les sanctions.
En plus du programme nucléaire iranien, le sort du programme balistique iranien a toujours été le principal souci des puissances occidentales. Lors des négociations qui ont précédé la conclusion de l’accord nucléaire, elles ont tenté de l’y inclure. Lorsque Trump s’est retiré de l’accord, il a exigé son renouvellement l’y introduisant. Pendant les tractations qui s’en sont suivies avec les puissances européennes, il a souvent été question d’en discuter. Dernièrement, aussi bien par le président français Emmanuel Macron que la chancelière allemande Angel Merkel et le Premier ministre britannique Loyd Johnson n’ont eu de mots que pour le programme balistique iranien. Mais le refus du guide suprême l’imam Ali Khameni a été catégorique dans tous les cas. Il devrait prononcer une discours dans la journée du lundi 22 février. Un jour avant l’entrée en vigueur de la loi du Parlement.
Source: Médias