Dans une comparaison sommaire entre la performance de la résistance libanaise en 2006 et celle de la résistance palestinienne en 2021, ressort un dénominateur commun décisif, l’importance du rôle joué par l’armement des missiles et des roquettes durant la bataille.
Mais selon l’expert égyptien pour les questions militaires, Mohamad Mansour, des différences importantes s’imposent entre les deux cas. En tête, celles liées à la précision des missiles utilisés. Il estime que ces différences peuvent être considérées comme un indicateur important d’un développement qualitatif à multiples facettes de cet armement crucial de la résistance et de ses tactiques contre « Israël » en général.
Nous avons déjà traduit pour les lecteurs de notre site la première partie de son article publié par le site web de la télévision d’information libanaise al-Mayadeen Tv. Il y expose d’abord les spécificités de cet arsenal chez le Hezbollah, pendant la guerre 2006, et le développement qu’il aurait pu lui apporter ultérieurement, d’après des prévisions militaires israéliennes.
Ci-dessous la traduction de la seconde partie qui porte sur les spécificités des roquettes et missiles de la résistance palestinienne, utilisés durant la récente bataille Épée d’al-Qods, en mai dernier, sur les développements qui leur ont été introduits, et leur impact sur les caractéristiques des confrontations futures et sur l’équation de dissuasion.
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En ce qui concerne la résistance à Gaza, son arsenal de missiles a fait l’objet d’expérimentations continues au cours des dernières années, ce qui a grandement contribué à perfectionner ses expériences sur le terrain, d’une manière qui a conduit aux résultats impressionnants, observés sur le terrain palestinien, lors de la dernière confrontation.
Les premières roquettes
Les débuts ont eu lieu entre 2001 et 2005, à travers le développement de trois générations de roquettes Qassam. La portée maximale de la troisième génération a atteint 16 kilomètres, avec une tête explosive pesant 10 kilogrammes.
Après cela, l’arsenal de roquettes à la disposition des factions de la résistance palestinienne s’est amélioré.
À partir de 2007, elles se sont dotées de l’artillerie russe Grad , dont la portée variait entre 20 et 40 kilomètres. Elles s’étaient également acquis de copies de fabrication chinoise de ces missiles, d’une portée maximale de 45 kilomètres, et d’une ogive de 20 kilogrammes.
Cela lui a permis d’étendre la marge garantie de ciblage des zones occupées autour de la bande de Gaza, à moins de 30 kilomètres, pour inclure des villes et des colonies importantes, telles qu’Ashkelon, Netivot, Ofakim, Ashdod et Beersheba.
En 2012, les factions de la résistance palestinienne ont pu augmenter la portée de leurs missiles disponibles à 75 kilomètres, ce qui leur a permis de bombarder pour la première fois la ville de Tel-Aviv et sa périphérie sud, grâce à deux types de missiles : le premier est Sijjil-55, qui a une portée allant jusqu’à 55 kilomètres, avec une tête explosive de 10 kilogrammes. Il a été utilisé dans le bombardement de plusieurs zones du centre de la Palestine occupée.
Le deuxième type est le missile M-75, qui se distingue par la taille de sa grosse tête explosive, par rapport à toutes les autres générations de roquettes palestiniennes de fabrication locale. Il pesait entre 50 et 70 kilogrammes et avait une portée de 75 kilomètres.
La guerre de Gaza en 2014 a montré une autre étape du développement des industries locales de missiles.
Plusieurs types de nouveaux missiles fabriqués localement ont été utilisés lors de la bataille, ce qui a constitué un saut qualitatif en termes de portée et de capacité de destruction.
Parmi ces missiles, le R-160, qui a été utilisé dans le bombardements des villes de Hadera et Haïfa, a une portée d’environ 160 kilomètres, et le poids de sa tête explosive avoisine les 100 kilogrammes. Ce missile a constitué un grand choc pour les milieux militaires israéliens, compte tenu de sa grande capacité de destruction et de sa portée, d’autant plus que les caractéristiques de ce missile sont identiques à celle d’un missile de fabrication syrienne, fourni auparavant à la résistance palestinienne, le missile M-302, une copie du missile Fateh-110.
En plus de ce missile, s’est ajoutee le J-80 qui a une portée de 80 kilomètres, et dont la tête explosive pèse jusqu’à 125 kilogrammes.
Le missile R-160 est resté, jusqu’à récemment, le missile le plus important de l’arsenal palestinien, avec le missile Badr-3, qui a été révélé pour la première fois par les Brigades Al-Qods, la branche militaire de la Jihad islamique, en mai 2019. A l’époque, il s’agissait d’un autre saut qualitatif pour l’armement palestinien, étant donné qu’il explose à environ 20 mètres au-dessus de la cible, projetant des centaines d’éclats qui provoquent un large cercle de destruction.
Les nouveautés de la dernière guerre
Lors de la dernière bataille Épée d’al-Qods, l’étendue du développement de l’arsenal de missiles de la résistance est devenue claire, que ce soit en termes de portée, de capacité de destruction ou de précision de guidage.
Au cours de la bataille, les Brigades Al-Qassam ont annoncé leur utilisation d’un nouveau missile d’une portée inédite, le missile Ayash-250, qui a été utilisé par les brigades palestiniennes pour bombarder des sites au nord de la ville d’Eilat, à environ 217 kilomètres de Gaza. C’est en fait la portée maximale que les missiles de la résistance ont pu atteindre jusqu’à présent.
En plus de ce missile, un autre type a été utilisé pour la première fois lors de cette bataille, le missile A-120, qui a une portée de 120 kilomètres, pour cibler des zones au sud de Tel-Aviv et aux alentours d’Ashdod.
Quant aux Brigades Al-Qods, elles ont présenté lors de cette bataille plusieurs nouveaux types de missiles, dont le missile Al-Qassem.
Bien qu’appartenant à la catégorie des missiles non guidés, il présente un avantage supplémentaire, qui est la taille énorme de sa tête explosive, comparée à tous les missiles existants chez les factions de la résistance palestinienne et qui pèse 400 kilogrammes. Il est essentiellement construit sur le modèle des grenades propulsées par fusée, de calibre 107 mm, avec son ogive modifiée avec une autre tête plus grosse, selon laquelle le missile se transforme en un calibre de 350 mm, ce qui assure le plus de dégâts possibles sur les cibles proches.
La portée de ce missile est comprise entre cinq et dix kilomètres, et dans ce cas, il fonctionne comme un missile tactique pour un engagement direct et rapproché.
Le deuxième missile, qui a été fourni par les Brigades Al-Qods lors de la bataille de mai 2021 est une modification du missile Badr-3, dont la portée a été portée à 160 km, et la charge explosive à 250 kg. Ce qui lui a permis d’être utilisé dans les zones de bombardement près de Tel-Aviv et de Dimona.
Le problème de la précision était l’un des défis les plus importants rencontrés par les factions palestiniennes pendant la bataille Épée d’al-Qods, étant donné que tous les missiles de leur arsenal étaient non guidés et reposaient sur les mêmes mécanismes que ceux utilisés par le Hezbollah pendant la guerre de 2006.
Intensification des roquettes
Il est remarquable que les factions ont surmonté ce dilemme grâce à plusieurs tactiques, grâce auxquelles il est possible d’anticiper les caractéristiques des futurs affrontements entre l’axe de résistance et ‘Israël’, notamment en s’orientant davantage vers la tactique de «l’intensification des roquettes », de sorte que les frappes se présentent sous la forme de salves de missiles, composées de 10 ou 20 missiles , ce qui assure une augmentation de la probabilité de toucher la cible visée, et en même temps assure la confusion des systèmes de défense aérienne israéliens.
Cette tactique s’est avérée être un grand succès, étant donné que les factions de la résistance ont eu recours au lancement d’un grand nombre de missiles – parfois jusqu’à une centaine de missiles en seulement trois minutes – à des moments simultanés et sous des angles aussi bas que possible. Ce qui a grandement affecté la capacité d’interception du système de défense Dôme d’acier et l’a épuisé d’une facon continue, ce qui a permis le passage d’un certain nombre de missiles qui atteint leurs cibles, d’autant plus que le mécanisme de fonctionnement des systèmes Iron Dome dépend principalement de la sélection des missiles les plus menaçants pour la profondeur israélienne, en tirant un missile ou deux sur eux.
Ce mécanisme permet ainsi le passage d’un grand nombre de missiles, et épuise en même temps un nombre double d’intercepteurs coûteux.
Changement dans les rampes et drones
Une autre tactique non utilisée en 2006 concerne les lanceurs. Pendant cette guerre, le Hezbollah s’est principalement appuyé sur des rampes fixes, dont quelques-unes étaient camouflées, afin de ne pas être prises pour cibles depuis les airs. Cependant, lors de la bataille Épée d’al-Qods, il a été remarqué que les factions de la résistance palestinienne ont utilisé une variété de lanceurs, qu’ils soient automoteurs, souterrains ou de surface pouvant être cachés sous la surface du sol.
De plus, ces plates-formes, qui étaient auparavant simples, doubles ou quadruples, sont devenues des tuyères multiples, ce qui permet le lancement d’un grand nombre de missiles à la fois.
Sur un autre plan, les factions de la résistance palestinienne ont utilisé certaines tactiques auxiliaires pour améliorer la précision des frappes de missiles, y compris l’utilisation de drones pour surveiller leurs résultats sur les colonies situées dans l’enveloppe de Gaza. Elles aspiraient en plus à augmenter le niveau de flexibilité dans l’utilisation d’armes de missiles, afin qu’ils puissent devenir une arme tactique en cas de nécessité, en faisant taire les sources de tirs hostiles, telles que les positions d’artillerie à proximité de la bande de Gaza, qui étaient pour la première fois sous une menace multiforme.
Développement dans la dissuasion antimissile
Même sur le plan de la dissuasion, la bataille Épée d’al-Qods a été un développement clair de l’équation de dissuasion des missiles établie par le Hezbollah en 2006.
Les factions de la résistance palestinienne ont pu, grâce à leur ciblage intensif des principales villes de la bande côtière de la Palestine occupée, jusqu’à Ashkelon, Ashdod et Tel Aviv ainsi que les zones sud de Haïfa, et la précision des frappes de missiles qui ont touché des sites importants de l’entité israélienne, tels que l’aéroport Ben Gourion et plusieurs bases militaires, mettre tout le front intérieur sous une pression intense.
Ceci a dissuadé l’establishment militaire israélien de lancer une opération terrestre vers la bande de Gaza, surtout après que les factions palestiniennes ont utilisé des armes de missiles comme moyen de dissuasion tactique, par le biais duquel Tel Aviv pouvait être immédiatement frappé, en réponse à tout bombardement aérien de quartiers résidentiels à Gaza.
Ainsi, l’arc opérationnel de la résistance palestinienne lors de cette bataille a atteint 250 kilomètres, contre environ 70 kilomètres pour l’arc opérationnel du Hezbollah lors de la guerre de 2006, sachant que les capacités du parti sont décidément complètement différentes désormais.
Ainsi, on peut considérer que pendant la période allant de 2006 à 2021, ont été mises au point de nouvelles équations de missiles et militaires au Moyen-Orient, de sorte que l’armée de l’air israélienne ne puisse plus être « le long bâton » de l’armée d’occupation.
L’idée des frappes préventives, qui constituaient l’essentiel de la stratégie militaire israélienne semble avoir été neutralisée. Israël en dépend énormément, mais il n’a plus la main haute dans le déclenchement et la de cessation la guerre : la fin de toute confrontation militaire est devenue subordonnée à l’arrêt des roquettes sur les « villes israéliennes ».
La chose la plus importante à cet égard est que l’armée de l’air israélienne a entièrement échoué au cours de cette bataille à arrêter les frappes de missiles au nord ou au sud. Son échec inclut son incapacité antécédente à empêcher les factions de la résistance de se réarmer et de développer leurs capacités de missiles.
Ceci a été le plus évident lors de la bataille Épée d’al-Qods, ce qui constitue une indication que toutes les factions de l’axe de résistance sont entrées dans une nouvelle phase de missiles, dont le titre principal serait « les capacités de missiles précis et asymétriques ».
C’est une étape qui imposera de nouveaux défis à l’armée d’occupation israélienne, bien plus grands que celui imposé par l’une de ses plus grandes craintes à l’heure actuelle, qui est le « missile dumping ».
Source: Médias