Le premier ministre tunisien Hichem Mechichi s’est dit prêt, lundi 26 juillet, à céder le pouvoir au futur Premier ministre désigné par le président Kais Saied, au lendemain de la suspension par ce dernier des activités du Parlement.
« J’assurerai la passation de pouvoir à la personnalité qui sera désignée par le président de la République », a déclaré M. Mechichi, dans sa première déclaration depuis les mesures de dimanche soir.
Le parti au pouvoir, Ennahdha, qui soutenait M. Mechichi, les avait qualifiées de « coup d’Etat ».
Les développements en Tunisie, pays souvent représenté comme le seul où a réussi le Printemps arabe, ont suscité l’inquiétude à l’étranger.
La France a dit souhaiter un « retour, dans les meilleurs délais, à un fonctionnement normal des institutions » et appelé à éviter toute violence tandis que les Etats-Unis, « préoccupés », ont appelé au « respect des principes démocratiques ».
Dimanche soir, après une journée de manifestations dans de nombreuses villes de Tunisie, notamment contre la gestion de l’épidémie de coronavirus par le gouvernement Mechichi, M. Saied a limogé ce dernier et annoncé « le gel » des activités du Parlement pour 30 jours.
Le président, également chef de l’armée, s’est en outre octroyé le pouvoir exécutif, bouleversant l’organisation du pouvoir dans un pays régi depuis 2014 par un système parlementaire mixte, en annonçant son intention de désigner un nouveau Premier ministre.
Il a limogé lundi le ministre de la Défense Ibrahim Bartagi et la porte-parole du gouvernement Hasna Ben Slimane, également ministre de la Fonction publique et ministre de la Justice par intérim.
Ennahdha, principal parti au Parlement, a fustigé « un coup d’Etat contre la révolution et la Constitution », et son chef de file Rached Ghannouchi a campé douze heures, lundi, devant le Parlement bouclé par l’armée, pour en réclamer l’accès.
En revanche, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), influente centrale syndicale, a indiqué que les décisions de M. Saied étaient « conformes » à la Constitution, tout en appelant à la poursuite du processus démocratique, plus de dix ans après le soulèvement populaire qui a mené à la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
Signe d’un début de concertations, le président Saied a rencontré lundi soir les représentants de l’UGTT, de la Ligue des droits de l’Homme et du patronat. « La situation a atteint un stade inacceptable dans toutes les institutions de l’Etat », a déclaré M. Saied à l’issue de cette réunion pour justifier ses décisions, évoquant « la corruption ».
« Je rassure les Tunisiens que l’Etat est là, et il n’est pas question de porter atteinte aux droits et libertés », a-t-il assuré, réitérant que ces mesures d’exception respectent selon lui la Constitution.
Dans la journée, plusieurs centaines de partisans du président Saied et d’Ennahdha ont échangé des jets de bouteilles et de pierres devant le Parlement à Tunis. Mais la situation est ensuite revenue à la normale.
Selon Ennahdha, le bureau de l’Assemblée, réuni en dehors du Parlement, a appelé l’armée et les forces de sécurité à « se placer du côté du peuple et à remplir leur rôle de protection de la Constitution ».
Ces bouleversements marqués par des nombreux rassemblements de foule interviennent alors que la Tunisie, déjà frappée par ailleurs par le chômage et l’inflation, fait face à un pic épidémique, avec l’un des pires taux de mortalité officiels au monde. Le pays de 12 millions d’habitants a enregistré officiellement plus de 560.000 cas de Covid, dont plus de 18.000 décès.
Source: Avec AFP