La Chine a fait des progrès dans le développement des armes nucléaires, mais ne les utilisera qu’à des fins de défense, a déclaré le ministre chinois de la Défense Wei Fenghe lors d’un forum à Singapour. Sachant que les missiles intercontinentaux DF-41 présentés pendant un défilé à Pékin en 2019 sont opérationnels. Et si Taïwan proclamait son indépendance avec l’aide des États-Unis, la Chine se battrait jusqu’à la victoire.
Les États-Unis affirment que Pékin adopte un comportement provocateur et qu’elle a renoncé à la stratégie qui n’autorisait que des moyens de dissuasion minimaux. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), le risque de collision nucléaire a atteint son plus haut niveau depuis la guerre froide.
À la question des reporters de savoir pourquoi la Chine avait installé plus de 100 silos de missiles nucléaires, Wei Fenghe a déclaré pendant le forum de sécurité Dialogue de Shangri-La que la Chine menait toujours une politique axée sur le développement des forces nucléaires pour se défendre et ne les utiliserait pas la première.
La Chine créait ces moyens pendant plus de cinq décennies. L’objectif final de l’arsenal nucléaire chinois consiste à prévenir une guerre nucléaire.
La Fédération des scientifiques américains a annoncé l’an dernier que la Chine avait construit plus de 120 silos de missiles dans le désert de Xinjiang. Le département d’État américain s’inquiète que Pékin s’écarte de sa stratégie prévoyant la création uniquement des forces de dissuasion minimales, l’appelant à engager des démarches pratiques afin d’empêcher une course aux armements.
D’après l’agence Reuters, en 2020, selon les informations du Pentagone, la Chine disposait d’environ 200 ogives, tout en s’attendant à ce que ce nombre double. Les États-Unis disposaient alors d’environ 3800 ogives. À l’époque, Pékin a fait valoir que ses forces étaient minuscules par rapport à celles des États-Unis et de la Russie, soulignant qu’il était prêt à rejoindre les négociations sur la maîtrise des armements sur la base de l’égalité.
Pourtant, c’était avant le début de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, qui a exacerbé les soupçons réciproques entre Pékin et Washington. À Singapour, après sa rencontre avec le chef du Pentagone Lloyd Austin, Wei Fenghe a mis en garde l’Amérique contre une politique d’encouragement à l’indépendance de Taïwan, précisant que dans ce cas la Chine se battrait jusqu’à la victoire. M. Austin lui a répondu que Pékin se comportait d’une manière de plus en plus provocatrice en intimidant Taïwan et en renforçant la pression sur le Japon, l’Inde et d’autres pays voisins.
Cet échange de politesses a eu lieu sur fond de publication d’un rapport par le SIPRI. Ce document stipule que dans les années à venir l’arsenal nucléaire mondial devrait augmenter pour la première fois depuis la guerre froide, alors que le risque d’usage de cette arme est le plus élevé depuis des décennies. Les hostilités en Ukraine et le soutien de Kiev par l’Occident ont renforcé les tensions entre neuf États disposant de l’arme nucléaire.
Le nombre d’unités de l’arme nucléaire s’était légèrement réduit entre janvier 2021 et janvier 2022. Mais si les puissances nucléaires n’entreprenaient pas des actions immédiates, les réserves d’ogives mondiales commenceraient à augmenter pour la première fois depuis des décennies. Wilfred Wan, directeur du programme sur les armes de destruction massive du SIPRI, déclare que « tous les États dotés d’armes nucléaires augmentent ou modernisent leurs arsenaux et la plupart renforcent la rhétorique nucléaire et le rôle que jouent ces armes dans leur stratégie militaire ».
C’est également l’avis du premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong. Il est inquiet de voir que les alliés américains, le Japon et la Corée du Sud, parlent publiquement de l’éventualité de déployer des armes nucléaires sur leur territoire ou de les créer par leurs propres moyens. Même de telles discussions pourraient saper la stabilité dans la région, a souligné le premier ministre.
Le missile intercontinental DF-41 a été présenté pendant un défilé à Pékin. Il était supposé qu’il s’agît d’un prototype en quantité limitée encore à l’essai. Or la Chine a reconnu à présent que le DF-41 était déjà mis en service dans les forces de missiles. Les dix dernières années ont marqué une période de développement très rapide des forces nucléaires stratégiques chinoises.
Pékin dispose aujourd’hui de trois types de missiles intercontinentaux. Sachant que les missiles DF-41 existent en trois versions: à silo, mobile routière et ferroviaire. En termes de vecteurs la Chine devance tout le monde, même la Russie. Un travail sur des propulseurs hypersoniques pour des missiles intercontinentaux est en cours. Il était supposé auparavant que les armes nucléaires chinoises étaient destinées à dissuader une attaque nucléaire contre la Chine et le chantage nucléaire. Cela était dû au fait que la Chine avait des ressources limitées et un faible potentiel technologique. Maintenant, la Chine est une superpuissance industrielle et elle change ses approches.
Après l’arrivée au pouvoir aux États-Unis de Joe Biden, la Russie et les États-Unis ont réussi à prolonger de cinq ans le traité START sur la réduction des armes stratégiques. Mais les négociations ne sont plus menées après le début des hostilités en Ukraine. Et il n’est pas question que la Chine adhère au dialogue russo-américain.
Par Alexandre Lemoine.
Source : Observateur Continental