Des observateurs israéliens s’inquiètent des récents développements dans les négociations indirectes destinées à ressusciter l’accord nucléaire et du rapprochement iranien avec la Russie. Alors que les relations entre Tel Avivi et Moscou ne cessent de se détériorer, le Tribunal russe devant arrêter son verdict final sur les activités de l’agence juive en Russie dans 6 jours.
Européens et Américains ont fait deux concessions
Selon le chroniqueur des affaires arabes de la télévision israélienne Channel 12, « les chances de conclure un accord nucléaire ont augmenté considérablement après que les américains et les européens ont fait deux concessions importantes ».
Selon Ehud Yaari, la première concession est que « l’Agence internationale de l’énergie atomique renoncera à enquêter sur les activités militaires de l’Iran ».
Et la seconde est de « permettre aux Européens et aux autres de traiter avec les gardiens de la révolution en dépit du maintien des sanctions américaines contre eux », a-t-il indiqué.
Concernant la médiation du Commissariat de l’Union européenne, pour alléger les sanctions contre le CGRI, le magazine Politico a confirmé cette dernière concession, indiquant qu’elle a été proposée par les Européens dans un document.
Se référant au projet de ce document, dont les détails ont été finalisés lundi 8 août à Vienne, Politico rapporte que la proposition de l’UE, présentée grâce à la médiation de son chef des affaires étrangères, Josep Borrell, en coordination avec des responsables américains, ne préconise pas la levée des sanctions imposées aux gardiens de la révolution iraniens, mais limitera sérieusement leur efficacité.
Le texte se lit comme suit : « Les non-Américains qui traitent avec des Iraniens qui ne figurent pas sur la [liste des sanctions américaines] ne seront pas sanctionnés pour la simple raison qu’ils sont impliqués dans des transactions distinctes liées aux Iraniens sur la liste des sanctions américaines, y compris les gardiens de la révolution islamique d’Iran. Guard Corps, leurs responsables, leurs institutions et leurs branches.
Selon le magazine, citant un diplomate proche de ce dossier, cette formule indique que les unités du corps des gardiens de la révolution islamique en Iran (CGRI) peuvent échapper aux sanctions américaines en menant leurs affaires par le biais personnalités et d’institutions tierces fausses.
Le diplomate a ajouté que le chef des affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell, a récemment soumis à toutes les parties un projet d’accord sur le plan d’action global conjoint, qui comprend précisément et spécifiquement la réduction des sanctions contre l’Iran en échange des mesures nucléaires nécessaires pour remettre l’accord sur le nucléaire sur les rails.
Depuis la reprise des négociations indirectes à Vienne, en avril 2021, Téhéran insiste pour une levée des sanctions assurant qu’il n’acceptera ni un nouvel accord nucléaire ni aucun autre engagement que ceux donnés dans l’accord initial.
Malgré la réalisation d’avancées significatives dans les négociations, les pourparlers ont été suspendus en mars dernier, des points de divergence demeurant entre Téhéran et Washington, sur lesquels les intéressés n’ont pas encore pu combler le fossé. De même pour les pourparlers indirects menés à Doha, facilités par l’Union européenne, ils sont restés sans percée.
Aucun moyen de stopper la collaboration russo-iranienne
L’autre source de préoccupation israélienne est le rapprochement entre Téhéran et Moscou.
« La collaboration russo-iranienne est très préoccupante et il n’y a aucun moyen de la stopper après ses différentes expressions dans divers domaine », a dit Yaari.
« Le président iranien Ebrahim Raïssi a parlé à 4 reprises avec le président russe Vladimir Poutine. Ceci ne se passe pas à ce point-là entre les Etats en si peu de temps, en dehors des moments de crise », a fait remarquer le chroniqueur de Channal 12.
Les photos des deux présidents iranien et russe ainsi que celles de la rencontre de ce dernier avec le guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei ont fait la une des médias israéliens qui ont déclaré ouvertement « qu’Israël ne les aime pas et qu’elles illustrent une évolution régionale qui n’est pas saine ».
Selon le site web al-Mayadeen, les médias se sont arrêtés sur l’adhésion partielle de l’Iran au système de paiement russe Mir, puis à l’autorisation qu’il a accordée aux Russes en vue d’acheminer leurs marchandises en direction de l’Inde, via les territoires iraniens leur permettant de contourner les sanctions occidentales imposées à la Russie sur fond de la guerre en Ukraine. Ils ont aussi fait remarquer que ce rapprochement russo-iranien a réussi à empêcher le président turc Recep Tayyip Erdogan de lancer son offensive militaire dans le nord syrien.
Le lancement par l’Agence spatiale russe Roscosmos d’un satellite iranien, transporté par une fusée russe de type Soyouz 2.1B, depuis la base Baïkonour au Kazakhstan a aussi attiré leur attention.
Sans oublier le protocole d’accord conclu entre la compagnie pétrolière iranienne et son homologue russe Gazprom en vue d’investir 40 m$ par Moscou dans le développement des champs de Kish et North Pars, l’augmentation de la production du champ South Pars et le développement de 6 champs pétrolifères iraniens.
Selon des observateurs libanais, les deux dossiers pourraient très bien être en liaison: celui des dernières évolutions dans les négociations sur l’accord nucléaire et le rapprochement accéléré entre Téhéran et Moscou. Les concessions faites subitement par les Occidentaux aux Iraniens pouvant très bien servir à entraver ce rapprochement ou à l’alléger.
Détérioration des relations russe-israéliennes
Tout ceci alors que les relations entre la Russie et ‘Israël’ ne cessent de se détériorer, depuis l’opération militaire russe en Ukraine. Son point culminant a été l’arrêt des activités de l’Agence juive en Russie puis l’échec de la rencontre du 1er août, entre une délégation israélienne et des représentants du ministère de la Justice russe pour régler ce dossier. Elle s’était terminée sans résultat.
« Ils n’ont ni refusé les conditions israélienne ni ne les ont acceptées et n’ont pas fourni de réponses claires », a rapporté Israel Hayom selon lequel si la situation se poursuit telle quelle, le tribunal qui tiendra sa première audience le 19 aout prochain pourrait statuer de fermer l’agence.
Moscou accuse l’agence de collecter, de stocker et de transférer à l’étranger des informations sur les citoyens russes et de les conserver dans des servers situés en dehors de Russie. Alors que les Israéliens disent que ces informations sont innocentes, ne comportent que des numéros de téléphone, des adresses électroniques et ne concernent que des juifs russes voulant émigrer ou travailler dans l’agence.
La duplicité d’Israël est « intenable »
La décision russe est intervenue lorsque Yaïr Lapid est devenu Premier ministre d’Israël, succédant à Naftali Bennett.
En tant que ministre des Affaires étrangères, Lapid avait condamné l’invasion russe de l’Ukraine dès le premier jour et demandé au gouvernement [israélien] de se tenir aux côtés des États-Unis, de se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou et, surtout, de fournir à l’Ukraine des armes, avec en particulier des batteries Dôme d’acier et des drones.
Avant cela, des centaines de réservistes militaires et d’agents du renseignement israéliens se sont « portés volontaires » pour combattre en tant que mercenaires dans les milices ukrainiennes, sous le président Volodymyr Zelensky – qui dit vouloir faire de l’Ukraine un « deuxième Israël ». Certains ont été capturés aux côtés des troupes ukrainiennes dans la région du Donbass.
Ce qui a révélé la duplicité et le rôle clandestin d’Israël dans le transfert ou l’aide au transfert de systèmes d’armes, de drones et de personnel militaire et de renseignement vers le pays.
Auparavant, les Israéliens ont mené des raids contre la Syrie, en particulier le bombardement du 20 juin de l’aéroport international de Damas qui a entraîné sa fermeture pendant deux semaines; cela a incité Poutine à demander à son ministère des Affaires étrangères de présenter un projet de résolution très ferme au Conseil de sécurité de l’ONU en signe de protestation.
Une grande partie des médias israéliens diabolisent sans interruption la Russie et Poutine, le comparant à Hitler et à Néron, et l’accusant – sans aucune ironie – d’avoir commis des crimes de guerre qui ne doivent pas rester impunis.
« La politique d’Israël consistant à jouer les deux camps tout en feignant la neutralité devient intenable. En suspendant les opérations de l’Agence juive en Russie, Poutine affiche un carton rouge. Le pire [pour Israël] est peut-être encore à venir », a taclé le rédacteur en chef du journal en ligne londonien arabophone Rai al-Yaoum, Abdel Bari Atwan.
Source: Divers