Après d’intenses négociations sous l’égide des Etats-Unis, la présidence libanaise a annoncé ce mardi 11 octobre que l’accord avec l’entité sioniste sur la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et la Palestine occupée « sera conclu au plus tôt ». Alors que du côté israélien, le Premier ministre parle déjà « d’un accord historique ».
« Un accord satisfaisant »
Sur Twitter, le bureau médiatique du chef de l’Etat Michel Aoun a indiqué que ce dernier a reçu la version finale de la proposition du médiateur américain Amos Hochstein, chargé depuis près de deux ans de suivre les pourparlers sur ce dossier , précisant qu’elle est « satisfaisante et répond aux exigences libanaises » et qu’elle « a préservé les droits du Liban sur ses richesses naturelles ».
Et d’assurer que le président Aoun mènera les consultations nécessaires sur cette question nationale, en vue de l’annonce officielle de la position nationale unifiée. Cette annonce survient à 20 jours de la fin de son mandat, qui expire le 31 octobre.
La version de Hochstein avait été livrée dans la soirée de lundi, au vice-président du Parlement Elias Bou Saab, qui l’a remise au matin de ce mardi au chef de l’Etat libanais, au chef du Parlement Nabih Berri et au Premier ministre Najib Mikati.
Bou Saab qui a présenté le chef de l’Etat pour mener les négociations avait alors estimé que « l’accord est juste et satisfait les deux protagonistes »
Le projet d’accord sur la frontière maritime prend en compte toutes les exigences libanaises », a-t-il indiqué pour l’agence Reuters, ajoutant qu' »un accord historique pourrait être imminent ».
« Une manoeuvre de neutralisation »
Début octobre, ayant exprimé leur satisfaction à un projet d’accord du médiateur américain, les responsables libanais ont toutefois fait part de quelques remarques et demandes d’amendements.
Envoyées aux Israéliens, elles ont été rejetées par le Premier ministre Yaïr Lapid, indirectement, via un responsable sous l’anonymat, puis par le cabinet restreint israélien, mais sans que celui-ci ne publie de communiqué allant dans ce sens.
Dimanche les autorités israéliennes avaient donné l’autorisation à la compagnie Energean de procéder au dernier test de pompage vers la plage du gaz du gisement de Karish, tout en prenant soin d’envoyer au Liban un message, via les médias, pour être transmis au numéro un du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah que ce test ne veut pas dire que l’extraction a été entamée.
Le secrétaire général du Hezbollah avait, dans ses discours antérieurs, menacé de riposte militaire, au cas où les travaux d’extraction de gaz de Karish sont entamés sans accord avec le Liban sur la démarcation des frontières maritimes. Il est prévu qu’il évoque cet accord ce mardi soir, dans son discours qui sera diffusé en direct sur al-Manar vers 20:30 (heure de Beyrouth/al-Qods occupée)
Selon le chroniqueur des questions israéliens de la télévision al-Manar, Hassan Hijazi, le refus israélien des amendements libanais n’est qu’une manœuvre destinée à neutraliser les voix hostiles à l’accord, dont celle de la droite israélienne, sur fond de l’échéance électorale fixée pour le 1er novembre.
Pour la 5ème fois en trois ans et demi, des législatives doivent se tenir et pourraient consacrer, selon l’AFP, le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu avec ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de l’extrême droite.
La semaine dernière, l’ex-Premier ministre israélien avait fustigé ce projet, accusant l’actuel Premier ministre de « donner » au Liban un « territoire souverain d’Israël », de « capituler » face au Hezbollah libanais et menaçant de ne pas respecter l’accord en cas de retour aux affaires.
« Un accord historique »
Evoquant ce mardi l’accord qui devrait être conclu, M. Lapid parlait dans un communiqué d’un accord « historique ».
Il « va renforcer la sécurité d’Israël, injecter des milliards (d’euros) dans l’économie israélienne et assurer la stabilité de notre frontière nord (avec le Liban) », a-t-il ajouté, selon l’AFP, précisant qu’une réunion de son cabinet de sécurité était prévue mercredi sur cet « accord conclu » à l’issue d’une médiation américaine.
Le gaz de Karish est destiné à se substituer au gaz russe et à approvisionner l’Europe qui souffre déjà de pénuries et craint le pire avec l’arrivée de l’hiver, en raison des sanctions que les Occidentaux ont décrétées contre la Russie afin de la punir pour son opération militaire en Ukraine.
« Toutes nos demandes ont été acceptées », avait déclaré plus tôt Eyal Hulata, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre.
« Le Hezbollah, qui fait partie du Parlement libanais, est conscient de la situation économique catastrophique du Liban et il a un intérêt à ce que le Liban puisse exploiter du gaz », a commenté mardi le ministre israélien de la Sécurité publique Omer Bar Lev.
Mardi, des responsables israéliens ont indiqué que l’accord allait être présenté au Parlement, sans fournir de date précise.
Gisements Karish et Qana
Selon des informations de presse et des responsables israéliens, cités par l’AFP, le texte prévoit que le gisement offshore de Karish soit sous contrôle de l’entité sioniste et que les réserves de Qana, situées plus au nord-est, soient octroyées au pays du cèdre.
Mais comme une partie de ce gisement dépasse la future ligne de démarcation, la 23, l’entité sioniste toucherait une part des futurs revenus de l’exploitation gazière de Cana, d’après ces sources.
Bou Saab, a assuré mardi qu’il y avait eu « un accord entre Total et les Israéliens » en vertu duquel ces derniers pourraient « recevoir des compensations » du géant énergétique et non du Liban.
Mais contrairement à Karish, le gisement de Qana est encore loin de pouvoir être activé et doit faire l’objet de plus de prospection pour en déterminer les ressources gazières récupérables.
Dans ce cadre, le directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la branche Exploration-Production de TotalEnergies, Laurent Vivier, est arrivé ce mardi au Liban, d’après l’agence officielle libanaise ANI.
Le rôle de la France
En juillet, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid avait évoqué ce dossier avec le président français Emmanuel Macron, espérant voir Paris user de son influence pour faciliter un accord avec Beyrouth, d’autant que le français Total est pressenti pour explorer le gisement de Qana.
La semaine passée, l’ambassadrice de France au Liban Anne Grillo s’était rendue en personne à la banlieue sud de Beyrouth pour rencontrer dans un tête à tête le chef du bloc parlementaire Fidélité à la résistance, Mohamad Raad avec lequel elle a évoqué, entre autres, le dossier de la démarcation des frontières maritimes.
Elle aurait selon des sources ayant contacté des parlementaires du Hezbollah rendu compte « des conseils et des points de vue de ceux qui veulent aider la renaissance du Liban sinistré », selon le journal libanais an-Nahar. Lui faisant part qu’elle est entièrement consciente de la situation libanaise embarrassante, elle lui aurait fait part « de la nécessité de traiter avec le plus haut degré de positivité et de flexibilité les offres de démarcation maritime que la partie américaine a récemment transmises aux responsables à Beyrouth comme une rare opportunité pour la stabilité future du Liban ». Et de ne pas louper cette opportunité comme « une issue parmi les issues de secours pour l’économie libanaise ».
« Pas de président de défi »
Selon le quotidien libanais, la diplomate française a longuement évoqué avec le député du Hezbollah l’échéance de le formation d’un nouveau gouvernement libanais. Le represéntant du parti de la Résistance lui aurait fait part qu’il la classe en tête de ses priorités, car une vacance présidentielle prévue serait plus problématique du fait que le gouvernement actuel est intérimaire.
S’agissant de l’élection présidentielle, M. Raad a rappelé à Mme Grillo que le Hezbollah insiste sur une personnalité « qui ne constitue pas de provocation pour aucune composante politique du pays », et qu’il est hostile à un « président de défi ».
Source: Divers