Un cordon ombilical relie la rencontre organisée par l’Arabie saoudite au palais de l’Unesco à Beyrouth, destinée à réanimer l’accord de Taef, à la rencontre qui a eu lieu au centre Wilson, aux Etats-Unis, axée sur la politique américaine au Liban, avec l’intervention de l’assitante du secrétaire d’état américain pour le Proche-Orient Barbara Leaf.
Deux grands absents
Ils étaient des dizaines d’homme politiques libanais, des députés, des ministres, des diplomates, des ambassadeurs et des religieux qui ont acquiescé le samedi 5 novembre l’invitation de l’ambassadeur saoudien Walid al-Boukhari pour célébrer 33 années des accords de Taef.
Des observateurs constatent qu’une grande partie des participants faisaient partie de ceux qui lui étaient hostiles.
Et inversement. Deux personnalités se sont fait remarquer par leur absence, et qui avaient pourtant contribué à son élaboration : l’ex-chef du parlement libanais, le chiite Hussein al-Husseini, et surtout Mme Bahia Hariri, la sœur de l’ex-Premier ministre défunt Rafic Hariri, qui a le plus tiré profit de cet accord.
Depuis l’éclatement de la crise au Liban en 2019, l’efficacité de cet accord conclu en 1990 pour mettre fin à 15 années de guerre civile a été souvent contestée. Il trébuchait depuis 2005, date du retrait syrien du Liban. Damas ayant été au côté de Riad l’un des parrains de l’accord.
D’aucuns estiment qu’il faudrait l’amender voire même le saper pour élaborer un nouveau contrat politico-social.
D’autres avancent qu’il n’a pas été appliqué à la lettre et en appelle à le faire. Le mouvement Amal et le Parti progressiste socialiste de Walid Joumblatt font partie des derniers, évoquant respectivement l’éradication du confessionalisme politique et la formation d’un sénat.
Parmi les premiers, le Courant patriotique libre, le parti de l’ex-président Michel Aoun, qui déplore la confiscation à la présidence (poste maronite) de ses pouvoirs en faveur du Premier ministre(Sunnite) et des ministres, en appelle à lutter pour les restituer.
L’avis ne semble pas partagé par d’autres partis politiques chrétiens.
Le parti des Forces libanaises, allié depuis quelques années des Saoudiens, la modification de l’accord de Taef ne servira pas les intérêts des Chrétiens d’autant que le changement démographique n’est pas en leur faveur. Et il n’est pas sûr en cas de négociations que les chrétiens puissent obtenir la parité dans la chambre des représentants et dans le pouvoir.
« La crainte de la communauté chiite »
Selon le site d’analyses libanais aux capitaux qataris, al-Modon, la conférence de l’Unesco sur l’accord de Taef constitue « une porte d’entrée du royaume saoudien pour consolider son hégémonie » au pays du cèdre.
Autant qu’il veille à ce que les prérogatives du Premier ministre soient maintenues, le royaume wahhabite appréhende « des modifications dans l’accord qui puissent changer l’équilibre des forces en faveur de la communauté chiite », à qui revient le poste de chef du législatif, surtout grâce « au pouvoir des armes du Hezbollah », selon al-Modon. – Ce terme est souvent employé par les tenants de la propagande hostile au Hezbollah pour insinuer que la force militaire de la résistance impacte la vie politique interne.
Par-dessus tout, Riyad craint pour son hégémonie sur le Liban.
Interrogé par notre site arabophone al-Manar, l’expert politique Ali Mourad perçoit que l’Arabie saoudite semble « tendue et impulsive », en estimant que la discussion autour de cet accord « consacre la faiblesse du rôle saoudien que lui ont donné les prérogatives accordées au Premier ministre ».
L’Arabie saoudite « ne pourra pas entraver le changement ou l’amendement de l’accord au cas où les Libanais s’entendent entre eux pour le faire », a néanmoins affirmé M. Mourad.
En finir avec le Hezbollah
En revanche, il estime que les Saoudiens œuvrent de concert avec les Américains qui ont de commun leurs velléités d’en finir avec le Hezbollah.
En même temps que la conférence de l’Unesco, la vice-secrétaire d’état pour le Proche-Orient Barbara Leaf lançait depuis le Centre Wilson des menaces formulées sous forme de prévisions et de constats alarmistes à peine voilés.
Lors de cette rencontre sur la politique américaine au Liban, était présent l’ex-ambassadeur américain au Liban, David Hale qui s’est fait une spécialité d’intervenir sur le Liban, régulièrement , au côté de son assistant David Schenker, au Congrès américain. Administrant ses conseils à l’administration américaine, dont le plus célèbre a été celui d’imposer un embargo économique sur le Liban.
Des scénarios catastrophiques
Mais cette fois-ci, ce sont les propos de Barbara Leaf qui ont résonné.
Ses propos se veulent contrastants avec l’atmosphère optimiste qui a régné au Liban après l’accord de la démarcation des frontières maritimes avec l’entité sioniste. Un optimisme qui n’a pas été entaché par la vacance présidentielle qui s’en est suivie.
« Je vois plusieurs scénarios. Le pire étant le démantèlement (de l’Etat)… Il y a plusieurs scénarios catastrophiques », a-t-elle dit.
Et de poursuivre en décidant des besoins du Liban à la place des Libanais, sans en avoir été mandaté. Un stratagème dans lequel les Américains excellent, même s’ils perdent leurs paris.
« Le Liban doit élire de toute urgence un président et nommer un Premier ministre, puis former un gouvernement doté des pleins pouvoirs pour travailler sur certaines décisions importantes, notamment des réformes fondamentales et l’approbation de prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, pour le financement de contrats énergétiques ». Des diktats qui exposent les conditions que doivent remplir le président qui doit être élu et le gouvernement qui doit être formé.
Ce que les Libanais doivent faire
Elle poursuit en expliquant comment faire : « ce n’est pas le travail des diplomates étrangers d’aller à la Chambre des représentants et de faire pression sur les représentants pour élire un président… Je pense qu’il faut que les choses s’aggravent, avant qu’il n’y ait une pression publique ressentie par les représentants. Nous faisons pression sur les dirigeants politiques pour qu’ils fassent leur travail, mais rien n’est aussi efficace que la pression populaire. Tôt ou tard, cela bougera à nouveau ». Ses propos s’apparentent à un appel à l’insurrection. L’on peut deviner que les partisans de son pays ont reçu le mot d’ordre.
Leaf n’a pas manqué de parler du Hezbollah que son administration et toutes les précédentes ont tenté en vain d’éradiquer.
« L’une des thèses dit que l’effondrement du Liban permettrait de faire renaitre le Liban des cendres, débarrassé de la malédiction que représente le Hezbollah. Mais le peuple du Liban et ses voisins Israël, la Jordanie et la Syrie porteront le fardeau de l’effondrement de l’Etat. Raison pour laquelle il faudrait éviter que cela se passe. »
Tout en brandissant la menace de l’immigration des Libanais, Leaf semble consciente que les pays de la région, dont ses alliés en seraient affectés.
Même « Israël ».
En effet, dans un scénario aussi dramatique que de transformer le Liban en cendres, pour effacer le Hezbollah, rien n’empêchera ce dernier d’ouvrir la boite de Pandore sur les Israéliens.
Source: Divers