Bagdad et les autorités locales du Kurdistan irakien ont signé un accord permettant la reprise dès mardi des exportations de pétrole de la région autonome vers la Turquie, interrompues il y a dix jours, un compromis « temporaire » pour mettre fin à une longue dispute.
Cet accord intervient 48 heures après l’annonce par Bagdad et plusieurs autres membres de l’Opep d’une réduction drastique de leur production de pétrole dès mai. Une décision qui a fait bondir les prix du pétrole.
Alors que le gouvernement irakien mise sur un baril à 70 dollars en moyenne pour abonder son budget dans les trois prochaines années, le dossier du pétrole kurde continuait à empoisonner ses relations avec Erbil. Bagdad était très irrité de voir la région autonome faire cavalier seul en exportant son pétrole vers le port turc de Ceyhan sans percevoir de dividendes.
L’accord a été signé à Bagdad en présence des Premiers ministres irakien Mohamed Chia al-Soudani et kurde Masrour Barzani. Il prévoit la reprise des exportations du pétrole kurde jusqu’à Ceyhan « aujourd’hui » (mardi), selon un responsable kurde irakien.
Les ventes de pétrole kurde passeront désormais entre les mains de l’Entreprise pétrolière d’Etat irakienne (Somo), et non plus exclusivement par les autorités du Kurdistan d’Irak, ont indiqué un responsable du gouvernement irakien et une source kurde irakienne sous couvert d’anonymat. En outre, les revenus des exportations kurdes seront versés sur un compte géré par Erbil et supervisé par Bagdad.
Cet accord est « temporaire », a souligné M. Barzani sur Twitter, car il permettra de tenir jusqu’au vote par le Parlement irakien d’une loi-cadre sur le pétrole et le gaz: « Mais c’est une étape vitale pour mettre fin à la longue dispute entre Erbil et Bagdad ». La « dispute » a débordé des seules frontières irakiennes il y a dix jours, lorsque la Turquie a cessé d’importer le pétrole du Kurdistan d’Irak.
Le tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale à Paris avait auparavant estimé que le gouvernement irakien avait raison de vouloir en être le gestionnaire.
En 2014, Bagdad avait intenté une procédure contre son voisin turc auprès de ce tribunal, suite à l’annonce d’Ankara d’importer du pétrole depuis le Kurdistan d’Irak pour l’acheminer jusqu’à Ceyhan. Faisant fi de l’opposition du gouvernement fédéral, Erbil s’était mis à exporter vers la Turquie. Aujourd’hui, ces exportations se montent à environ 450.000 barils par jour (bpj).
L’accord va « donner à Bagdad la possibilité d’être enfin impliqué dans le secteur du pétrole du Kurdistan d’Irak, même s’il ne s’agit pour l’instant que du volet concernant les ventes », explique à l’AFP Yesar al-Maleki, analyste sur le Golfe au Middle East Economic Survey (MEES).
De son côté, « Erbil va aussi pouvoir augmenter ses revenus en arrêtant d’accorder des réductions salées » sur ses prix, ajoute-t-il.
Le pétrole est la corne d’abondance tant de Bagdad que d’Erbil. Deuxième pays de l’Opep, l’Irak exporte en moyenne 3,3 millions de barils de brut par jour. Et le brut compte pour 90% de ses revenus.
C’est aussi la raison pour laquelle la rivalité entre les deux entités est si âpre.
En théorie, Erbil devrait envoyer à Bagdad une partie de sa production pétrolière pour la commercialiser. En contrepartie, le gouvernement fédéral devrait payer les salaires des fonctionnaires kurdes.
Mais Erbil n’a jamais envoyé son pétrole et se plaint de retards chroniques dans le versement des allocations.
Pilier de l’Opep, l’Irak s’est allié à plusieurs autres pays producteurs, tels que l’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats pour annoncer dimanche une réduction de 211.000 barils par jour de sa production dès mai.
Des analystes observent que ces « ajustements volontaires » sont destinés à faire remonter les cours après une récente chute.
Source: AFP