Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban (BDL), qui a refusé de se présenter mardi pour son premier interrogatoire à Paris est désormais sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Il a été délivré par la juge d’instruction française chargée de l’enquête sur son patrimoine européen qui aurait pu déboucher sur sa mise en examen.
Lui son frère et une assistante, font l’objet d’une enquête au Liban et dans au moins cinq pays européens pour détournement présumé de centaines de millions de dollars de la banque centrale au détriment de l’État, une accusation rejetée par les deux frères.
Riad Salamé était convoqué mardi matin pour un interrogatoire en vue d’une éventuelle mise en examen mais ne s’y est pas présenté car, selon son avocat Pierre-Olivier Sur, sa convocation ne respectait pas les règles. Alors qu’il avait jusque-là refusé tout commentaire sur la venue de son client, son avocat, Pierre-Olivier Sur a indiqué mardi à l’AFP qu »en ayant adressé la convocation moins de 10 jours avant la date prévue de l’interrogatoire, les textes n’ont pas été respectés. La convocation est donc caduque. C’est imparable ».
Selon une source de justice de haut rang, le système judiciaire libanais, a tenté de délivrer la convocation à Riad Salamé à la Banque centrale, mais il n’a pas été en mesure de le faire car il n’était pas disponible pour la recevoir. Des policiers libanais se sont rendus pendant quatre jours consécutifs la semaine dernière au siège de la BDL pour délivrer la convocation, sans succès, a précisé à l’AFP lundi cette source.
D’après une autre source judiciaire, les avocats des trois accusés ont soumis une objection à la justice libanaise, affirmant que la France ne devrait pas être autorisée à juger une affaire faisant déjà l’objet d’une enquête au Liban.
Après ce refus de comparaître, la magistrate française avait deux options : reconvoquer Riad Salamé ou décerner un mandat d’arrêt. Elle a choisi la seconde, mettant en cause formellement Riad Salamé pour la première fois dans son information judiciaire ouverte en France depuis juillet 2021.
« Ce mandat d’arrêt qui se fonde sur une non-réponse à une convocation hors délai est à mes yeux un abus de droit pur et simple », a réagi Me Sur.
Le Liban n’extrade pas ses ressortissants, mais il applique les décisions de justice étrangères les concernant.
Salamé, 72 ans, est soupçonné de s’être constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais. Il réfute ces accusations. Depuis le début de l’année, des juges européens, incluant la juge française, se sont rendus à trois reprises au Liban pour l’interroger ainsi que ses proches. Au moins deux mises en examen ont été prononcées dans l’enquête française : Anna K. une très proche de M. salamé, soupçonnée d’être l’une de ses prête-noms en France ; et Marwan Kheireddine, ex-ministre et actuel patron de la banque privée al-Mawarid.
En mars 2022, France, Allemagne et Luxembourg avaient gelé 120 millions d’euros d’avoirs libanais soupçonnés d’appartenir au gouverneur de la BDL.
La cour d’appel de Paris doit examiner le 23 mai la validité des saisies réalisées par la France.
« La large dérobade de Salamé est à la mesure de son cynisme et de son refus d’assumer toute responsabilité (…). Un jour ou l’autre, il sera arrêté », a affirmé Me William Bourdon, avocat de l’association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), parties civiles. L’avocat a aussi mis en cause « une obstruction systématique de certains magistrats libanais, en contradiction totale avec leurs obligations vis-à-vis de la France ».
Gouverneur de la Banque du Liban depuis la fin de la guerre civile, Salamé est accusé par l’opinion publique libanaise par son ingénierie et sa gestion financière d’avoir causé la crise économique et financière qui connait le pays du cèdre depuis 2019. Son mandat devrait arriver à terme le mois de juillet prochain.
Source: Agences