L’analyste politique israélien Amos Harel a indiqué dans le quotidien israélien Haaretz que les rumeurs sur une guerre à grande échelle au Liban se répandent rapidement au sein du public israélien, sans nécessairement être liées aux développements sur le terrain.
Il a ajouté : « Dimanche dernier, quatre combattants du Hezbollah ont été tués dans une frappe israélienne. Dans le même temps, des drones armés et des roquettes ont été lancés depuis le Liban, blessant 18 soldats dont un grièvement suite à la chute d’un drone dans le Golan. Néanmoins, les échanges de tirs entre l’armée et le Hezbollah restent à un rythme moindre que ces derniers mois, mais cela n’élimine pas les craintes, ni au Liban, ni en Israël ».
Et de poursuivre : « L’absence de solution politique à la confrontation qui a débuté avec les tirs du Hezbollah après le « massacre » commis par le Hamas dans la bande de Gaza en octobre dernier, les menaces mutuelles entre les parties, et l’incapacité à séparer le Liban du secteur de Gaza, sont autant d’éléments qui renforcent les craintes d’un déclenchement de la guerre. C’est pourquoi les rumeurs et les théories alarmistes se répandent rapidement ».
« Certaines déclarations des ministres ne contribuent pas à apaiser la situation. Le membre du « Cabinet » et ministre des Finances Betzalel Smotrich a esquissé les contours de la bataille régionale attendue. Le stratège bien connu propose de « démanteler le système en Iran, d’éradiquer complètement le Hezbollah et de lancer une guerre très intense et rapide contre le Hezbollah », pour faire sortir l’organisation chiite du jeu. Dans ce contexte, il aurait mieux valu que le ministre s’intéresse aux affaires de son ministère, surtout après les mises en garde des grands économistes contre une catastrophe économique attendue pour Israël. Le plan proposé par Smotrich soulève une question nécessaire : agir avec quelle armée ?»
Comme Smotrich se vante constamment du grand nombre de soldats tués parmi ses électeurs – selon les sondages, une partie d’entre eux a commencé à perdre patience – il serait bon qu’il demande simplement à ses électeurs : quel est le niveau d’épuisement dans les unités régulières qui combattent le Hamas depuis 8 mois ? Comment se sent un soldat de réserve appelé pour la troisième fois, laissant derrière lui une famille qui lui manque, et des activités devenues intermittentes, ou une année universitaire ? Quelle est l’ampleur des armes de précision détenues par l’armée de l’air après la décision de Biden de retarder l’envoi d’environ 3500 obus lourds ? Et quels sont les travaux d’entretien à effectuer sur les chars et les véhiculés blindés, après ce grand nombre d’heures de travail ?
Il devrait également demander qui sont les militaires qui estiment qu’une action rapide et intense résoudra la bataille contre le Hezbollah ? Quel est le nombre de réservistes à mobiliser pour construire le régime militaire que le ministre préconise dans la bande de Gaza ? Quel est le niveau de préparation du front intérieur israélien pour faire face à un tir quotidien atteignant des milliers de roquettes, de drones et de projectiles en provenance du Liban, avec apparemment une assistance directe de l’Iran et des milices qu’il active en Irak, en Syrie et au Yémen ?»
« Tout ce qui précède s’ajoute à des questions stratégiques négligées, comme le soutien des États-Unis et la réponse de la communauté internationale si Israël entreprend une attaque coordonnée contre les sites nucléaires iraniens et les forces du Hezbollah dans le sud du Liban.
On ne peut pas exclure la possibilité qu’Israël se retrouve forcé de faire face à plusieurs ennemis dans une guerre à fronts multiples. Mais il semble que Smotrich mélange ici des illusions allant jusqu’à des promesses divines, ainsi qu’un plan à long terme pour étouffer économiquement l’Autorité palestinienne et la faire s’effondrer en Cisjordanie (une idée à laquelle le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’était précédemment opposé). Il est difficile d’évaluer si les déclarations du ministre des Finances hier, lors de la conférence du journal Makor Rishon, reflètent une vision stratégique étroite, ou s’il y a plus d’une partie qui pense que le scénario d’une guerre régionale de « Gog et Magog » est ce qui fera avancer la réalisation de ses objectifs.
En ce qui concerne également la situation au Liban, Netanyahu et en particulier le ministre de la Défense, Yoav Gallant, déclarent récemment avoir besoin de parvenir à des arrangements politiques d’abord, avec une médiation américaine, avant de se lancer dans une bataille globale contre le Hezbollah. La région attend toujours Amos Hochstein, l’envoyé spécial du président Joe Biden, qui arrivera bientôt pour mener une série de pourparlers entre Beyrouth et Jérusalem.
En toile de fond, le discours de Netanyahu au Congrès américain est prévu dans 3 semaines, le 24 juillet. Les Israéliens évoquent dans leurs discussions avec les Américains la possibilité que l’armée entame une offensive contre le Liban, dans l’espoir que le Hezbollah se maîtrise et accepte des arrangements qui éloigneraient ses forces au nord du Litani. Mais les Américains en doutent : ils pensent qu’il n’y a pas d’étapes intermédiaires dont le plafond serait inférieur à un affrontement total – et qu’une opération limitée de l’armée serait rapidement suivie d’une escalade du Hezbollah, rendant alors la voie vers une guerre totale très courte.
La principale difficulté à laquelle est confronté le gouvernement concerne les attentes du public. Environ 60 000 habitants des zones frontalières du nord ont en effet reçu l’ordre du gouvernement et de l’armée d’évacuer leurs maisons le 8 octobre. Aujourd’hui, aucune date précise de retour n’a été fixée. Les critiques de plus en plus virulentes sur cet échec stratégique persistant se font entendre de la part des habitants du nord, des médias et de l’opposition.
Les réponses des porte-parole du gouvernement ne sont pas convaincantes. Plus la situation actuelle perdure sans solution, plus la tentation est grande pour le gouvernement et l’armée de tenter de changer la donne par une vaste opération militaire, malgré les risques connus », a conclu Amos Harel.
Source: Avec Al-Ahed