La décision de Joe Biden d’invoquer son privilège présidentiel pour accorder une “grâce totale et inconditionnelle” à son fils, Hunter Biden, qui risquait une peine de prison pour avoir fait de fausses déclarations d’impôts, pour fraude fiscale et pour avoir porté une arme non enregistrée, a suscité une avalanche de commentaires. Des Démocrates de premier plan, dont la sénatrice Elizabeth Warren (Mass.) et le gouverneur de Californie Gavin Newsom, se sont prononcés contre l’acte népotique de Biden, et un ancien conseiller de Bernie Sanders y a vu “un gros doigt d’honneur” au Parti démocrate pour l’avoir forcé à se retirer de la course à la présidence.
Dans un article paru dans CounterPunch le 6 décembre, Melvin Goodman a critiqué l’hypocrisie des Démocrates qui, d’une part, ont mis en doute le manque de moralité de Biden et, d’autre part, n’ont pas souligné les crimes majeurs du président en matière de soutien matériel, politique et diplomatique au génocide israélien. Goodman, je crois, a raison sur ce point précis, mais son affirmation plus générale sur “les 50 ans de carrière politique admirable et éthique du président” est plus que douteuse. Depuis ses années au Sénat, en tant que vice-président et président, M. Biden, parmi les nombreux autres écarts de jugement dont il s’est rendu coupable, a toujours été un va-t-en-guerre défenseur de la puissance impériale des États-Unis.
Bien qu’il ait initialement différé son soutien à la guerre du Golfe en 1990-1991, il a regretté cette décision, et adopté des positions belliqueuses sur toutes les invasions américaines qui ont suivi. Même lorsqu’il a d’abord exprimé des réserves sur les interventions américaines, il a toujours fini par soutenir l’option militaire.
Un article de recherche approfondi sur la carrière politique de M. Biden a révélé qu’il a soutenu “le bombardement incessant de l’Irak, [promu] le changement de régime en tant que politique officielle et [utilisé] les sanctions économiques pour ‘paralyser’ le pays”.
Le soutien de Biden à l’invasion de l’Afghanistan en 2001 de l’Irak en 2003, de la Libye en 2011 et de la Syrie en 2014 a soumis la région aux bombardements américains, aux interventions terrestres, à la mort massive de civils, au déplacement de millions de réfugiés et à l’instabilité permanente. Ces attaques étaient en grande partie des actes gratuits de soutien à Israël, armant cyniquement les forces de l’État islamique et d’Al-Qaïda, comme en Syrie, pour tenter de faire tomber le gouvernement Assad à Damas, qui a finalement abouti le 8 décembre 2024. Le groupe islamique radical qui a revendiqué la victoire en Syrie, Hayat Tahrir Al-Sham est qualifié par les médias grand public de simple groupe “rebelle”, alors même que le gouvernement américain l’inscrit toujours sur la liste des “organisations terroristes”. Mais tant qu’il s’agit de nos terroristes, ça ne pose pas de problème.
En soutien au bombardement de 78 jours de la Syrie en 1999, causant la mort de plus de 2 000 civils, Biden a appelé à “une occupation de type germano-japonais” du pays, état d’esprit qui souligne sa prédilection pour les réactions de type fasciste (pensez à Gaza) à l’égard des ennemis perçus. Rien n’est incohérent entre sa défense de l’empire et ses crimes contre l’humanité à Gaza et en Cisjordanie.
Reconnaître qu’Israël est une extension de la puissance américaine au Moyen-Orient, c’est comprendre comment le génocide n’est qu’un outil de plus que les États-Unis ont utilisé contre les nations et les mouvements récalcitrants. Le Viêt Nam en est le principal exemple, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres où le massacre de civils a été un élément central de la stratégie américaine pour briser l’élan des luttes de libération nationale.
Si George W. Bush est le principal artisan au 21è siècle des guerres éternelles au Moyen-Orient, le mérite du désastre en Ukraine et du déplacement de l’horloge de l’apocalypse à 90 secondes avant minuit (le moment où le monde finit dans une conflagration nucléaire), le plus proche qu’il n’ait jamais été, revient à Joe Biden. En 2014, en tant que vice-président d’Obama avec le portefeuille informel de la gestion de l’Ukraine, dont il a été le “super champion”, Biden a contribué à concevoir la politique de changement de régime consistant à chasser Viktor Yanukovych du pouvoir à Kiev. Peu satisfait des liens de Ianoukovitch avec la Russie, Biden et son principal agent, la sous-secrétaire d’État pour l’Europe et l’Eurasie, Victoria Nuland, ont manigancé son éviction en encourageant activement et en apportant un soutien matériel à ce qu’il est convenu d’appeler les manifestations de Maïdan en 2014.
Comme l’a fait remarquer Ivan Katchanovski, les manifestations pacifiques de la “révolution orange” de 2004-2005, qui, avec l’implication directe des États-Unis, ont empêché la présidence de Yanukovych, ont été amplifiées lors des manifestations de Maidan en 2014 grâce aux interventions violentes de plusieurs organisations néo-nazies (Right Sector et Svoboda) qui ont tiré sur les manifestants et la police anti-émeute (Berkut) depuis leurs positions dans les bâtiments voisins et l’Hôtel Ukraina, plongeant ainsi la place dans un véritable bain de sang. Après l’incendie des bâtiments gouvernementaux par des néonazis, Ianoukovitch a été contraint de démissionner et de s’enfuir de Kiev en février 2014.
Quelques semaines auparavant, Nuland et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine avaient déjà sélectionné son remplaçant, Petro (“roi du chocolat”) Porochenko, ancien informateur actif de l’ambassade des États-Unis. Porochenko, qui allait devenir le président fantoche de Washington, était aligné sur la faction “Notre Ukraine” du gouvernement, soutenue par les États-Unis. Dans le même temps, Nuland a également choisi le tout nouveau néolibéral et pro-UE Arseniy Yatsenyuk au poste de Premier ministre.
Pour son soutien à Porochenko en tant que président, Biden, tel un parrain traditionnel mafieux, s’attendait à des faveurs personnelles en retour. L’une d’entre elles consistait à permettre à son fils Hunter Biden de siéger au conseil d’administration de Burisma, la plus grande société énergétique d’Ukraine. Pour ce faire, le jeune Biden, ainsi qu’un conseiller du secrétaire d’État de l’époque, John Kerry, n’ayant aucune expérience de l’Ukraine ou du secteur de l’énergie, ont reçu, selon un rapport du Congrès, un million de dollars par an pour n’avoir pratiquement rien fait, si ce n’est servir de caution à l’appui des États-Unis. En fait, Biden junior ne s’est même jamais rendu en Ukraine. Il s’agissait clairement d’une récompense pour services rendus par Biden senior lors du renversement du gouvernement Ianoukovitch, et de la mise en place du gouvernement putschiste, deux mois plus tôt.
Mais un procureur général indépendant de renom, Viktor Shokin, a enquêté sur la société véreuse Burisma Holdings et son propriétaire milliardaire Mykola Zlochevsky avec un peu trop d’insistance. Lors d’une série d’appels téléphoniques entre le vice-président Biden et Porochenko, comme le montre un podcast français, Les Crises, Biden a clairement soudoyé le président ukrainien de l’époque pour qu’il renvoie Shokin en échange d’un prêt du FMI d’un milliard de dollars, soutenu par les États-Unis. En effet, Biden s’est ouvertement vanté d’avoir donné six heures à Porochenko pour répondre, tel un shérif de l’“Ouest sauvage”. Les grands médias ont accepté sans broncher que le vice-président fréquente un oligarque corrompu, et qu’il joue un rôle de proconsul dans la politique impériale des États-Unis.
Les perspectives impériales de Biden, inspirées des engagements de Washington et des grands médias en faveur du maintien de l’hégémonie américaine dans le monde, font de lui l’un des principaux criminels de guerre, aux côtés de Kennedy, Johnson et Nixon, qui ont mené le génocide au Viêt Nam, où des millions de personnes ont été bombardées, gazées, mutilées et défigurées au moyen d’armes chimiques. Des centaines de milliers d’Ukrainiens et de Russes ont été tués à l’aide d’armes de destruction massive américaines sans discrimination, sous le commandement de M. Biden. Il est également le commandant en chef effectif du génocide à Gaza et en Cisjordanie, et du meurtre de masse de femmes et d’enfants. Compte tenu de son passé politique, une réédition moderne des procès de Nuremberg verrait certainement Joe Biden figurer sur le banc des accusés.
Gracier son fils reflète clairement ses convictions, partagées avec Trump, selon lesquelles les présidents et leurs familles sont au-dessus des lois. Quelques jours seulement après le choc initial provoqué par le mépris inconsidéré de Joe Biden pour ce que le public considère largement comme étant la corruption de sa charge et le précédent établi, des Démocrates de premier plan ont commencé à se confondre en excuses pour “le simple fait qu’il soit un père”. La Cour suprême tirera-t-elle les leçons de son comportement lorsque ce sera au tour de Trump de contrevenir aux lois ?
Par Gerald Sussman, le 12 décembre 2024
Source: Spirit Of Free Speech !