A Gaza, où la faim ronge et l’espoir s’amenuise, la farine et le pain sont devenus si rares qu’ils sont méticuleusement répartis entre des familles qui s’accrochent à la survie, dans un territoire palestinien assiégé et ravagé par la guerre depuis un an et demi.
Assises par terre entre une bâche et un mur de parpaings, des Palestiniennes mélangent avec parcimonie la farine. « Il n’y a plus ni gaz, ni farine, et le bois de chauffage n’entre pas », liste Oum Mohamed Issa, venue aider à faire du pain avec le peu de ressources encore disponibles.
Israël impose depuis le 2 mars un blocus total à la bande de Gaza, accusant le mouvement islamiste palestinien Hamas de détourner l’aide internationale qui avait recommencé à affluer à la faveur d’un cessez-le-feu conclu en janvier. Le Hamas accuse Israël d’utiliser la famine dans le conflit.
Les organisations humanitaires opérant dans le territoire palestinien manquent de tout, y compris des biens de première nécessité, aussi bien alimentaires que médicaux.
Selon Oum Mohamed, le groupe de bénévoles en vient à brûler du carton pour cuire les fines crêpes appelées « saj », du nom de la plaque convexe utilisée pour ce pain.
« Il va y avoir une famine », prédit cette Palestinienne, « et nous ne trouverons plus de quoi nourrir nos enfants ».
Fin mars, les Gazaouis se massaient encore devant les rares boulangeries ouvertes en espérant obtenir du pain, mais les fours s’éteignent à mesure que les stocks d’ingrédients, pourtant rudimentaires — farine, eau, sel, parfois un peu de levure –, s’épuisent.
Les boulangeries industrielles, qui étaient au cœur du dispositif du Programme alimentaire mondial (PAM), ont fermé en raison du manque de farine et de carburant pour leurs générateurs.
Mercredi, World Central Kitchen (WCK) a sonné l’alarme sur une crise humanitaire qui « s’aggrave de jour en jour ».
Selon l’ONG américaine, sa boulangerie est la seule encore en activité à Gaza, produisant 87.000 pains par jour.
« Le pain est devenu précieux, remplaçant souvent les repas », a-t-elle dit.
Pénurie de farine
« J’ai décidé de construire un four en argile pour y cuire du pain » et le vendre, explique Baker Dib, père de famille de 35 ans originaire de Beit Lahia (nord) et déplacé, comme la quasi-totalité des 2,4 millions d’habitants, dans la ville de Gaza en raison des bombardements.
« Maintenant, la farine commence à manquer sérieusement », poursuit-il.
Sur les marchés improvisés, on ne trouve plus beaucoup de nourriture, et les prix grimpent, rendant de nombreux produits totalement inabordables pour l’immense majorité de la population.
Fidaa Abou-Oumayra pensait être tombée sur une affaire inespérée quand elle a trouvé un sac de plusieurs dizaines de kilos de farine vendu pour environ 90 euros dans le camp de réfugiés d’al-Chati (nord) où elle a été déplacée.
« Si seulement je ne l’avais pas acheté », regrette cette femme de 55 ans. « Il était rempli de moisissure, des vers en sortaient, et le pain était infect ».
Avant la guerre, ces mêmes sacs (généralement 25 kilos) étaient vendus pour moins de dix euros.
« On est littéralement en train de mourir de faim », estime Tasnim Aboumatar depuis Gaza-ville. « Nous comptons et calculons tout ce que nos enfants mangent, on divise le pain pour qu’il tienne les jours suivants ».
« On n’en peut plus », finit par lâcher cette femme de 50 ans.
Fouiller les décombres
Selon le Bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires (Ocha), dans plus de 250 sites d’accueil de déplacés, près des trois quarts de la population n’avaient « pas ou très peu eu accès à une alimentation suffisante » en mars.
En plus du blocus, l’armée israélienne a repris ses bombardements sur la bande de Gaza le 18 mars.
Pour compenser le manque de pain, certains fouillent les décombres en quête d’un morceau de galette, d’autres marchent des kilomètres pour écumer les points de distribution.
Source: Avec AFP