De plus en plus d’artistes, cinéastes, musiciens ou écrivains occidentaux ont récemment appelé à un boycott culturel d’Israël en raison de la guerre et du génocide à Gaza, des actions qui rappellent, selon des chercheurs, le blocus contre l’Afrique du sud à l’époque de l’apartheid, rapporte l’AFP.
Pétitions, appels au boycott, déprogrammations, annonces de non-participation au concours de l’Eurovision : dans un contexte de fortes tensions politiques internationales, des artistes tentent d’exercer une pression publique pour afficher leur soutien aux Palestiniens.
« Il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit qu’à l’échelle mondiale, nous sommes à un point de bascule », déclare à l’AFP l’acteur britannique Khalid Abdalla (« Les Cerfs-volants de Kaboul », « The Crown »), l’un des signataires d’une pétition appelant à un boycott des institutions cinématographiques israéliennes.
Selon l’AFP, à l’initiative du groupe Film Workers for Palestine, la lettre ouverte a recueilli des milliers de signataires, dont Emma Stone, Joaquin Phoenix, ou Olivia Colman, qui se sont engagés à rompre leurs liens avec ces institutions qu’ils accusent d’être « impliquées dans le génocide ».
Le festival de Venise, au début du mois, tout comme la cérémonie des Emmy Awards, cette semaine, ont été le théâtre de nombreuses déclarations de solidarité avec Gaza. L’acteur espagnol Javier Bardem y est notamment apparu avec un keffieh en soutien aux Palestiniens.
Jeudi, le groupe britannique de trip-hop Massive Attack a annoncé intégrer un collectif musical appelé « No Music for Genocide », réunissant plus de 400 labels et musiciens engagés dans le blocage du streaming de leurs chansons en Israël.
Le chef d’orchestre israélien Ilan Volkov a lui annoncé la semaine dernière lors d’un concert en Grande-Bretagne qu’il ne se produirait plus dans son pays natal.
Famine et basculement. Le drapeau du Hezbollah
Ces voix de personnalités influentes émergent dans un climat jusqu’alors très clivé. Cet été, le trio nord-irlandais Kneecap a été au centre de l’attention médiatique sur fond d’annulations de ses concerts pour ses positions hostiles à la politique d’Israël. Une enquête « antiterroriste » a visé l’un de ses rappeurs pour avoir brandi le drapeau du Hezbollah, alors que l’organisation est interdite au Royaume-Uni.
« Il y a eu un basculement de la mobilisation au printemps, lorsque le monde a vu les images de la famine à Gaza », analyse pour l’AFP Hakan Thorn, universitaire suédois de l’Université de Göteborg.
Selon le sociologue, qui a consacré un ouvrage au mouvement de boycott en Afrique du Sud, « nous assistons à une situation comparable au mouvement de boycott contre l’apartheid » dans ce pays.
Le boycott international du gouvernement suprématiste blanc d’Afrique du Sud a commencé au début des années 1960 après le massacre de manifestants noirs par la police dans le township de Sharpeville.
Il a culminé avec des artistes et des équipes sportives refusant de s’y rendre, tandis que ceux s’y produisant comme Queen ou Frank Sinatra faisaient face à de vives critiques publiques.
Pour Hakan Thorn, de nombreuses figures publiques ont été au début réticentes à s’exprimer sur la situation à Gaza, déclenchée par l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël par le Hamas, sur la liste des mouvements terroristes de l’UE et des États-Unis, qui a fait 1.219 morts, dont de nombreux civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles.
« L’histoire de l’Holocauste et les accusations d’antisémitisme visant le mouvement pro-palestinien ont été un obstacle sérieux à une mobilisation plus large contre les agissements actuels d’Israël », estime-t-il.
Inquiétude des artistes israéliens
En Israël, de nombreux artistes s’inquiètent des conséquences de ces mouvements.
Selon le célèbre scénariste israélien Hagai Levi (« En thérapie », « Scènes de la vie conjugale »), interrogé en septembre par l’AFP, « 90% des personnes dans la communauté artistique » israélienne sont opposées à la guerre.
« Les artistes (israéliens) luttent, et les boycotter les affaiblit en réalité », a-t-il mis en garde.
Si le mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud est aujourd’hui évoqué par les militants actuels contre la guerre à Gaza, l’histoire a montré qu’il a fallu 30 ans avant que le régime tombe, révélant les limites des campagnes de pression internationale.
« Au début des années 1970, le boycott était le principe fondateur d’un mouvement mondial anti-apartheid qui s’identifiait comme tel, mais ce mouvement à lui seul ne suffisait pas », déclare David Feldman, qui dirige l’Institut d’étude de l’antisémitisme au Birkbeck College de l’Université de Londres.
La chute du gouvernement de l’apartheid dans les années 90 a été causée par l’asphyxie graduelle de l’économie sud-africaine alors que les entreprises et les banques se retiraient, tandis que la fin de la guerre froide augmentait considérablement l’isolement du pays.
Manifestations malgré la répression dans les capitales européennes
Dans les villes européennes, les manifestations pro palestiniennes se poursuivent en dépit de la répression dont font l’objet les militants dans certaines d’entre elles.
À Rotterdam, aux Pays-Bas, des militants ont organisé une manifestation devant le stade Neptunus pour protester contre la participation d’Israël au Championnat d’Europe de baseball. Les manifestants ont accusé Israël de se servir du sport pour dissimuler ses crimes contre la Palestine.
En France, des manifestants se sont rassemblés dans la capitale pour exiger la fin immédiate de la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza. Ils ont également appelé à la poursuite des responsables israéliens et au boycott économique, politique et militaire d’Israël.
Dans la capitale autrichienne, des partis politiques et des organisations de défense des droits humains ont organisé une manifestation pour exiger la fin de la guerre à Gaza. Ils ont appelé le gouvernement autrichien à condamner les crimes de guerre israéliens contre les Palestiniens et à imposer des sanctions à son gouvernement. L’accusant de complicité avec les crimes d’Israël par sa coopération politique et économique continue avec ce dernier.
En Allemagne, une manifestation a eu lieu dans le centre de la ville de Düsseldorf, à l’appel du Parti de gauche, de l’organisation Liberté de Düsseldorf et d’autres mouvements pro-palestiniens, dénonçant le génocide dans la bande de Gaza et exigeant la fin de toute forme de soutien allemand à Israël. Des manifestations et des protestations ont également eu lieu à Berlin et dans d’autres villes allemandes pour exiger le sauvetage des enfants de Gaza et condamner les graves violations à leur encontre, à l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance.

En Grèce, des militants ont organisé une marche dans le centre de la capitale pour exiger la fin de la guerre d’extermination israélienne à Gaza et soutenir la Flottille Sumud qui se dirige vers Gaza pour briser le siège. Les manifestants ont hissé le drapeau palestinien devant le Parlement et brandi des banderoles exigeant la fin de la guerre et une aide au peuple palestinien.
En Pologne, une manifestation a eu lieu dans la capitale pour exiger la fin du génocide à Gaza. Les manifestants ont brandi des slogans appelant à la liberté pour la Palestine et à la responsabilisation d’Israël pour ses crimes de guerre.
En Suède, des manifestants ont défilé dans plusieurs rues de la capitale, brandissant des banderoles exigeant que le gouvernement prenne des mesures pour arrêter la machine à tuer israélienne à Gaza, geler les partenariats avec Israël et lui imposer des sanctions.
En Italie, une importante manifestation de soutien à Gaza a défilé dans la ville de Torino. Une manifestation aussi imposante avait eu lieu mercredi à Gênes
Lundi dernier, la capitale new zélandaise avait été le théatre de l’un des rassemblements les plus importants en Europe pour soutenir la Palestine.
Source: Divers