Le président russe Vladimir Poutine a dit jeudi que la Russie suivait attentivement « la militarisation croissante de l’Europe », promettant une « réponse aux menaces », au moment où les pays européens multiplient les investissements militaires depuis l’attaque du Kremlin contre l’Ukraine en 2022.
« Si quelqu’un veut se mesurer militairement avec la Russie, qu’il essaie », a déclaré Poutine, dans son discours annuel du club de Valdaï, depuis Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie.
La rencontre cette année est consacrée au thème « Un monde polycentrique : mode d’emploi ». La session réunit 140 experts de 42 pays pour débattre des nouvelles dynamiques des relations internationales et des défis d’un ordre mondial multipolaire.
Défiant l’Occident, il a taclé : « Nous suivons de près la militarisation de l’Europe, et il en va de notre sécurité. »
À partir de 2023, et à la demande des Etats-Unis, les pays membres de l’OTAN vont devoir augmenter leurs dépenses de défense et de sécurité pour parvenir à investir 5% (dont 3,5% uniquement pour la défense) de leur produit intérieur brut (PIB) chaque année. Ce qui équivaut à 1.350 milliards de dollars.
23 pays sur les 27 de l’Union européenne membres de l’Otan sont partants dans cette initiative, à l’exception de l’Autriche, Chypre, l’Irlande et Malte).
« La réponse aux menaces sera, pour le moins, très convaincante. Je dis bien la réponse. Nous n’avons nous-même jamais initié une confrontation militaire », a déclaré M. Poutine
Il a ajouté : « Chaque puissance a ses limites, et nous assisterons à des confrontations entre pays pour servir leurs intérêts. Nos adversaires ont tout fait pour nous soumettre par des sanctions, mais toutes les tentatives visant à dicter aux autres pays ce qu’ils devraient faire ont échoué. »
Vladimir Poutine a qualifié d’« absurdité » les affirmations selon lesquelles la Russie préparerait une attaque contre l’OTAN. Il a dénoncé le « mantra » de certains responsables européens évoquant une guerre imminente avec Moscou, y voyant une tentative de masquer les fractures internes du continent par la création d’un ennemi extérieur.
Les Etats occidentaux veulent « un pouvoir absolu »
Pour le président russe, l’échec de l’hégémonie n’est qu’une question de temps : la multipolarité est née directement des tentatives de l’Occident de préserver son emprise sur le monde.
Plus personne, a-t-il insisté, n’est prêt à jouer selon des règles dictées « depuis l’autre côté des océans ». L’humanité a eu, selon lui, une réelle opportunité de faire progresser les relations internationales. Mais les pays occidentaux n’ont pas résisté à la tentation d’un pouvoir absolu.
Le dirigeant russe a par ailleurs accusé l’Europe d’empêcher un règlement de la guerre en Ukraine et de mener « une escalade permanente » du conflit, tout en soulignant que son pays était ouvert à la coopération avec les pays occidentaux.
Mais il a insisté qu’il ne souhaitait pas laisser faire la politique du diktat, ajoutant : « Aucune force au monde ne dictera à chacun ce qu’il doit faire. »
Dans ce contexte, a-t-il déclaré, « les pays occidentaux tentent d’imposer leur hégémonie absolue, et toute décision unilatérale dans le monde qui ne prendrait pas en compte les intérêts d’autrui est impossible. Nous avons démontré notre efficacité en résistant à des défis sans précédent. »
Selon lui, ceux qui ont poussé l’Ukraine à la confrontation avec la Russie n’en ont cure non seulement des intérêts russes, mais aussi de ceux du peuple ukrainien, qu’ils considéraient comme une simple variable sacrificielle.
« La tragédie ukrainienne demeure une douleur partagée par les Ukrainiens comme par les Russes », a-t-il déploré.
Les origines du conflit
Revenant sur les origines du conflit, il a accusé « ceux qui se sont considérés comme vainqueurs » à la fin de la Guerre froide d’avoir voulu imposer « à tous des conceptions unilatérales et subjectives de la sécurité ».
« C’est devenu la véritable cause originelle non seulement du conflit ukrainien, mais aussi de nombreux autres conflits graves » du début du XXIe siècle, a-t-il soutenu, en défendant un « monde multipolaire » face à l’Occident.
Alors que le président américain Donald Trump a tenté, à son retour au pouvoir, de se rapprocher de Moscou pour trouver une issue à la guerre en Ukraine, M. Poutine a eu un ton plus doux à l’égard de Washington.
« Nos pays, c’est connu, on a pas mal de divergences. Nos points de vue sur de nombreux problèmes mondiaux ne convergent pas. Pour de grandes puissances, c’est normal », a-t-il affirmé, estimant par ailleurs que l’administration Trump était guidée par « les intérêts de son pays » et avait une « approche rationnelle ».
Il a affirmé que la restauration de relations complètes avec Washington faisait partie des intérêts nationaux de la Russie.
Des Nations unies désunies
Vladimir Poutine a décrit la situation internationale actuelle comme un espace créatif, marqué par une pluralité d’acteurs.
Selon lui, jamais la scène mondiale n’avait compté autant d’États désireux d’exercer une influence. Il a souligné que toute décision durable ne peut reposer que sur des accords acceptés par tous, ou du moins par la majorité, faute de quoi elle est inapplicable.
Vladimir Poutine a par ailleurs reconnu que l’Organisation des Nations unies rencontrait de nombreuses difficultés, tout en affirmant qu’aucune alternative crédible n’existait aujourd’hui.
Selon lui, le monde est entré dans une longue phase de recherche d’équilibre, qui se déroule souvent « à tâtons ».
Le président russe a rappelé que l’ONU avait intégré une grande diversité de cultures et de traditions, devenant ainsi multipolaire bien avant que le monde ne le devienne. Il a insisté sur l’importance d’adapter l’organisation aux réalités contemporaines, sans en dénaturer le sens initial.
Il a résumé les défis actuels par une formule ironique, évoquant non pas des Nations « unies », mais des Nations « désunies ».
Sources : AFP, RT, …