Face aux multiples incursions de drones de renseignements attribuées à la Russie, les dirigeants européens cherchent à mettre en place un « mur » anti drones pour se protéger, mais le projet suscite interrogations et débat, rapporte l’AFP.
Au cours des trois derniers mois, la Lituanie, la Lettonie, le Danemark, la Norvège, la Roumanie, la Pologne, l’Estonie, l’Allemagne et la France ont tous vu des drones survoler leur territoire. Alors que les origines de certaines d’entre eux ne sont pas encore avérées, les Européens insistent pour accuser Moscou de vouloir tester leurs limites des capacités de décision, d’action et plus largement de défense .
De quoi parle-t-on ?
Selon l’AFP, la réponse de l’Otan à l’incursion d’une vingtaine « de drones russes » en Pologne a mis en évidence les lacunes de l’arsenal de l’alliance face à cette menace. Pour abattre trois de ces drones, l’Alliance a dû mobiliser des missiles coûteux.
Le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius, plaide depuis longtemps pour de nouvelles solutions face à cette menace, mais c’est la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui la première a évoqué l’idée d’un « mur de drones » le 10 septembre devant les eurodéputés.
Dans un premier temps, l’idée est de déployer davantage de capteurs, terrestres ou par satellite, le long de la frontière que l’Union européenne partage avec la Russie. L’Ukraine, experte en la matière, a déployé dès le début de la guerre, un système de capteurs acoustiques, a expliqué M. Kubilius. « Je pense que nous aussi pouvons faire cela assez rapidement », a-t-il affirmé à l’AFP.
L’Ukraine participera à l’élaboration de ce mur antidrones en Europe, a confirmé jeudi son président Volodymyr Zelensky. Après près de quatre ans de guerre, Kiev a mis sur pieds une industrie de drones et de systèmes antidrones unique en Europe.
Selon un responsable européen, ce déploiement prendra au moins un an, avant la mise en œuvre, plus tard, de capacités d’interception.
Pas de nouvelle « ligne Maginot »
Selon les experts, la technologie des drones évolue très rapidement, et les systèmes envisagés aujourd’hui risquent d’être obsolètes d’ici là.
« Nous savons également que la technologie évolue si rapidement que nous ne pouvons pas avoir une seule idée et croire que cela résoudra tous nos problèmes », a ainsi reconnu mercredi soir la Première ministre danoise Mette Frederiksen, dont le pays a été survolé par de mystérieux drones, peu avant un sommet des dirigeants européens à Copenhague.
Il faudra « tirer les leçons » de ce que l’Ukraine a su mettre en place, de façon très pragmatique, a souligné cette semaine la présidence française.
Pas question de construire une nouvelle « ligne Maginot », a averti de son côté le Premier ministre estonien Kristen Michal, cité par un responsable européen. La France avait construit avant la Seconde guerre mondiale une ligne de défense le long de sa frontière avec l’Allemagne qui s’est avérée totalement inutile et a été contournée.
« Je me méfie parfois des termes un peu rapides » comme les « dômes de fer » ou les « murs de drones, les choses sont plus sophistiqués, plus complexes en réalité », a souligné mercredi le président français Emmanuel Macron.
Qui va payer ?
Le « mur » antidrones a été longuement discuté mercredi par les dirigeants des 27 de l’UE, réunis à Copenhague. Et si beaucoup se sont dits favorables à sa mise en œuvre, certains ont exprimé des « réserves ».
Selon un responsable européen, l’Allemagne s’est par exemple interrogée sur le coût de cette opération, même si le sujet du financement n’était pas à l’agenda de la réunion mercredi.
Kubilius s’est montré rassurant, évoquant une fourchette « de plusieurs milliards d’euros, pas de centaines de milliards ».
D’autres pays, loin de la frontière russe, redoutent d’être laissés pour compte, selon un responsable européen. La Commission européenne, là aussi, a cherché à rassurer en promettant une stratégie à « 360 degrés ».
« Lorsque nous parlons du mur antidrones, nous parlons de toute l’Europe, pas seulement d’un unique pays », a également assuré jeudi M. Zelensky.
D’autres enfin s’interrogent sur la pertinence de confier à la Commission européenne le pilotage d’un projet de « mur » antidrones, alors que la défense est du ressort des Etats membres. Le sujet doit être à nouveau évoqué lors d’un prochain sommet européen fin octobre.
« Une hystérie pour se justifier auprès de l’opinion publique »
Réagissant aux accusations des dirigeants européens contre son pays, le chef du département des affaires européennes au ministère russe des Affaires étrangères Vladislav Maslennikov, les a qualifiées « d’hystérie ».
« Il est évident que l’hystérie attisée par les membres de l’UE autour de l’intrusion de drones sur son territoire et l’annonce de projets de défense impliquant de grands noms ne poursuivent qu’un seul objectif : justifier auprès de l’opinion publique l’augmentation des dépenses militaires en Europe au détriment des projets socio-économiques et de la baisse du niveau de vie », a-t-il déclaré à Sputnik.
Maslennikov a déclaré qu’il n’y avait aucune clarté concernant la longueur du « mur de drones » proposé et a averti que les ambitions personnelles et les jeux politiques des élites dirigeantes de l’UE conduiraient finalement « non pas à une diminution, mais à une augmentation des tensions militaires et politiques sur notre continent ».
Sources: AFP, Sputnik
Source: AFP