La création d’un fichier regroupant les données personnelles de quasiment tous les Français suscite l’inquiétude dans le pays et au sein même du gouvernement, une ministre l’ayant qualifié lundi de « dysfonctionnement majeur ».
Ce fichier réunit dans une seule base les données (identité, couleur des
yeux, domicile, photo, empreintes digitales…) des détenteurs d’un passeport
et d’une carte d’identité nationale.
Sa création avait été décidée dans une loi adoptée en 2012, mais son
principe avait été partiellement invalidé par le Conseil constitutionnel. A
l’époque la gauche, qui était dans l’opposition, avait bataillé contre le texte.
Il y a huit jours, un décret d’application de la loi de 2012 a toutefois été publié. Les réserves du Conseil constitutionnel ont été « prises en compte », a assuré le gouvernement socialiste, justifiant la création du fichier au nom de la « simplification » et de la « sécurisation » des démarches administratives.
La secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, a déploré lundi de ne
pas avoir été informée de cette décision. « Ce décret a été pris en doute par le
ministère de l’Intérieur, un dimanche de la Toussaint, en pensant que ça
passerait ni vu ni connu. C’est un dysfonctionnement majeur », a-t-elle dénoncé
dans le quotidien libéral l’Opinion.
« Ce genre de fichier était une bonne solution il y a dix ans », a-t-elle poursuivi, mais il pose des problèmes de sécurité à l’heure où les cyberattaques constituent un fléau informatique à grande échelle.
Un organe consultatif, le Conseil national du numérique (CNNum,) a
également demandé lundi au gouvernement de « suspendre la mise en oeuvre » de ce fichier. Il pourrait à terme « conserver les données biométriques de près de 60
millions de Français dans une base centralisée » ce qui laisse « la porte ouverte
à des dérives aussi probables qu’inacceptables », a-t-il mis en garde.
La semaine dernière, plusieurs voix avaient déjà fait part de leurs
inquiétudes face à ce méga-fichier.
« On peut craindre qu’un futur gouvernement modifie les finalités », avait
estimé le sénateur socialiste Gaëtan Gorce, spécialiste de ces questions, en
déplorant que le gouvernement ait décidé de créer « une sorte de monstre ».
Pour le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme Michel
Tubiana, « plus vous avez un fichier qui est gros, plus vous avez un fichier qui
est consultable par une multiplicité de services (…), plus vous avez la
possibilité d’avoir un hackage du fichier » par des pirates informatiques.
Source: AFP