De l’histoire controversée de Bayer et Monsanto aux conséquences de leur fusion pour les agriculteurs, voici cinq repères sur les « noces du diable » attendues jeudi entre les deux groupes.
Aspirine et héroïne
Bayer, fondé en Allemagne en 1863, a inventé l’aspirine mais aussi vendu de l’héroïne au début du XXe siècle, alors utilisé comme substitut à la morphine… et comme remède contre la toux. Pendant la Seconde guerre mondiale, Bayer fait partie tout comme son compatriote BASF du conglomérat chimique IG Farben, tristement célèbre pour avoir fourni aux nazis le Zyklon B utilisé dans les chambres à gaz.
Le groupe a grossi au fil des années et des acquisitions et emploie désormais près de 100.000 personnes pour un chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros l’an dernier.
Agent Orange
Créé en 1901 à Saint-Louis, dans le Missouri, Monsanto a d’abord produit de la saccharine, un puissant édulcorant, puis s’est lancé dans l’agrochimie à partir des années 1940. Son défoliant appelé « Agent Orange », connu pour ses funèbres trainées arc-en-ciel, a été utilisé comme arme de destruction massive par l’armée américaine au Vietman.
Son herbicide vedette et controversé, le Roundup, est lancé en 1976, et Monsanto met au point dans les années 1980 la première cellule de plante génétiquement modifiée avant de se spécialiser dans les OGM.
Le groupe emploie 20.000 employés à travers le monde et réalise environ 15 milliards de dollars de recettes annuelles.
Un prétendant patient
Alors que l’agriculture se prépare à nourrir une population de plus en plus nombreuse, Bayer lorgnait depuis longtemps sur l’américain Monsanto et ses semences OGM capables de résister aux plus puissants pesticides.
Moins connue, mais tout aussi séduisante aux yeux de Bayer, la filiale Climate Corp fournit aux agriculteurs des données numériques précises permettant d’exploiter au mieux leurs champs.
Mais Monsanto a joué les difficiles et Bayer a dû relever trois fois son offre avant que son rival américain ne cède en 2016, pour un montant de 128 dollars par action.
Ce rachat, le plus important par une firme allemande à l’étranger, a coûté particulièrement cher à Bayer: outre le montant faramineux de la transaction, le groupe a dû céder à BASF une partie de ses activités agrochimiques pour satisfaire les autorités de la concurrence.
Au revoir ‘Monsatan’
Espérant éviter l’hostilité que suscite dans le monde la seule évocation de Monsanto, Bayer a décidé d’abandonner ce nom après son opération de rachat.
Parfois appelée « Monsatan » ou « Mutanto » par ses détracteurs, la firme de Saint-Louis est aussi bien mise en cause pour les OGM que pour les effets du glyphosate, principe actif du Roundup, dont le caractère cancérogène fait l’objet d’études contradictoires.
Le gouvernement français s’est récemment engagé à cesser d’utiliser cette substance d’ici 2021, sans pour autant inscrire l’interdiction dans la loi.
L’ONG « les amis de la Terre », a rebaptisé la fusion Bayer-Monsanto « les noces du diable » et a prévenu qu’avec ou sans l’étiquette Monsanto, sa vigilance restait de mise.
Et pour les agriculteurs ?
Après la fusion des américains Dow et DuPont et le rachat du suisse Syngenta par le chinois ChemChina, trois énormes groupes contrôlent désormais les deux tiers du marché global des semences et pesticides.
Cette concentration fait redouter une pression accrue sur les prix de vente aux agriculteurs.
Seule garantie formalisée par Bayer, qui continuera par ailleurs à développer les herbicides ou pesticides de Monsanto: le groupe ne commercialisera pas de variétés OGM en Europe.
Source: AFP