Pour le représentant de la Syrie aux Nations Unies, Bachar al-Jaafari, le troisième rapport sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’est qu’un outil de « manipulation à des fins politiques ».
Et pour cause, ce recueil de 95 pages souffre de plusieurs lacunes, qui ne peuvent être fortuites. Pour ne pas accuser ceux qui l’ont réalisé de manquer de professionnalisme, comme l’a fait le représentant russe Vitali Tchourkine.
Tout d’abord, leurs conclusions en arrivent arbitrairement à accuser le pouvoir syrien d’avoir utilisé des agents chimiques, alors qu’elles sont basées exclusivement sur les témoignages de rebelles syriens et de leurs partisans. Sans apporter aucune preuve tangible.
« Après avoir consulté minutieusement le rapport, nous avons constaté qu’à aucun moment n’a été prouvé matériellement via des échantillons ou du moins des rapports médicaux crédibles que du chlore a été utilisé », a contesté Jaafari dans le point de presse qu’il a donné à l’issue de la réunion consacrée au rapport commun de la mission de l’ONU en Syrie et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui s’est déroulée à huis clos
Autre lacune du rapport onusien : il indique que des armes chimiques ont été utilisées en Syrie dans au moins neuf occasions (huit au chlore et, une au gaz moutarde), mais n’en mentionne que trois.
Dont deux au chlore, attribuées au gouvernement syrien à Talmenes le 21 avril 2014 et à Sarmin le 16 mars 2015; et la troisième attribuée à Daesh qui aurait de son côté utilisé du gaz moutarde à Marea, près d’Alep le 21 août 2015.
Le rapport n’explique pas pourquoi il a occulté les attaques qui avaient eu lieu ultérieurement, dont celles d’aout 2013, les plus meurtrières de toutes. Se contentant de faire remarquer que la commission a promis de présenter un quatrième rapport à la mi-septembre sur trois autres cas d’attaques chimiques présumées dans le nord de la Syrie.
Aucune allusion aux trois autres attaques.
Sachant que la France est suspectée d’être impliquée dans les deux attaques qui ont causé la mort de 366 civils dans la Ghouta orientale de Damas et de 26 dans celle de Khan al-Aasal, dans la province d’Alep.
« Depuis le début de l’enquête en Syrie, nous lui avons procuré toute la collaboration nécessaire. Moi-même, j’ai adressé au Conseil de sécurité 17 plaintes sur le recours à des gaz toxiques dans 17 cas, et à tous les coups je recevais la même réponse pas du tout convaincante, selon laquelle il est difficile pour l’enquête d’agir avec ces cas parce qu’ils sont en dehors de son mandat », a dénoncé Jaafari.
Concluant que quand bien les terroristes utiliseraient des armes biologiques ou nucléaires, il ne faut s’attendre à aucune enquête n’est possible à leur encontre.
Selon le diplomate syrien, les puissances influentes au Conseil de sécurité savent très bien qui ont utilisé les armes chimiques mais veillent à ce que leur identité ne soit pas divulguée. « C’est pour cela que les tractations entre la partie syrienne et le secrétaire général de l’Onu se sont poursuivies 4 mois et 11 jours avant que ce dernier ne consent d’envoyer le chef des inspecteurs de l’Onu, D. Eric Silstrom, à Khan al-Aassal pour enquêter sur l’attaque qui y a été perpétrée », en mars 2013, a-t-il signalé.
Les remarques sur le rapport onusien de Jaafari sont bonnes pour l’ambassadeur russe auprès de l’ONU, qui a déclaré que le rapport sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’était pas suffisant pour sanctionner Damas car il ne se basait que sur des témoignages sous couvert d’anonymat.
«Le rapport ne présente personne à sanctionner. Il n’y a pas de noms, pas de détails, pas d’empreintes. Il faut se comporter en professionnel. A vrai dire, tout serait plus facile s’il y avait dans le rapport quelque chose de concret», a déploré Vitali Tchourkine aux journalistes.
«Nous continuerons d’étudier le rapport. Il y a deux cas d’utilisation d’armes chimiques pour lesquels les experts insistent sur la culpabilité de Damas et nous avons un certain nombre d’interrogations qui doivent être clarifiées», a-t-il conclu.
En tout cas, ce troisième rapport a été l’occasion pour les puissances occidentales pour reprendre leur campagne de harcèlement du régime syrien.
«Il faut imposer des sanctions contre les responsables de ces actes qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité», a fait savoir l’ambassadeur de France, François Delattre. Entre autre.
Lancée dès le début de la crise, avant que les autorités syriennes ne consentent de livrer leur arsenal chimique, elle se poursuit avec intermittence. Dans toutes ses –, elle est marquée par des accusations arbitraires, sans preuves tangibles, toujours basées sur des témoins sous couvert de l’anonymat. Un outil parmi tant d’autres de la guerre contre la Syrie.