Le site d’analyse géopolitique National Interest a publié récemment un article portant sur les grandes difficultés pour les États-Unis de préparer et de réaliser une opération militaire de grande envergure contre la République islamique d’Iran.
Selon l’auteur de cet article, Zachary Keck, la capacité de l’Iran à se défendre face à une invasion militaire américaine est renforcée par sa formidable géographie.
L’auteur écrit : « Si un jour les États-Unis avaient à envahir le territoire iranien, ils devraient essayer d’y entrer par la côte sud du pays, qui s’étend sur environ 1 300 kilomètres au bord du golfe Persique et du golfe d’Oman. Mais l’Iran est prêt à une telle éventualité depuis au moins un quart de siècle. Les Iraniens ont eu assez de temps pour acquérir les capacités nécessaires pour empêcher un accès facile des forces américaines à leur ligne littorale, en se servant d’un très grand nombre de missiles de précision, de drones, de sous-marins et de mines. »
Zachary Keck estime que les forces navales iraniennes savent également très bien se servir de la géographie des côtes iraniennes pour les défendre. Il cite Michael Connell, directeur du programme d’études iraniennes au CNA (Centre for Naval Analyses), qui met l’accent sur l’importance de la connaissance des forces navales iraniennes de la situation spécifique du littoral. Michael Connell a écrit : « La géographie est un élément clé de la planification navale iranienne. Le golfe Persique est une zone maritime exiguë qui a moins de 100 milles nautiques de large, ce qui limite considérablement la manœuvrabilité des grands navires tels que les porte-avions. Mais c’est par contre un avantage pour les forces navales iraniennes, en particulier celles du Corps des gardiens de la Révolution islamique. La côte nord du golfe Persique est parsemée de petites baies rocheuses qui sont idéales pour cacher les petites embarcations. Les Iraniens ont également fortifié de nombreuses îles du golfe Persique, qui se trouvent parfois sur les grandes voies maritimes marchandes. »
Zachary Keck a ajouté : « L’Iran développe une stratégie asymétrique pour contrer les opérations américaines dans le golfe Persique. Cette stratégie peut combiner des tactiques irrégulières et des armes improvisées avec des capacités technologiquement avancées pour limiter l’accès de la marine américaine aux bases rapprochées et restreindre sa liberté de manœuvre dans le détroit d’Ormuz. La stratégie militaire de l’Iran pourrait exploiter les caractéristiques géographiques et politiques de la région du golfe Persique pour réduire l’efficacité des opérations militaires américaines. Une telle approche ne peut, en soi, être une stratégie gagnante pour l’Iran, mais elle pourra certainement augmenter des coûts ou ralentir la progression d’une intervention militaire américaine, sans oublier que ces atouts pourraient créer une fenêtre d’opportunité permettant à l’Iran de mener des actions offensives. »
D’après l’auteur de l’article, cela signifie que les États-Unis subiraient des dégâts et des pertes considérables en essayant de s’infiltrer à l’intérieur du pays via le littoral sud. Mais cela ne serait que le début des problèmes, car d’après ce scénario d’invasion américaine, les États-Unis devraient encore conquérir le reste du pays.
Zachary Keck rappelle qu’une fois de plus, la géographie serait à l’avantage de l’Iran, car presque toutes les grandes villes iraniennes sont situées dans le centre et le nord du pays. Pour arriver à ces villes, les forces armées américaines devraient avoir, dans des meilleures circonstances, beaucoup de chance. Une grande force d’invasion rencontrerait d’immenses difficultés pour traverser le territoire, car l’Iran est un pays immense. L’Iran est le 17e plus grand pays du monde, avec une superficie de 1 684 400 kilomètres carrés. Cela signifie que son territoire est aussi vaste que les territoires combinés de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique, de l’Espagne et du Portugal. L’auteur de l’article ajoute : « Bien entendu, les forces américaines n’agiraient pas dans les meilleures conditions. En fait, les forces armées iraniennes ont depuis longtemps prévu d’élaborer un plan de guerre asymétrique contre une force d’invasion qui tenterait d’atteindre les villes du nord de l’Iran à partir de ses côtes sud. Ce plan est un plan de défense “en mosaïque” ».
À ce propos, le texte cite de nouveau Michael Connell : « Le plan de défense en mosaïque permet à l’Iran de profiter de sa profondeur stratégique et de sa géographie formidable pour organiser un plan de défense fondé sur la résistance locale sur l’ensemble du territoire contre une force d’invasion. »
Zachary Keck souligne qu’en Irak et en Afghanistan, les États-Unis ont constaté que la conquête d’un pays était la partie la plus facile d’une guerre d’invasion. C’est l’occupation qui s’avère coûteuse. Bien qu’occuper l’Iran soit plus difficile que cela ne l’a été pour l’Irak et l’Afghanistan, même l’invasion militaire de l’Iran s’avérerait extrêmement difficile. « Par conséquent, même si la conquête de l’Iran est le moyen le plus durable de l’empêcher de fabriquer une arme nucléaire, il est peu probable que Washington tente de le faire dans un avenir proche », a-t-il souligné.
Depuis son entrée en fonction en 2009, l’ex-président des États-Unis Barack Obama avait toujours soutenu que les États-Unis mèneraient des frappes aériennes pour empêcher l’Iran d’acquérir une arme nucléaire. Cette position a été soutenue par la grande majorité des décideurs politiques, des législateurs et de l’élite politique des États-Unis, indépendamment de leur appartenance politique.
L’auteur poursuit : « Néanmoins, il est généralement admis que les frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes n’auraient qu’un impact limité sur une éventuelle décision de Téhéran d’acquérir la bombe. Certes, une attaque aérienne concertée contre l’Iran retarderait de plusieurs années sa capacité de construire un arsenal nucléaire. Pourtant, l’Iran serait en mesure de reconstruire ses installations nucléaires assez rapidement. La seule action militaire qui puisse vraiment empêcher l’Iran d’acquérir une arme nucléaire est que les États-Unis envahissent et occupent le pays. Mais vu la difficulté de la réalisation d’un tel plan, cette option n’est presque jamais proposée par les analystes sérieux. »
Zachary Keck estime que compte tenu de la difficulté d’une invasion du territoire iranien via la mer, les États-Unis pourraient préférer envahir l’Iran depuis l’une de ses frontières terrestres, comme cela a été le cas lors de l’invasion de l’Irak en 2003.
Il écrit : « Malheureusement pour les Américains, il existe peu d’options. À première vue, commencer une invasion depuis l’ouest de l’Afghanistan semblerait la voie la plus plausible, étant donné que l’armée américaine a déjà des troupes stationnées dans ce pays. Mais ce n’est pas une option du tout. Du point de vue logistique, constituer une grande force d’invasion dans l’ouest de l’Afghanistan serait un cauchemar, surtout que les relations entre les États-Unis et la Russie se sont fortement détériorées. Il existe d’ailleurs des chaînes de montagnes le long de la région frontalière entre l’Iran et l’Afghanistan. Plus difficile encore, pour arriver de là jusqu’à la plupart des grandes villes iraniennes, il faudrait traverser les deux grandes régions désertiques du centre iranien : le Dasht-e Lut et le Dasht-e Kavir. »
L’auteur de l’article souligne que le Dasht-e Kavir consistait partiellement en une couche de sel recouvrant une boue épaisse et qu’il est toujours possible que des troupes lourdement armées cassent la couche de sel et se noient dans la boue. « C’est l’un des endroits les plus dangereux de la planète. Cela limiterait gravement la capacité des forces américaines à utiliser toute infanterie mécanisée. »
Zachary Keck étudie ensuite la situation des frontières occidentales de l’Iran. Le nord-ouest de l’Iran est frontalier de la Turquie, qui est un allié des États-Unis au sein de l’OTAN, mais Ankara avait refusé aux États-Unis la permission d’utiliser son territoire pour envahir l’Irak en 2003. Il est très possible que la Turquie décide la même chose en ce qui concerne une éventuelle invasion américaine de l’Iran. « Quoi qu’il en soit, les montagnes Zagros, qui s’étendent à la frontière de l’Iran avec la Turquie et la majeure partie de l’Irak, rendraient extrêmement difficile une grande invasion par cette voie. »
D’après l’auteur, la seule exception sur les frontières occidentales de l’Iran se situe du côté du sud, là où coulent les fleuves du Tigre et de l’Euphrate en Irak, « mais ce territoire est marécageux et facile à défendre », a-t-il écrit.
Source: PressTV