Les tribus arabes syriennes de l’est de l’Euphrate ne vont pas rester les bras croisés.
Leurs régions sont plus menacées que jamais par différents protagonistes. Les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les Etats-Unis et la France et qui réclament un statut spécial dans leur territoire. Et par la Turquie qui compte y établir une zone de sécurité, y installer ses mercenaires syriens et le garder sous leur contrôle. Et les Américains, qui malgrè les allégations de retrait de la Syrie ne font que renforcer leur présence dans leurs régions.
Leur situation est d’autant plus délicate que leur allégeance est distribuée parmi les différents protagonistes en action dans cette zone, dont le destin est décisif pour l’avenir de la Syrie. Mais le gros lot semble revenir au gouvernement syrien qui s’est mis à la tache pour les unir autour de lui.
Unifier les tribus
Justement, le vendredi 25 janvier, des milliers des membres de ces tribus se sont réunies, à Athariya, ville de la province d’Alep dans le nord de la Syrie, située à cheval entre les deux provinces de Raqqa et de Hama.
L’un des organisateurs de la rencontre, cheikh Fawwaz al-Bachir, a indiqué que l’objectif de cette rencontre est « d’unifier les tribus pour faire face aux offensives étrangères et refuser la scission », de la Syrie. Il a réclamé aux forces qui contrôlent l’est de l’Euphrate « d’ouvrir des canaux de dialogue sous le plafond de la patrie ».
Le rôle louche des FDS
Un message adressé entre autre aux FDS, lesquelles ont été conviées à la rencontre, mais se sont absentées pour des raisons inconnues. Force est de constater que le communiqué finale aussi s’est voulu rassurant pour les Kurdes, en adressant une mise en garde à la Turquie contre toute action hostile « à nos frères kurdes ».
Pourtant, la milice kurde avait empêché 300 personnalités tribales conviées elles aussi de se rendre à la rencontre, dont le président du Conseil des tribus et des clans syriens dans la province de Hassaké, cheikh Mizr al-Mousallat.
«Le but de notre participation était d’exprimer notre refus de la zone de sécurité, de condamner l’occupation turque, et de demander à l’armée de nous protéger des menaces turques », a-t-il expliqué pour al-Akhbar, comme pour rassurer les Kurdes.
Et d’ajouter en s’adressant à eux : « Le commandement des Unités kurdes devraient prendre des mesures qui puissent rétablir la confiance avec le gouvernement syrien et garantir l’entrée de l’armée syrienne dans toutes les régions orientales».
Une autonomie à l’irakienne
Mais les Kurdes ne semlent pas avoir la même logique. Le jour même de la rencontre, le commandement en chef des FDS Mazloum Kobani a dans un entretien avec l’AFP conditionné l’accord avec Damas par l’obtention d’un statut spécial, dans les régions affranchies de Daech par sa milice avec l‘aide de la coalition internationale.
Il a fait entendre que le gouvernement syrien ne devrait pas revenir à la situation qui prévalait avant 2016. Un scénario qui rappelle celui de l’autonomie dans les régions kurdes en Irak et qui est totalement rejetée par Damas.
Damas à l’écoute
Nul doute que le message kurde était dirigé à la rencontre d’Athariya à laquelle participait une tranche importante des fils des tribus, qui tentaient de régler une fois pour toutes leurs divergences avec Damas, pour unir le front.
Nous avons fait parvenir nos revendications au gouvernement, a souligné l’un des participants, Khalaf Al-Mouftah, selon lequel la réunion vise aussi à établir les bases d’un dialogue inter-syrien.
En tête de ces revendications figure l’allègement des mesures de sécurité qui visent les proches de personnes recherchées par les autorités syriennes, surtout les jeunes ayant fui le service militaire.
Selon Al-Akhbar, le gouvernement syrien s’est engagé d’être à l’écoute des conclusions qui en émaneront et compte acquiescer leur demande. Signe de bonne volonté, il a libéré 60 détenus originaires de cette région.
Les tribus des FDS
Or Damas n’est pas le seul acteur qui convoite les tribus, qui forment d’ailleurs 55% de la population syrienne.
Ils l’ont été par les Kurdes eux-mêmes, soucieux de donner l’impression que leur milice reflète la diversité du paysage démographique de cette région.
Selon la télévision Al-Mayadeen TV, la tribu des Chaïtate qui était très proche de Damas et dont certains notables avaient été mortellement lynchés par les rebelles syriens a essayé de combattre au côté des Kurdes, mais indépendamment des FDS. Mais elle s’est vue interdite d’action, même dans ses propres régions à Deir Ezzor. Ses éléments dont le chiffre ne dépasse les 500 ont finalement rejoint les rangs des FDS.
Changement de cap: ils ainsi que les fils de la tribu Bakaratont organisé vendredi soir des manifestations contre les FDS .
La Turquie et HTC ensemble
La Turquie aussi jongle sur le dossier des tribus syriennes du nord, pour affronter les Kurdes, justifier son intervention et soutenir les conseils militaires qu’elle a établies.
Ankara a obtenu récemment le soutien de la coalition jihadiste takfiriste de Hayat Tahrir al-Cham, qui a pris le contrôle de la totalité de la province d’Idleb, et qui a qualifié le parti kurde de Unités de protection du peuple kurde « d’ennemi de la révolution, qui voudrait s’emparer des régions des Arabes sunnites qui sont non tribus et nos fils », selon les parole de son chef, Abou Mouhammad al-Joulani.
Or, dans le communiqué finale de la rencontre des tribus, la présence turque en Syrie est taxée d’occupation et son plan destiné à établir une zone tampon est rejeté.
Al-Jarba et l’Arabie saoudite
L’Arabie saoudite a aussi sa part dans cet imbroglio . Elle est représentée par son homme de main, Ahmad al-Jarba qui dirige un parti baptisé le Courant de Demain, et qui appartient à la tribu des Jarba, dont les ramifications atteignent l’Arabie et la Jordanie.
Depuis près de deux mois, il s’est rendu à Hassaké pour une mission de médiation entre les Kurdes et les Turcs. Il a proposé que le contrôle de la bande frontalière que la Turquie compte établir soit confié aux forces tribales qui forment la force d’élites de sa branche armée, au côté de celles qui ont combattu dans les rangs des FDS.
Le refus est venu d’Ankara. Alors que les Kurdes ont feint acquiescer.
Des préparations américaines
Et pour cause, leurs alliés américains ne sont pas du tout à l’écart de ce qui se passe. Surtout que les tribus d’Athariya ont été unanimes pour discréditer leur présence en Syrie, qualifiée d’occupation.
L’important mouvement d’armes et de troupes qu’ils ont opéré le jeudi 24 janvier, a soulevé des questions sur son réel objectif.
Selon l’OSDH, l’instance médiatique de l’opposition syrienne, liée aux services secrets britanniques, un grand convoi militaire US avec à son bord des forces spéciales US, des camions chargés d’équipements militaires et logistiques, est arrivé dans les provinces d’Alep, de Raqqa et de Hassaké. Les armes et les équipements ont été distribués dans les bases de la coalition américaine à Kobané, à l’aéroport de Kobané, à Aïn Issa, à Raqqa et à Tell Tamer.
les USA et leurs supplétifs kurdes veulent entre autres réprimer dans le sang la révolte « anti-occupation » des tribus arabes dans les localités de Hunaida et al-Mansoura, où les FDS avaient procédé à une arrestation massive d’habitants. C’est l’agence Sputnik qui le dit. Elle a révélé ce samedi que les FDS ont procédé le vendredi soir à l’arrestation de 1300 fils de tribus dans la province orientale de Raqqa.
« Les fils des tribus de Deir Ezzor et de Raqqa optent pour l’escalade et veulent activer leur révolte face aux factions kurdes et au forces américaines, en raison surtout des mesures répressives et les crimes infligés aux habitants », a rapporté le correspondant de Sputnik, citant des sources notables.
Source: Divers