« Nous, les chiites d’Ali ibn Abi Talib au Liban et dans le monde, n’abandonnerons ni la Palestine ni le peuple palestinien. »
On pourrait croire que ce sont là les dernières paroles du Martyr Suprême, Son Éminence Sayyed Hassan Nasrallah, concernant Al-Qods/Jérusalem.
Mais il n’en est rien ! Il les a prononcées en 2013 !
Elles illustraient toutefois la voie qui a été empruntée pendant les 30 années qui les ont précédées et les 10 années qui les ont suivies. Celle d’un djihad continu et inlassable, durant lequel il a œuvré pour faire de cette cause la cause des adeptes de l’ecole de la Famille du Prophète, à laquelle il appartenait.
Sur les traces des prédécesseurs
Un parcours au cours duquel il a suivi les traces de ses prédécesseurs, ceux qui ont eu la plus grande influence sur sa personnalité et dont il parlait souvent dans ses sermons : l’imam Sayyed Moussa al-Sadr, qui affirmait qu’« Israël est le mal absolu », l’imam Khomeiny, qui le qualifiait de « tumeur cancéreuse », cheikh Ragheb Harb, qui considérait « une poignée de main (avec les Israéliens) comme une reconnaissance », et Sayyed Abbas al-Moussawi, avec sa célèbre déclaration : « Seules les armes peuvent arrêter Israël.» Et, jusqu’à la fin, son guide, l’imam Sayyed Ali Khamenei : « La Journée d’al-Qods est le jour où le front de la vérité et de la justice s’oppose au mensonge à l’injustice. »
Au cœur de la guerre contre l’occupation israélienne du Liban (1982-2000), la Palestine est restée la boussole, en particulier pour les combattants de la résistance. Ceux qui lisent leurs testaments, durant les années 1980 et 1990, y compris ceux des auteurs des opérations martyres, que la société de la résistance lisait par la suite, sont frappés par le fait qu’ils affirment leur soutien inconditionnel à la Palestine et à la Première Intifada, ainsi que leur volonté de se battre pour elle. Affronter les sionistes au Sud-Liban est indissociable de les affronter en Palestine : « Aujourd’hui le Liban, demain la Palestine. »
Lors des défilés militaires de la résistance après la libération en l’an 2000, que la société de la résistance ne manquait jamais, les unités de la Résistance islamique comprenaient des compagnies portant les noms de martyrs du peuple palestinien et de ses factions : Jihad islamique, Fatah et Hamas.
L’École de Karbala… Le secret
L’ancien Secrétaire général souhaitait que sa communauté assume la responsabilité de soutenir le peuple palestinien, plus que personne d’autre, compte tenu de son héritage doctrinal, mahométan, alaouite et husseinite, qui lui en donne les moyens. Il considérait l’héritage husseinite, commémoré chaque année, comme le terreau culturel de cette confrontation. Il évoquait souvent cette question en des termes rappelant l’héritage lexicale de Karbala, lorsqu’il contestait la légitimité de l’entité sioniste : « Voyez, l’imposteur fils de l’imposteur, cet Israélien, cette entité illégitime, qui est un imposteur, et fille d’un imposteur, car l’Amérique est aussi une entité illégitime. » Il a prononcé ces paroles lors de son avant dernier discours en août 2024.
Si la lutte contre l’oppression est un élément partagé avec d’autres peuples, musulmans et non musulmans, de même pour la lutte en faveur d’une cause divine ou d’une juste cause, le martyre a une saveur spécifique pour les fils de la résistance. C’est un culte, une beauté, une grâce et une expression d’amour. Al-Ashq.
Face à un ennemi dont la haine brutale et meurtrière est sans limite, cet amour du martyre est nécessaire pour l’affronter, le harceler et l’épuiser jusqu’à sa défaite. Tous les dirigeants de la résistance, ainsi que les moudjahidines, et même les civils de sa propre communauté, l’ont adopté !
Selon le Wall Street Journal, dans l’une des lettres qu’il a envoyées aux médiateurs et aux membres du bureau politique du mouvement Hamas à l’étranger en 2024, après que l’opération « Déluge d’al-Aqsa » du 7 octobre 2023 a déclenché la guerre, le commandant martyr Yahya Sinwar a déclaré : « Nous devons poursuivre sur la même voie, sinon qu’un nouveau Karbala soit. » Aurait-il découvert le secret de Karbala !
Capitale de la Terre et Capitale du Ciel
Le Maître des Martyrs de la Nation n’a jamais considéré la question palestinienne comme une préoccupation particulière pour les chiites. Au contraire, dès le début de son jihad, il l’a envisagé sous l’angle islamique général. Dans l’ouvrage résumant sa vision de la question palestinienne, intitulé « Capitale du Ciel », il considère al-Qods comme « la question centrale de l’islam ».
En Palestine, se trouve la mosquée d’al-Aqsa, première qibla (direction de la prière) pour les musulmans et troisième sanctuaire divin sur terre. Si le premier sanctuaire, la qibla actuelle (la Kaaba à la Mecque) et le second, (le sanctuaire du prophète Mohammad (P) à Médine) sont les lieux de la révélation divine, de sa continuation et de sa fin, la troisième est le lieu de l’ascension du Prophète au ciel, al-Mi’raj.
« Al-Qods ne peut être la capitale éternelle d’un État appelé Israël. Al-Qods est la capitale de la Palestine ; elle est la capitale de la Terre et la capitale du Ciel », a-t-il souligné dans un discours rapporté dans cet ouvrage.
La Palestine abrite également les sanctuaires de nombreux prophètes mentionnés dans le Coran. Les Juifs savent pertinemment que les Musulmans considèrent les « prophètes des Juifs » comme des prophètes de l’Islam, tels qu’Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Aaron, David et Salomon (sur eux la paix).
Le professeur Moshe Sharon, de l’Université hébraïque de Jérusalem occupée, s’est longuement exprimé à ce sujet. L’affaire pour eux est donc considérée comme une compétition non seulement territoriale, mais aussi religieuse, ce qui remet en cause la théorie de l’exceptionnalisme religieux juif, légitimant ainsi l’occupation de la Palestine par les sionistes religieux ! La mentalité sioniste s’attache toujours à afficher son exceptionnalisme en toutes choses… même dans les meurtres !
Divergences islamiques et convergences autour d’al-Qods
C’est ainsi que le lancement du Projet Abrahamique peut être compris, parallèlement à l’« Accord du siècle ». Bien qu’il semble unir les trois religions célestes autour du prophète Abraham (que la paix soit sur lui) comme élément commun, il renforce la vision biblique qui ne reconnaît que les prophètes des Enfants d’Israël, et rejette le prophètes Issa (Jésus) et Mohammad (que la paix soit sur eux). Sachant que les adeptes du Talmud refusent de reconnaître le Christ parce qu’il n’est pas issu de la descendance de David, certains de leurs extrémistes se souviennent encore de la bataille de Khaybar (1) et aspirent à y retourner. La mentalité sioniste reste collée à l’histoire tout en étant intrinsèquement vengeresse, même après un certain temps…Elle s’abstient aussi de rappeler ses propres griefs !
Le fait qu’il s’agisse d’une question islamique signifie, pour son Éminence, que la oumma islamique tout entière, dans ses divers peuples, ethnies et races, en est responsable et devrait la sacrer comme sa principale occupation. « En tant que musulman, je ne comprends pas comment, au regard de la piété, quelqu’un qui abandonne, vend et trahit al-Qods puisse être considéré comme un homme pieux », a-t-il expliqué dans un discours cité par l’ouvrage susmentionné.
Des centaines d’activités ont été organisées autour de l’unité islamique, qu’il a parrainées pendant 40 ans, rappelant inlassablement que les divergences entre les musulmans ne devraient par les empêcher pas de se converger autour d’al-Qods.
Une cause nationaliste, nationale, de gauche et humanitaire
Sur un autre plan, Son Éminence le Martyr Suprême considérait également la Palestine comme une question nationaliste arabe qui concerne particulièrement la Nation Arabe.
C’est naturellement une terre arabe usurpée, qui concerne les peuples arabes, toutes confessions confondues. De nombreuses conférences conjointes ont eu lieu entre le Hezbollah et les partis nationalistes arabes. Son Éminence a même rencontré à plusieurs reprises certains de leurs dirigeants et personnalités. Parmi eux, Mohammad Hassanein Haïkal, journaliste égyptien chevronné et compagnon de feu du raïs Jamal Abdel Nasser, éminent leader du nationalisme arabe. Il convient de noter que l’ouverture du Hezbollah, suite à sa Lettre ouverte en 1985, s’est faite avec Najah Wakim, chef du Parti du Peuple et icône du mouvement nationaliste nassérien libanais.
L’ancien Secrétaire général a également souligné à plusieurs reprises que la question palestinienne était une question nationale qui concerne spécifiquement le peuple palestinien. Et sa position repose sur la légitimité religieuse. Dans l’un de ses sermons, inclus dans le livre « Capitale du Ciel », il a abordé la position des érudits chiites qui estiment que « la Palestine appartient au peuple palestinien et doit lui être restituée, et qu’Israël est une entité illégitime, usurpatrice et occupante qui doit cesser d’exister. » Il répondait ainsi à ceux qui, pêchant en eaux troubles, évoquaient un soi-disant projet chiite safavide visant à occuper la Palestine.
Il rencontrait fréquemment des personnalités palestiniennes, toutes tendances confondues. Il a constamment loué la résistance et les sacrifices du peuple palestinien, depuis la première puis la deuxième Intifada, en passant par les cinq guerres menées contre lui à Gaza, les attaques en Cisjordanie, la poursuite de la colonisation, la judaïsation de Jérusalem, les assauts perpétrés contre la mosquée al-Aqsa et même l’opération Déluge d’Al-Aqsa.
Il recommandait sans cesse à bon entendeur : « Ne le laissez jamais seul !», au peuple palestinien. Et de proclamer dans ses derniers discours pendant la guerre de soutien « qu’il ne restera jamais seul ».
Cité de la Prière et Liban de la Résistance : les deux peuples jumeaux
De même, en s’adressant en particulier au peuple libanais, qui avait chanté al-Qods « Cité de la Prière » (d’après une chanson de la diva libanaise Faïrouz dont les paroles reviennent à ses deux grands compositeurs les frères Rahbani), il s’exprimait comme s’il était le frère jumeau du peuple palestinien. Assurant qu’« il n’y a pas de sécurité pour le peuple libanais sans sécurité pour le peuple palestinien ». Il affirmait également que ceux qui combattent pour la Palestine combattent pour la défense du Liban. Il l’a répété à maintes reprises lors de la guerre de soutien à Gaza. Pour lui, le pays du cèdre est le « Liban de la Résistance ».
En outre, tout en critiquant le processus des négociations palestino-arabe, au motif qu’il ne rétablira jamais les droits des Palestiniens, il privilégiait les relations avec toutes les factions de la résistance, leur fournissant un soutien politique et militaire.
La guerre de soutien du Hezbollah à Gaza en a été indubitablement l’illustration !
Son Éminence reconnaissait également le rôle des partis nationalistes, de gauche et de résistance à l’occupation dont il a fréquemment loué les combattants et les combattantes dans ses sermons sur la résistance. A aucun moment il ne considérait la Résistance islamique comme le début de la résistance contre Israël. Plus tard, la cause palestinienne est devenue le pilotis des relations avec ces partis, qui partageaient également son principe de privilégier le rattachement des intérêts d’un Liban libre à ceux d’une Palestine libre. Ils ont soutenu sans hésitation la guerre de soutien !
Humanité pure et conscience mondiale.
Sayyed Nasrallah avait même fait l’éloge d’une figure emblématique de la gauche mondiale, le président vénézuélien Hugo Chavez, qui fut l’un des rares dirigeants à soutenir le Hezbollah pendant la guerre de juillet 2006, au cours de laquelle il expulsa l’ambassadeur israélien.
« Le président Hugo Chavez a agi avec humanité, giflant ceux qui accueillent des ambassadeurs israéliens dans leurs capitales et n’osent pas envisager de les expulser », a-t-il déclaré, appelant « nos dirigeants à s’inspirer d’un homme latino-américain pour se comporter avec Israël ». Il a déclaré cela dans un discours en 2009.
Bien avant sa prise de position en faveur de Chavez et d’autres dirigeants de la gauche internationale, Son Éminence avait élargi depuis l’an 2000 l’éventail des peuples lesquels devraient être concernés par la lutte contre le sionisme et son projet, s’adressant au monde entier. Il estimait que la cause palestinienne avait une dimension humanitaire fondée sur le rejet de l’injustice, le soutien à la justice et la défense de la dignité humaine, indépendamment de l’appartenance religieuse, idéologique ou sectaire. Il a qualifié ceux qui soutenaient la cause palestinienne de « Libres ». Il a peut-être choisi ce terme pour désigner les militants occidentaux qui ont dénigré l’avidité des pouvoirs en place dans leurs pays, qui suivaient le projet colonial ayant donné naissance au projet sioniste, ou d’autres militants qui ont refusé de s’y soumettre.
Il les a qualifiés de « conscience mondiale » et mis l’accent sur l’aspect moral et humanitaire, considérant le projet sioniste comme « un ennemi immoral et inhumain ».
Il a réitéré ce thème dans ses derniers discours durant la dernière guerre, remerciant les peuples du monde qui se soulèvent pour Gaza. « Ce qui est arrivé et arrive encore à la population de la bande de Gaza… doit bouleverser la conscience de chaque être humain. Chacun doit se sentir responsable pour faire face à cette agression et à cette catastrophe humanitaire, tant humainement que moralement. Ce qu’il doit dire, ce qu’il doit faire et ce qu’il doit mettre en pratique. Mais le plus important, mes frères et sœurs, c’est sa responsabilité devant Dieu Tout-Puissant ».
Certains chercheurs, dont l’universitaire Richard Norton, analysent ce type de discours comme une tentative d’inculquer une position morale dans l’inconscient collectif mondial, de sorte que le soutien à la Palestine devienne non seulement un choix politique, mais une nécessité imposée par la nature humaine. Il affirme que Sayyed Nasrallah cherche à « mobiliser un soutien qui transcende les frontières religieuses et sectaires et s’adresse à la conscience mondiale, en présentant la résistance comme une réponse légitime à une agression inhumaine ».
Au cours de ses 40 années de lutte, le chef de la résistance a estimé que la nature islamique de la cause palestinienne n’est pas incompatible avec son caractère de cause nationaliste arabe, de cause nationale palestinienne et de cause qui concerne une partie de la gauche dans le monde.
Selon lui, elle concerne l’humanité entière. Tous ont des devoirs envers elle, et elle a des droits sur eux, selon les titres des projets de chacun.
Quand Jésus reviendra… et les voleurs du Temple
Le Martyr Suprême considérait également la Palestine comme une question chrétienne. « Il n’existe pas de lieu saint, islamique ou chrétien, en Palestine qui ne soit menacé, de la basilique de la Nativité à l’église du Saint-Sépulcre », a-t-il déclaré lors d’un discours prononcé à l’occasion de la Journée d’al-Qods en 2002.
Pour lui, le soutien des chrétiens à la cause de Jérusalem est aussi un soutien à leurs droits sur place. Eux aussi risquent d’être privés de leurs lieux saints. Nous le constatons aujourd’hui lorsque des Juifs fanatiques crachent sur des prêtres chrétiens à Bethléem, ou leur bloquent l’entrée à l’église du Saint-Sépulcre lors de leurs célébrations à Jérusalem.
Rappelant leur croyance au retour du Christ, partagée d’ailleurs avec les musulmans, il leur a adressé un dernier message en décembre 2024, lors du dernier Noël auquel il a assisté. Au cœur de la guerre d’extermination à Gaza :
« Le Christ dont nous lisons l’histoire dans la Bible et le Coran, dans sa biographie, sa morale et ses valeurs, le Christ qui reviendra dans le monde, à qui accordera-t-il son soutien ? Ce Christ dont vous œuvrez pour le retour, sera-t-il le soutien des tyrans, des oppresseurs, des puissants et des pharaons ? Sera-t-il le soutien et l’aide des meurtriers brutaux et criminels qui ont versé le sang de millions de personnes pour contrôler le pétrole, l’argent et les marchés ? Sera-t-il le soutien et l’aide de ces personnes cruelles qui dilapident une grande partie des ressources de cette terre, y compris son blé, pour maintenir son prix et sa valeur en dollars, alors que des dizaines de millions de personnes meurent de faim dans le monde ?
Est-ce cela Jésus, fils de Marie ? Ou le Christ, fils de Marie, que nous connaissons et que les chrétiens connaissent, sera le soutien des va-nu-pieds, des faibles, des pauvres, des démunis, des opprimés, des torturés et des opprimés ?
Jésus, fils de Marie viendra-t-il pour soutenir un Israël usurpateur et agresseur ? Ou Jésus, fils de Marie, viendra-t-il, et comme il avait ordonné de le faire, pour vendre son bâton et acheter, à son prix, une épée pour combattre ces Juifs et expulser du Temple les voleurs de la religion ? »
Son Éminence a toujours lié l’entité sioniste aux États-Unis, chef de file du christianisme évangélique. Il estime que le soutien que lui procurent ces derniers lui permet de perdurer dans tous les domaines : militaire, sécuritaire, politique, diplomatique, etc. Il considère même que Washington est celui qui contrôle et dicte les décisions de Tel-Aviv. Il a exprimé cette opinion après la guerre de juillet 2006, qui a fait échouer le projet américano-israélien de « Grand Moyen-Orient », tranchant avec détermination la question de savoir qui contrôle les décisions de l’autre, les Etats-Unis ou Israël ?
Il a continué à insister sur ce point pendant la guerre de soutien, compte tenu du soutien américain affiché dans tous les domaines, jusqu’à aujourd’hui, avec la fin de la guerre de Gaza.
Dès son discours de 2002, il avait abordé la question du sionisme chrétien, qui « contrôle la gestion des décisions américaines », à l’occasion de la Journée d’al-Qods, déclarant : « Quiconque lit dans la littérature du sionisme chrétien et du christianisme talmudique, qui parlent de démolir la mosquée Al-Aqsa pour construire le Temple de Salomon à sa place, sait que nous nous rapprochons de jour en jour de cette menace. »
Si le Hezbollah a accueilli une élite de juifs religieux antisionistes du groupe Neturei Karta, ainsi que des laïcs, en 2003, il a clairement établi une distinction entre eux et les juifs sionistes. L’hostilité envers les sionistes n’est pas une hostilité envers les juifs ni ne relève de l’antisémitisme.
Sayyed a toujours pensé que les sionistes ne resteraient pas dans cette terre, que leur projet national était lié au colonialisme occidental et à l’impérialisme américain en particulier, dont ils sont la base avancée au Moyen-Orient… et qu’ils ne sont en fin de compte que les « voleurs du Temple ».
Projet sans frontières : fragmentation, guerres et divisions
Parmi les constantes du discours du martyr suprême adressé à tous ces protagonistes concernés par la cause palestinienne figure sa conviction que le projet sioniste ne s’arrête pas aux frontières palestiniennes. « Les frontières d’Israël s’arrêtent là où s’arrête le char israélien », rappelait-il souvent cette déclaration du premier Premier ministre israélien, David Ben Gourion.
Depuis son discours de 2002, il mettait régulièrement en garde contre « un projet américano-sioniste visant à prendre le contrôle de la région et à en redessiner la carte politique ». Il mettait en garde contre les mensonges de l’administration américaine.
Il appelait toujours les dirigeants arabes à se rapprocher de leur peuple et à ne pas se jeter dans les bras de l’administration américaine… et il a continué à le faire.
Il a également mis en garde contre les projets de fragmentation de la nation : « L’administration américaine, le gouvernement sioniste et les puissances arrogantes qui les soutiennent dans le monde s’emploieront à fragmenter ce qui reste de la force de la oumma. Par conséquent, nous assisterons à une incitation accrue à la haine et au ressentiment au sein de la oumma arabe et musulmane, fondée sur l’exacerbation des sensibilités nationales. »
Il a également mis en garde contre la rhétorique d’un retour aux « croisades visant à monter les chrétiens contre les musulmans et les musulmans contre les chrétiens », prédisant ce qu’il considérait être ce qu’il y a de « plus dangereux, c’est-à-dire exploiter les différences sectaires entre les communautés musulmanes elles-mêmes, en particulier entre chiites et sunnites ».
Il a conclu en déclarant : « L’administration américaine souhaite que les musulmans soient séparés des chrétiens et les chrétiens des musulmans, que les Arabes soient divisés entre eux et les non-Arabes entre eux, que les chiites soient divisés entre eux et les sunnites entre eux, que chaque pays t chaque peuple soient scindés dans leurs clivages sectaires, régionaux et partisans, car c’est au sein de ces divisions que les rêves de l’Amérique et d’Israël peuvent se réaliser. »
Les événements survenus dans la région dans les années qui ont suivi ce discours ont confirmé ses prédictions quant à la menace que le projet sioniste représente pour l’ensemble de la région voire au-delà.
La Résistance d’abord
Dans son dernier discours pour la décade d’Achoura, il a repris ses mises en gardes, adressant ses accusations aux protagonistes régionaux qui ont, selon lui abandonné Gaza à son sort. « Certains de ces renégats, pour masquer leur négligence et leur abandon de Gaza et de sa population, optent pour ressusciter les questions sectaires et confessionnelles, pour rouvrir de vieux dossiers et inciter à la haine comme s’il n’y avait plus de combats, plus de priorités, comme s’il n’y avait pas de massacres à Gaza, pas de défis et pas de martyrs. Ce climat perdure, mais il est limité ».
Si le Sayed de la résistance a souligné l’importance de la résistance comme première option pour la libération, compte tenu de l’inutilité des résolutions internationales restées lettres mortes pendant des décennies, il a réitéré, dans ses discours ultérieurs, son appel à l’action, tant sur le plan de la résistance que sur celui de l’action politique et diplomatique, comme moyen de promouvoir la libération. Notant que le refus d’appliquer les résolutions internationales confirme la légitimité de la résistance face à ceux qui rejettent cette option, au Liban comme en Palestine.
Pour lui, seule la résistance est capable de libérer et de garantir l’application de ces résolutions, affirmant sans cesse qu’au Liban comme en Palestine, il s’agit d’une réponse « défensive et non agressive » à « l’injustice subie par le Liban, la Palestine, les Arabes et les musulmans ».
Al-Qods, dans les cœurs et les esprits
Ayant été victimes lui, ses hommes et la communauté de la résistance, des campagnes de diffamation, de mensonges et de procès d’’intentions, sans parler des tentatives de répression et d’élimination, sayed Nasrallah est resté inébranlable : Al-Qods restera dans son esprit et dans son cœur, ainsi que dans ceux de ses chiites.
« Appelez-nous Rafidah, traitez-nous de terroristes, traitez-nous de criminels, dites ce que vous voulez, et tuez-nous sous chaque pierre et chaque brique, tuez-nous sous chaque pierre et chaque brique… et sur tous les fronts, à la porte de chaque Husseiniya et de chaque mosquée… Nous, les chiites d’Ali ibn Abi Talib, n’abandonnerons jamais la Palestine. »
Ces mots font partie de son appel, lancé lors de la célébration de la Journée d’al-Qods en août 2013 (mentionné au début de l’article).
À l’époque, les régions libanaises de la communauté de la résistance étaient la cible d’opérations terroristes menées par des groupuscules rassemblés en Syrie. La base populaire de la résistance était la cible de campagnes de haine dans les médias et sur les réseaux sociaux, basées sur la participation de la résistance à la lutte contre les groupes takfiris. Quelques mois plus tôt, en célébrant en mai 2013 la Journée de la Libération, il avait déclaré : « Si la Syrie tombe, la résistance sera assiégée… Si la Syrie tombe, la Palestine sera perdue. » Il était conscient plus que quiconque des conséquences de la guerre en Syrie.
L’actualité a confirmé ses prédictions.
Sous la pluie et la tempête… sur la voie d’al-Qods
Il faut croire que le discours prononcé par Son Éminence en 2002, sous une pluie battante et un tonnerre assourdissant sur la ville de Nabatiyeh, « où la résistance fut lancée lors de l’Achoura 1983 », en présence de ses combattants, debout face à son estrade, telle une structure solide, encaissant, immuables la pluie … et en présence d’un auditoire imposant, sous les parapluies, ce discours a peut-être l’un de ses sermons qui annonçait le mieux ce qui allait advenir : défis et dangers d’un côté, mais aussi volonté d’affrontement de l’autre.
Il avait déclaré : « Ce mauvais temps est un message clair exprimant la volonté, la détermination et la résolution, et montrant que nous sommes un peuple qui ne fuit ni le froid de l’hiver, ni la chaleur de l’été, ni le feu des épées, ni l’horreur des batailles. Nous sommes, si Dieu le veut, la nation de la résistance et la nation du défi, et nous le resterons…, nous qui avons consenti nos meilleurs dirigeants en martyrs sur la Voie d’al-Qods. »
Ce jour-là, sayed Nasrallah incarnait toute la oumma devant ses partisans qui la représentaient toute entière.
Le destin divin a voulu que la bataille de soutien à Gaza et à la Palestine soit baptisée « Sur la voie d’al-Qods », que les martyrs y soient associés… et que lui, soit parmi eux, rejoignant les dirigeants et les moudjahidines qui l’avaient précédé… Il n’en reste pas moins qu’il avait tant aspiré à prier dans la Capitale de la Terre et du Ciel.
Dans son dernier discours, où il a parlé de Jérusalem à l’occasion de la Journée d’Al-Qods, le 6 avril 2024, il a rappelé la position de l’imam Khomeiny, qui avait décrété le dernier vendredi du mois de Ramadan Journée d’Al-Qods, ce qui témoigne de son importance à ses yeux. Il le considérait même comme « une expression avancée d’une position historique ancienne de toutes nos autorités religieuses… depuis avant 1948… à Najaf al-Achraf en Irak, à Qom et Machhad en Iran, au Liban, partout, nos savants, dont les noms sont connus et éminents, étaient tous d’accord et continuent de l’être, ce qui est également important, à ce jour sur ce consensus de rejeter cette entité, de l’illégitimité de cette entité, de considérer Israël comme un État occupant et usurpateur de toute la Palestine de la mer au fleuve, sur le droit du peuple palestinien à reconquérir sa terre et ses lieux saints et à établir son État de la mer au fleuve, sur la nécessité de rejeter cette entité, de résister à cette entité et de libérer cette terre et ses lieux saints. »
Par ces propos, il a consacré son appel « Nous, les chiites d’Ali bin Abi Talib au Liban et dans le monde, n’abandonnerons jamais la Palestine », lancé 11 années avant son martyre.
Le flambeau et la promesse
Cet appel pourrait servir de testament politique à tous les peuples du monde qui défendent aujourd’hui la Palestine… et à sa communauté libanaise en particulier, avec laquelle il partageait un amour unique en son genre.
Si presque chacune des familles libanaises compte au moins un fils martyr qui s’est élevé sur cette « voie des épines », au cours de ces 40 dernières années, aujourd’hui, depuis le martyre du Martyr suprême, elles continuent de se consentir en martyrs, parmi les civils et les combattants, qui s’élèvent chaque jour. Avec pour mot d’ordre immuable : « Sur la voie d’al-Qods ».
Ils ont été rejoints par des martyrs d’Iran, d’Irak et du Yémen, également des combattants et des civils. Ce sont ces trois pays qu’il a toujours loués dans ses sermons, en particulier le dernier, ces derniers mois.
En quittant ce monde ici-bas comme Martyr Suprême, il leur a légué le flambeau qu’il a levé aux tous débuts de sa lutte, inculquant à leurs cœurs sa conviction si chère, reprise des centaines de fois : « c’est le sang des martyrs qui ouvre la voie ». Laquelle devrait conduire à « la marche de l’avant… vers al-Qods », la première devise de la Résistance islamique.
Et dans leur esprit, il a déposé sa promesse ultime, exprimée à maintes reprises, les derniers mois de sa vie : « cette entité temporaire finira par s’écrouler sous les coups successifs, par les points ».
Source: Al-Manar






