Le moins que l’on puisse dire est que la colère iranienne est bien justifiée. Que ce soit par la voix du guide suprême, l’Imam Khamenei, par celle du président Hassan Rohani, et de tous les autres.
Force est de constater toutefois que malgré leur affront, ils ont veillé tous à orienter leurs critiques contre les Saoud exclusivement et d’en épargner le peuple saoudien. Une précaution morale qui fait défaut au mufti saoudien selon lequel « Les Iraniens ne sont pas des Musulmans ».
Dédain et mesquinerie
Le courroux des Iraniens est certes une réaction bein normale face à un comportement saoudien sournois qui se poursuit depuis le drame de Mina durant la saison de pèlerinage de l’an dernier. Date à laquelle l’Iran a perdu le plus gros lot des victimes, avec 464 tués, sur les 7.000 selon les chiffres iraniens (2030, selon l’AFP et 700 selon les autorités saoudiennes).
Cette attitude se résume par le dédain avec lequel les autorités saoudiennes se sont comportées avec les Iraniens. Une attitude qui refuse de rendre compte à quiconque, et surtout pas à Téhéran. Comme si de rien n’était. Comme si ce sont les Iraniens qui sont responsables de ce drame. Il est vrai qu’au lendemain de cette évènement tragique, afin de s’affranchir de leur responsabilités, les responsables saoudiens ont tenté avec mesquinerie d’en incomber la responsabilité aux pèlerins iraniens.
Punir les victimes
Comble de l’arrogance : aucune enquête n’a été ordonnée pour s’enquérir sur les causes de la tragédie, malgré les demandes pressantes de Téhéran qui a été, il faut le dire, la seule à la réclamer.
Comble du mépris : les Saoudiens ont refusé de présenter des excuses aux familles des victimes iraniennes, alors qu’ils devraient leur payer des indemnisations.
Des responsables iraniens rapportent avoir été informés via des pays tiers qui ont eux aussi perdu des ressortissants durant le drame de Mina, qu’ils ont touché d’importantes sommes d’argent de la part de l’Arabie saoudite pour observer le silence. Ainsi, l’argent qui aurait du servir d’indemnisations aux parents et proches des victimes a été empoché par les dirigeants de ces pays.
Pis encore, tout au long de cette année, les Saoudiens n’ont cessé de dresser des obstacles devant les Iraniens pour empêcher leur participation à la saison de cette année.
Obstacles et conditions
Sur cette question-ci, les responsables iraniens chargés des négociations assurent avoir perçu un manque de sérieux de la part des responsables saoudiens et un rejet de leur part de régler les questions en suspens.
« Les saoudiens ont exigé des demandes injustes et inapplicables », ont-ils plusieurs fois dénoncé.
Parmi lesquelles, le fait d’exiger l’obtention d’un visa via un pays tierce et le refus de voir atterrir les avions iraniens dans leurs aéroports.
Dans le cadre de ces tentatives pour parvenir à un compromis, les Iraniens ont fait plusieurs propositions : dont celle d’ouvrir une représentativité iranienne au sein de l’ambassade de Suisse pour pouvoir faire le suivi des pèlerins. Toutes n’ont obtenu aucune fin de recevoir. Les responsables iraniens ne pouvaient laisser le sort de leurs compatriotes entre les mains des Saoudiens, tellement l’expérience est amère.
Autre signe des entraves saoudiennes : souvent, les négociateurs iraniens devaient rencontrer des responsables saoudiens n’ayant aucun lien avec les questions du Hajj ni aucune prorogative pour pouvoir prendre des décisions.
Punir tous les réfractaires
Or, pas seulement les Iraniens ont été détournés du pèlerinage. Toutes les populations musulmanes qui résistent au projet saoudien d’hégémonie ont eu leur compte : les Yéménites et les Syriens qui ont été écartés, alors que les Libanais et les Irakiens ont vu le nombre de visas baisser, par rapport aux années précédentes.
Même le courant du Futur, pourtant un parti libanais pro saoudien s’est vu interdit des 300 visas qui lui sont donnés chaque année. Ils auraient été transférés aux deux rivaux de son chef Saad Hariri, l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi, et le dirigeant de la Jamaa Islamiyyat , Khaled Daher.
Il est vrai que Hariri est très mal en point avec le deuxième prince héritier et fils du roi actuel, le prince Mohammad Ben Salmane, l’homme fort de l’Arabie de nos jours.
Politisation et hégémonie
Accusant l’Iran de politiser le Hajj, pour justifier ses mesures coercitives, c’est Riyad qui le politise plus que jamais, constate le religieux libanais cheikh Maher Hammoud, connu pour son franc parlé. Serait-ce pour mieux cacher ses visées hégémonistes incontestables.
« La saison de pèlerinage doit être ouverte à tous les Musulmans. C’est ce que dit le Saint Coran dans la sourate du Hajj. Il en découle que tous les musulmans devraient être traités avec égalité, ceux qui viennent des contrées lointaines et ceux qui vivent à proximité (des lieux saints) », a-t-il expliqué.
Selon ce président de l’Union mondiale des oulémas de la Résistance, les autorités saoudiennes devraient se contenter d’être les gestionnaires du pèlerinage et éviter à tout prix de se l’accaparer. « Elles ne doivent pas décider ceux qui y seront admis et ceux qui ne le seront pas », a-t-il objecté.
Zones d’ombres et interrogations
Au début de son interview avec notre site arabophone, Cheikh Hammoud avait consenti que de nombreuses zones d’ombres subsistent dans le drame de Mina.
« Pourquoi les cadavres ont été enterrés avant de les avoir identifiés ? Pourquoi ont-ils été jetés dans des conteneurs comme s’ils étaient une marchandise putréfiée ? Ou alors voulaient-ils les putréfier, hélas ? », a-t-il aussi demandé, avec regrets.
Après s’être interrogé sur les raisons pour lesquelles la commission d’enquête n’a jamais vu le jour, le religieux libanais s’est étonné du silence des pays islamiques comme s’ils n’avaient aucune victime à déplorer.
Cheikh Hammoud a fustigé les conditions que les Saoudiens ont imposé aux Iraniens, « comme si c’était eux qui avaient causé le drame de Mina, comme s’ils n’en étaient pas les victimes ».
« Le pire c’est qu’ils (les saoudiens) ont tenté de présenter cette affaire dans les medias comme si ce sont les Iraniens qui se sont abstenus du pèlerinage parce qu’ils ont refusé les conditions saoudiennes. Une mise en scène aussi ridicule que pathétique », a-t-il ajouté, avec ironie.
Israël, par derrière
« Le mot de politisation de la saison du hajj utilisé fréquemment pour accuser les Iraniens est un terme bien élastique. Comment est-il permis par exemple au prêcheur de la sainte mosquée du Haram (…) de vanter comme jihad l’offensive menée contre le Yémen et le soutien aux groupuscules terroristes, alors qu’il n’est pas permis aux Iraniens de lever le slogan « à mort Israël » », a-t-il enchainé.
Se disant surpris par les propos du grand mufti d’Arabie, selon lequel « les Iraniens ne sont pas des musulmans », il a soupçonné: « Est-ce que le mufti vient de le découvrir alors que les Iraniens ont toujours participé au Hajj sans arrêt… Ou serait-ce pour les en interdire définitivement ».
Selon lui, le fait de taxer les Iraniens de « fils de Mages », comme l’a fait le mufti saoudien, ne changera rien à la réalité que l’Iran soutient la résistance contre Israël, au Liban et en Palestine et partout.
« Les propos selon lesquels l’Iran soutient la résistance pour soutenir son projet d’expansion dans la région sont inadmissibles, car il n’en tire aucun bénéfice et en assume le cout, contrairement à la lâcheté des lâches», a-t-il objecté.
Il fait sans doute allusion sans doute à certains pays arabes et islamiques, à leur tête l’Arabie, qui avancent à grand pas vers la normalisation avec l’entité sioniste.
Ce qui explique sans doute cette animosité!
Source: Divers