Malgré sa notoriété internationale, du fait qu’il commande la force la plus célèbre du Corps des gardiens de la révolution, l’Unité al-Quds, le major-général Qassem Souleimani n’avait jamais fait aucune apparition télévisée.
Celle du mardi 1er octobre est donc la première. Il est apparu pendant 90 minutes sur plusieurs télévisions, iraniennes et libanaises, toutes ayant relayé une interview effectuée par l’Institution de préservation du legs culturel du guide suprême de la révolution l’imam Khamenei et diffusée en premier sur son site officiel.
Souleimani était au Liban lors de la guerre
C’est surtout la guerre israélienne contre le Liban en 2006 qui a occupé la majeure partie de son entretien. Ses non-dits surtout.
Il révèle pour la première fois qu’il se trouvait dans la banlieue sud de Beyrouth lorsqu’elle a éclaté. Aux côtés du numéro un Hezbollah sayed Hassan Nasrallah et du chef militaire de la résistance Imad Moughniyeh.
Il dévoile aussi un de ses évènements qu’il a jalousement gardé au secret : comment lui et haj Imad ont fait pour évacuer sayed Nasrallah d’un bâtiment qui risquait hautement d’être bombardé. Et comment ces trois hommes ont échappé à la mort, alors que le drone israélien de reconnaissance MK les guettait.
« J’ai senti qu’un danger sérieux menaçait la vie de sayed Nasrallah et du commandant martyr haj Imad Moughniyeh dans l’une des cellules d’opérations du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth … les bâtiments tout autour faisaient l’objet d’un bombardement continu et étaient détruits. Chaque nuit, deux immeubles ou plus étaient rasés », a-t-il raconté.
Et de poursuivre : « nous sommes sortis tous les trois de l’immeuble vers 11 heures du soir. Il n’y avait aucune voiture, rien que le vrombissement des avions israéliens et nous sommes passés d’un bâtiment à l’autre, alors que le bombardement s’approchait de l’immeuble où nous étions. Pour sayed Nasrallah il n’était pas question qu’il sorte de la banlieue sud. Il a d’ailleurs accepté avec beaucoup d’hésitation de quitter la cellule d’opérations…Lorsque la voiture s’est approchée de nous, la MK qui était au dessus de nos têtes et nous fixaient s’est mise à suivre la voiture. Cela nous a prix quelque temps pour pouvoir passer d’un abri souterrain vers un autre. Après s’être déplacés à bord de cette voiture vers quelque chose dont je ne peux révéler la nature, pour tromper l’ennemi, nous sommes retournés vers notre cellule d’opérations, vers deux heures après minuit».
« Mon rapport en Iran était négatif »
Souleimani a aussi révélé s’être rendu à Téhéran dès la première semaine de l’éclatement des hostilités. Le guide suprême l’imam Ali Khamenei qui se trouvait à Machhad voulait à tout prix avoir des clarifications.
« J’ai alors présenté un rapport négatif à la lumière de mes observations, et je ne voyais aucune perspective de victoire. Cette guerre était très différente. C’était une guerre technique très délicate. Des bâtiments de douze étages étaient réduits en miettes à l’aide d’une seule bombe. Ils choisissaient les cibles avec une grande précision à l’intérieur des villages. Après avoir visé le Hezbollah, la guerre a voulu viser toute la communauté chiite », a-t-il dit.
Il raconte avoir été entièrement surpris par l’analyse qui a été faite par l’imam Khamenei qui a alors comparé la bataille de juillet 2006 à celle des Tranchées, (Al-Khandak) durant l’époque du prophète Mohamad.
« Elle sera difficile et très pénible… Mais se clôturera par une victoire comme cette bataille», lui avait-il demandé de transmettre à Sayed Nasrallah.
M. Souleimani assure que c’est lors de cette rencontre que l’imam Khamenei lui avait fait part que la guerre avait été préparée à l’avance et qu’Israël voulait à l’origine la lancer à l’improviste, mais l’opération du Hezbollah lui a fait perdre son effet surprise.
« Aucun d’entre nous n’avaient d’information là-dessus. Ni moi, si sayed Nasrallah, ni haj Imad », a-t-il fait part.
Transférer la communauté chiite du Liban
Interrogé sur les causes de cette guerre, le général iranien a parlé de causes secrètes et réelles, distinctes de celles qui avaient été mises de l’avant.
Il a scruté deux évènements régionaux qui devaient en principe servir la stratégie israélienne.
La présence militaire considérable des Etats-Unis. « On peut dire que près de 60% de l’armée américaine se trouvait dans notre région, comme forces internes et externes. Il y a eu une énorme présence militaire de point de vue qualitatif. Ils étaient 150 mille en Irak et 30.000 en Afghanistan sans oublier les 15.000 de l’Otan ».
Selon lui, l’entité sioniste a voulu profiter de cette opportunité que lui offrait cette imposante présence militaire américaine pour lancer une guerre rapide et en finir avec le Hezbollah.
M. Souleimani a semblé être persuadé qu’elle voulait en plus de détruire le Hezbollah, opérer un changement démographique dans le pays du cèdre, en poussant les chiites à le quitter.
« Ce projet avait été mis sur point pour les chiites du sud Liban comme ils avaient fait de même avec les Palestiniens, lorsqu’ils les ont contraints à quitter le sud du Liban et à vivre dans des camps de réfugiés au Liban en Syrie et ailleurs dans le monde arabe ».
Selon lui, Israël avait préparé à l’avance un camp d’internement a l’intérieur de la Palestine occupée, destiné à y transférer 30.000 libanais, avant de les départager et de les renvoyer vers d’autres pays.
« Ils voulaient capturer ceux qu’ils considéraient être des criminels parce qu’ils sont liés au Hezbollah. Ils avaient aussi préparé des navires pour les faire partir »
Et Souleimani de conclure: « cette guerre avait été préparée minutieusement à l’avance, à la différence des autres guerres qui ont tout brûlé sur leur chemin. Ils (les Israéliens, ndlr) ont voulu s’attaquer à toute une communauté ». En allusion à la communauté chiite libanaise.
Le deuxième évènement que Souleimani avait scruté comme étant au service de la stratégie israélienne remonte aux positions de certains pays arabes. Il rapporte à cet égard les déclarations du Premier ministre israélien à cette époque Ehud Olmert, selon lequel « c’est la première fois que tous les pays arabes sont unis pour soutenir Israël dans sa guerre contre une organisation arabe».
Haj Imad: une brigade en soi
Durant l’interview, le général iranien a beaucoup parlé du commandant militaire de la résistance haj Imad Moughniyeh.
Il l’a qualifié de « brigade en soi », le comparant au commandant militaire de l’imam Ali, Malek al-Achtar.
« Imad avait cette même personnalité. C’est lui qui s’est chargé de commander cette opération… C’était lui qui dirigeait les opérations spéciales. Il les supervisait et le suivait de près. Il est entré dans les territoires occupés pour frapper un véhicule et capturer des soldats israéliens », a-t-il indiqué. En évoquant de l’opération qui a permis d’enlever les deux soldats israéliens afin de les échanger contre des prisonniers libanais dans les geôles israéliennes. Evènement qui a déclenché la guerre israélienne.
En parlant de lui, Souleimani n’a pu s’empêcher de verser quelques larmes.