La Banque mondiale a appelé mercredi le Liban à former un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais, au 21e jour d’un mouvement de contestation inédit contre la classe politique.
Depuis le 17 octobre, le Liban connaît une contestation populaire sans précédent contre sa classe dirigeante, jugée corrompue, incompétente et sectaire, sur fond de vives difficultés économiques.
Le mouvement, qui a mobilisé des centaines de milliers de Libanais, toutes communautés confondues, a entraîné la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri, mais la formation d’un nouveau gouvernement se fait attendre.
« La formation rapide d’un gouvernement correspondant aux attentes de tous les Libanais est désormais l’étape la plus urgente », a souligné la Banque mondiale (BM) à l’issue d’une réunion d’une délégation avec le président Michel Aoun.
Dans son communiqué, la BM a mis en garde contre une « récession plus grave » encore, « en raison des pressions économiques et financières croissantes »
–l’institution prévoit déjà une croissance négative de 0,2% pour l’année en cours.
En cas d’impasse, la moitié de la population pourrait sombrer dans la pauvreté et le chômage « augmenter fortement », a averti la BM.
Selon elle, environ un tiers des Libanais vit déjà sous le seuil de pauvreté.
De son côté, le chef de l’Etat a assuré que le prochain gouvernement inclurait des « ministres compétents et à l’abri de tout soupçon de corruption », selon le compte Twitter de la présidence.
Michel Aoun a ajouté que 17 dossiers de corruption faisaient désormais l’objet d’enquêtes judiciaires, d’après la présidence.
Décision « hâtive »
Mercredi, le procureur financier Ali Ibrahim a engagé des poursuites pour blanchiment d’argent et échange de pots-de-vin contre un responsable à l’Aéroport de Beyrouth, selon l’Agence nationale d’information (ANI).
D’autres poursuites ont récemment été engagées contre les deux anciens Premiers ministres Najib Mikati et Fouad Siniora, et contre la Banque Audi pour enrichissement illicite, et visé l’ancien ministre Fayez Chokr pour « négligence dans l’exercice de ses fonctions ».
La mise en garde de la BM intervient après l’abaissement mardi par l’agence Moody’s de la note du Liban de « Caa1 » à « Caa2 », un niveau associé à une forte probabilité de rééchelonnement de la dette.
Le pays croule sous une dette de 86 milliards de dollars, soit 150% du PIB, l’un des ratios les plus élevés au monde.
« Le vaste mouvement de contestation sociale, la démission du gouvernement et la perte de confiance des investisseurs ont de nouveau affaibli le modèle de financement du Liban », a averti Moody’s, qui avait déjà abaissé la note de la dette libanaise de « B3 » à « Caa1 » en janvier.
Pour l’économiste Nassib Ghobril, « Moody’s a pris cette décision de manière hâtive ».
« Il y a aujourd’hui une opportunité de voir émerger un changement réel au Liban, et les demandes des manifestants rejoignent celles de la communauté internationale, qu’il s’agisse de la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance ou encore l’assainissement financier », a-t-il argué.
Le Liban est classé 138e sur 180 en matière de corruption par l’ONG Transparency.
Source: Avec AFP