Le président libanais, Michel Aoun, a déclaré, le jeudi 21 novembre, que le dialogue est la seule manière de résoudre les crises, soulignant la nécessité de parvenir à un gouvernement qui réponde aux aspirations des Libanais.
Le président Aoun a également appelé à une indépendance économique véritable en démarrant le forage du premier puits de pétrole en mer.
« Faisons de cette année une année d’indépendance géographique en protégeant chaque mètre d’eau de notre zone économique riche en ressources. De la même manière pour chaque mètre carré de notre terre en cherchant à libérer ce qui reste toujours sous occupation israélienne », a affirmé M.Aoun.
Voici le texte intégral de son discours :
Chères Libanaises et Libanais,
E la veille du 76ème anniversaire de l’Indépendance, je m’adresse à vous avec la conviction que ce n’est ni le moment de faire des discours, encore moins celui des célébrations.
En revanche, c’est l’heure de travailler et de travailler de façon sérieuse car nous menons une véritable course contre la montre.
Les défis sont importants avec de lourds enjeux et nous avons déjà perdu trop de temps.
Seul le dialogue peut résoudre les crises
Le Liban attendait un nouveau gouvernement sur lequel se portaient tous les espoirs. Il était censé être déjà formé et s’être mis au travail. Cependant, les contradictions qui régissent la politique libanaise ont imposé une temporisation pour éviter le pire. De plus, répondre aux attentes et aux aspirations exige un gouvernement extrêmement efficace, productif et rigoureux. Les défis qui l’attendent sont énormes et les échéances incontournables.
Chers Libanais,
Soixante-seize ans se sont écoulés depuis l’indépendance du Liban. Notre pays a connu bien des épreuves au cours desquelles sa jeune liberté a été mise en péril. Nous avons pu à chaque fois nous rendre compte qu’il est en vérité plus facile d’obtenir l’indépendance que de la conserver.
L’Indépendance découle d’une décision nationale, libre, sans tutelle, explicite ou inavouée. C’est ce pourquoi nous nous battons encore aujourd’hui, avec force et détermination, quelque puisse en être le prix.
Les accords et les compromis conclus pour notre région, les tentatives de nous les imposer menacent non seulement l’indépendance des Etats concernés, mais va jusqu’ à mettre en danger leur nature propre, voir leur existence.
Notre attachement à l’indépendance du Liban ne signifie pas vouloir des antagonismes avec d’autres Etats. Au contraire, nous recherchons des rapports amicaux et sincères avec tous ceux prêts à cette même réciprocité. Notre pays tient à garder son libre arbitre, tout en entretenant des relations d’égal à égal avec les autres nations. Nous prenons ainsi les décisions appropriées et rejetons ce qui nous nuit. Si la politique est l’art du possible, elle est aussi un combat contre l’inacceptable.
Les compromis internationaux ne sont pas seuls à menacer la stabilité des Etats.
Au sein même de notre pays, nos institutions, notre économie et notre société sont gravement minées par la corruption.
Plus préoccupant encore, la lutte contre la corruption est devenue un slogan récupéré par ceux-là même qui en sont imprégnés jusqu’au cou. Et dès qu’on essaye d’exécuter la moindre action pour y mettre un terme, les confessions et communautés évoquent des lignes rouges à ne pas franchir.
La bataille contre la corruption est dure et même la plus dure! C’est pourquoi je me suis adressé directement à vous, Peuple du Liban, pour y trouver soutien. En effet, vous seuls pouvez faire effacer ces lignes rouges. Vous seuls pouvez faire pression pour l’application des lois existantes, obliger à légiférer afin de récupérer les fonds pillés et poursuivre les corrompus.
Je renouvelle mon appel aux manifestants pour discuter avec eux des revendications véritables et de la façon la plus efficace pour les satisfaire. Car le dialogue reste le chemin le plus juste pour résoudre les crises.
Les mouvements populaires récents ont permis de faire tomber certains anciens tabous, renverser quelques protectorats, pousser le pouvoir judiciaire à agir et inciter le législateur à donner sa priorité aux lois anticorruption.
En effet, il est important et utile de mettre en lumière dans les médias ou sur la place publique cette corruption et de présenter à la justice des informations ou des documents compromettants.
Cependant, les médias, la rue et la controverse politique ne doivent pas se substituer tout à la fois au procureur, au juge et au geôlier. Cela nuit au processus de lutte contre la corruption plutôt que d’assainir la situation. En effet, lancer des accusations à tout vent et des condamnations sans preuves peuvent faire du mal à des innocents et permettre aux vrais coupables d’être noyés dans la masse et poursuivre ainsi leur malfaisance.
Vous avez donné un coup de pouce à la justice, laissez la maintenant faire son devoir.
Je m’adresse à présent à vous les juges :
Je vous affirme que vous êtes tenus de respecter votre serment afin d’accomplir votre devoir sans crainte, avec honnêteté et sincérité. Car toute lutte contre la corruption trouvera sa conclusion et son triomphe à l’aune de votre courage et de votre intégrité.
Depuis 2017, j’ai présenté à la justice 18 dossiers de corruption au sein des administrations d’Etat et, à ce jour, aucune condamnation n’a encore eu lieu. Si la justice tardive n’est pas équitable, mettre en veilleuse le traitement des affaires de corruption revient à l’encourager indirectement.
Nous comptons sur les récentes nominations des nouveaux juges pour activer le rôle du pouvoir judiciaire, renforcer son indépendance. Courage et impartialité sont les fers de lance de toute lutte contre la corruption.
Et là, je le répète : je serai intransigeant afin d’empêcher toute ingérence extérieure dans le système judiciaire. Lors de mon serment d’investiture, j’avais déjà affirmé vouloir préserver et protéger la constitution et les lois.
Chers Libanais,
Nous sommes aux portes du deuxième centenaire du Grand Liban et nous nous retrouvons pris en otage par une grave crise résultant de toutes les politiques économiques erronées, de la corruption, du gaspillage et de la mauvaise gestion suivie depuis des décennies.
Que cette année à venir soit celle d’une réelle indépendance économique. Transformons notre économie de rentiers en une nouvelle, s’appuyant sur des productions efficaces des secteurs agricole et industriels. Adoptons des mesures de relance pour devenir compétitifs sur les marchés étrangers. Mettons en avant le secteur de la recherche et de la technologie où le Liban peut être un sérieux concurrent.
Indépendance économique et géographique
Oui atteignons une indépendance économique véritable en démarrant le forage du premier puits de pétrole en mer. Préservons ces revenus dans une caisse indépendante en adoptant des lois qui respectent les standards internationaux de transparence.
Faisons de cette année une année d’indépendance géographique en protégeant chaque mètre d’eau de notre zone économique riche en ressources. De la même manière pour chaque mètre carré de notre terre en cherchant à libérer ce qui reste toujours sous occupation israélienne.
Faisons de cette année une année d’indépendance au service de l’environnement en reboisant les montagnes, notamment après les derniers incendies.
Faisons également de cette indépendance une année sociale par excellence en promulguant une loi d’assurance vieillesse.
Notre indépendance véritable ne se fera que lorsque nous nous affranchiront de nos divisions communautaires et confessionnelles afin de parcourir les étapes nécessaires à l’établissement d’un Etat laïque.
Il est temps de se mettre à l’œuvre et le prochain gouvernement me trouvera à ses côtés pour participer à ce défi et accomplir des exploits.
Chers militaires,
Pas d’indépendance sans vous. Vous fûtes, vous êtes et vous resterez le bouclier de la patrie, les gardiens de son indépendance et le rempart de son unité.
La mission la plus difficile à laquelle vous pouvez être confrontés est le maintien de la paix civile comme c’est le cas actuellement.
Vous devez à la fois protéger la liberté du citoyen qui a le droit de s’exprimer en manifestant et en protestant, tout en veillant à la liberté de circulation de ceux qui veulent se rendre à leur travail ou retourner chez eux.
Réussir cette tâche délicate dépend de la confiance que vous accordent les citoyens : elle est précieuse et irremplaçable.
Et vous, chers Libanais, en particulier les jeunes,
Lorsque le discours de la rue n’a plus de limites, il peut devenir menaçant pour la nation et la société.
N’oubliez pas qu’après cette crise, vous allez retourner chez vous, dans votre quartier, à l’école, à l’université, au travail … vous allez continuer à vivre ensemble. Evitez de répandre des messages de haine et d’incitations à la violence, car si détruire est facile, reconstruire est d’une toute autre exigence.
Ne détruisez pas les fondements de notre société bâtis autour du respect de la liberté de croyance, d’opinion et d’expression de chacun.
Vos ancêtres ont enduré le pire pour préserver vie et liberté. Vos parents ont connu toutes sortes de souffrances dans une guerre interne dévastatrice qui a détruit la plupart de leurs rêves et anéanti leurs plus belles années.
La pérennité de cet héritage est aujourd’hui entre vos mains. E Vous d’en tenir compte.
Longue vie à tous et vive le Liban !
Source: Avec ANI