Le Président turc entamera, ce dimanche 26 janvier, sa tournée en Afrique par une visite officielle en Algérie. Deux dossiers importants sont inscrits à son programme: les relations bilatérales, avec à la clé la création d’un Haut conseil de coopération stratégique algéro-turc, ainsi que la crise libyenne.
La visite du Président turc à Alger, le 26 décembre, augure-t-elle d’une nouvelle phase dans les relations entre l’Algérie et la Turquie? Tout semble l’indiquer, à commencer par la promptitude de Recep Tayyip Erdogan à répondre à l’invitation officielle de son homologue algérien, transmise il y a moins de trois semaines, lors d’une rencontre avec le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavuşoğlu.
Cette visite a été rajoutée à la mini-tournée africaine de Recep Tayyip Erdogan, qui devait initialement débuter au Maroc et se poursuivre au Sénégal et en Gambie. Mais la programmation de l’escale algéroise, avant de gagner Rabat, a fait grincer des dents côté marocain et la visite du Président turc a été finalement été annulée, d’après un diplomate turc en poste à Alger interrogé par Sputnik qui a souhaité garder l’anonymat.
À l’ordre du jour des discussions algéro-turques: les relations bilatérales. Les deux États envisagent de créer une instance qui aura pour mission de définir et de gérer ce qui devrait être un «partenariat d’exception»: le Haut conseil de coopération stratégique algéro-turc.
«Nos pays doivent renforcer leurs relations sur tous les plans, et pas uniquement en matière économique et culturelle. Ce sera le rôle du Haut conseil de coopération stratégique algéro-turc qui devrait prendre forme dans le cadre d’un protocole d’accord que les deux Présidents signeront durant cette visite», a indiqué le diplomate turc à Sputnik.
Plusieurs centaines de sociétés turques sont présentes en Algérie, notamment dans la construction, les services et le commerce. En février 2018, lors de la dernière visite de Recep Tayyip Erdogan à Alger, les deux pays avaient signé des accords de partenariat et de coopération ainsi que des mémorandums d’entente dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, du tourisme, de l’enseignement supérieur, de la culture et de la diplomatie.
«Il est intéressant de relever la temporalité de l’intervention de ce projet de Haut conseil de coopération stratégique algéro-turc. Le Président Erdogan semble adepte des solutions tiroirs à double fond. Ses relations bilatérales comportent bien souvent des volets surprises, mis en arrière-plan pour servir la politique expansionniste à laquelle il se livre depuis 2014. Le dernier mémorandum turco-libyen, ratifié avec Fayez Al Sarraj, chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), nous en donne le meilleur exemple. Une zone économique exclusive (ZEE) avec un volet militaire», explique Assia Bakir, diplômée en relations euro-méditerranéennes, monde maghrébin (Université Paris 8), dans une déclaration à Sputnik.
L’autre dossier d’importance qui sera au centre des discussions entre les deux parties sera la crise libyenne. Partenaire stratégique du GNA de Fayez el-Sarraj, Ankara a maintes fois menacé d’intervenir militairement en Libye pour contrer l’offensive du maréchal Khalifa Haftar. Les autorités algériennes, qui rejettent l’idée de toute ingérence étrangère en Libye, ont pris leurs dispositions avant de dérouler le tapis rouge à Recep Tayyip Edogan.
Au terme d’une rencontre qui s’est tenue à Alger, ce jeudi 23 janvier, les représentants des pays frontaliers de la Libye (Tunisie, Égypte, Tchad, Mali, Soudan, Niger et Algérie) ont rejeté «toute ingérence étrangère» en Libye. Un principe que les Algériens ne comptent pas négocier face à la délégation turque.
Des observateurs n’écartent pas une possibilité pour le Président algérien Abdelmadjid Tebboune et Sabri Boukadoum, son ministre des Affaires étrangères, de plaider pour une participation active de la Turquie dans le processus de dialogue inclusif pour la résolution «pacifique et politique» de la crise libyenne.
Un défi qui s’annonce toutefois complexe, d’autant plus que les Algériens envisagent de faire participer à ce dialogue l’ensemble des acteurs de la crise libyenne, y compris certains dirigeants de l’ère Kadhafi ainsi que des membres du gouvernement de Tobrouk.
Assia Bakir reste, de son côté, sceptique sur la capacité du Président Erdogan à accepter une solution politique dans le conflit libyen. Selon elle, «la Turquie s’est montrée offensive là où la règle des relations internationales lui imposait un rôle mesuré et pondéré».
«La Libye est devenue le champ de bataille d’une guerre par procuration pour des puissances étrangères: Turquie, Qatar, Émirats, Arabie saoudite, Égypte, France, Grande-Bretagne et Italie. Toutes profitent du chaos dans lequel s’est embourbée l’ex-Jamahiriya. Quitte à offrir aux nébuleuses sanguinaires l’occasion de se régénérer, de se renforcer et de trouver de nouveaux territoires pour mieux menacer la stabilité des États. La Libye est la porte d’entrée de la Turquie dans le bassin méditerranéen. Si elle prévoit de demander des indemnités pour des contrats commerciaux signés sous Kadhafi, ce n’est pas pour oublier l’accord de délimitation des juridictions maritimes et ce qu’il lui ouvre comme possibilités et droits sur les gisements offshores de la Méditerranée orientale», ajoute la spécialiste des relations euro-méditerranéennes.
En clair, les Turcs trouveront toujours un moyen de tirer profit de leur implication en Libye… tant que cela n’hypothèque pas leur partenariat stratégique signé avec l’allié libyen, Fayez el-Sarraj.
Source: Sputnik