Avec 187 sièges sur les 329 du Parlement, la coalition du Cadre de Coordination qui comprend la plupart des partis et forces politiques chiites n’a pas tardé à se déclarer « premier bloc parlementaire » après la publication des résultats définitifs des élections législatives irakiennes, ce qui lui confère de facto le droit de nommer le Premier ministre.
Concernant le score des autres forces, le parti sunnite « Progrès », dirigé par Mohammed al-Halbousi (ex-chef du Parlement), a obtenu 36 sièges, et le Parti démocratique du Kurdistan dirigé par Masoud Barzani 27.
La coalition chiite compte dans ses rangs entre autres, la liste Etat de Droit (de l’ex-Premier ministre Anouar al-Maliki) qui a obtenu 29 sièges, la liste Sadeqoune (des Brigades Ahl al-Haq présidée par cheikh Qaïs Khazaali) qui a obtenu 28 sièges, en plus de la liste Reconstruction et Développement, menée par le Premier ministre sortant Mohammed Chia al-Soudani.
Quoique la liste ce dernier est arrivée en tête au sein de ce Cadre, avec 46 sièges, il ne fait pas l’unanimité parmi ses alliés qui ne s’accordent pas sur sa nomination. Sa candidature pour un second mandat semble compromise.
Selon le journal libanais al-Akhbar, il est devenu évident que la formation du prochain gouvernement sera soumise à des dynamiques complexes, mêlant considérations internes et influence de puissances extérieures, notamment Washington et Téhéran.
Malgré son poids considérable, des sources au sein du bloc « Cadre de Coordination » n’ont pas caché l’existence de tensions latentes parmi certains de ses dirigeants. Une figure importante du bloc a déclaré à Al-Akhbar : « Le Cadre est un bloc unique, et cela est déjà acquis… mais le fait de s’entendre sur le nom du Premier ministre prendra plus de temps », ajoutant que « le nouveau comité de direction formé par le Cadre sera chargé d’interviewer les candidats, d’examiner leurs programmes et leurs CV, puis de soumettre une recommandation finale. »
Selon la même source, « plus de 10 noms sont sérieusement envisagés », contre « plus de 50 noms qui circulent dans les médias, lesquels sont irréalistes et sans fondement ». Les cinq noms les plus fréquemment mentionnés lors des réunions sont al-Soudani, Hamid al-Shatiri, Mohsen al-Mandalawi, Asaad al-Eidani et Haider al-Abadi.
Soudani avait publiquement laissé entendre son désir de briguer un second mandat lors de sa participation au forum des MEPS à Dohouk, mais il s’en est défendu en déclarant qu’il ne s’agissait pas d’une ambition personnelle, mais d’un droit électoral.
Il a souligné que sa coalition avait obtenu le plus grand nombre de voix et que le cadre établi avait déterminé la formation du bloc le plus important et que des négociations en vue de la formation du gouvernement allaient être entamées. Dans un message qui semblait s’adresser à la fois au niveau national et international, Soudani a affirmé qu’il ne permettrait pas que l’Irak devienne une « arène d’influence pour quelque pays que ce soit », faisant allusion aux rumeurs de pressions américaines et iraniennes sur le processus de formation du gouvernement.
« Un faiseur de rois »
Commentant cette situation, l’analyste politique Louay al-Nouaïmi estime que « l’avenir d’al-Soudani est incertain ». Il a indiqué à Al-Akhbar qu’« al-Maliki a clairement exprimé sa position : al-Soudani ne briguera pas un second mandat… C’est l’accord conclu au sein de la direction ». Il a ajouté qu’« aucun candidat ne réussira sans consensus extérieur… Ni Washington ni Téhéran ne resteront neutres ».
Al-Nuaimi a également averti que « le concept de bloc majoritaire, tel qu’annoncé par le cadre de référence, pourrait engendrer des divisions, car certains partis craignent que ce bloc ne serve à imposer un candidat unique par la force ».
En revanche, l’analyste politique Ali Fadlallah, proche du gouvernement soudanais, estime que le cadre a « redéfini la donne en son sein » en se déclarant bloc unifié. Il a déclaré à Al-Akhbar : « Cette fois-ci, le cadre n’a plus besoin du Parti démocratique du Kurdistan pour obtenir la confiance du Parlement. Il est devenu un faiseur de rois au sein de l’assemblée législative. » Il a ajouté que cette alliance, « malgré ses divisions avant les élections, s’est rapidement réunifiée », ce qui renforce ses chances d’imposer son candidat au poste de Premier ministre « sans pression significative ».
Le bloc le plus influent
Pour sa part, Mohammed al-Ta’i, figure de proue du bloc Reconstruction et Développement, souligne que « la tradition politique veut que le poste de Premier ministre revienne au bloc le plus influent », ajoutant que « Reconstruction et Développement a prouvé qu’il était le bloc le plus important, tant sur le plan électoral que politique ». Il estime que « Maliki n’est pas opposé à al-Soudani. Ce ne sont que des rumeurs médiatiques », prédisant qu’« al-Soudani parviendra à un accord avec les forces en présence pour former un gouvernement qui mènera à bien les projets de reconstruction et de services publics ».
Empêcher une Premier ministre pro occidental
Dans ce contexte, une source chiite de haut rang a assuré à Al-Akhbar que « la présence iranienne dans les discussions est forte. On souhaite ardemment empêcher la nomination d’un Premier ministre aux sympathies occidentales marquées, comme ce fut le cas pour Moustafa al-Kazimi ». Cependant, cette même source reconnaît que « l’accord final ne pourra pas faire l’impasse sur le facteur américain… C’est la réalité irakienne depuis 2003 ».
Trois données
D’après les données actuelles, trois scénarios se dessinent : premièrement, le renouvellement du mandat d’al-Soudani, une option qui s’éloigne malgré son score élevé. Un accord de principe existe entre les partis au sein de « l’instance dirigeante » pour ne pas le représenter, outre le manque de popularité dont il fait l’objet à Téhéran, même si ce manque de popularité est relatif. Deuxièmement, le choix d’une personnalité de l’administration de la sécurité comme Hamid al-Chatri, à titre de compromis ; et troisièmement, le retour d’une figure comme al-Abadi, si les désaccords s’aggravent au sein du « cadre ».
Les démarches prochaines
Conformément aux procédures constitutionnelles régissant l’élection du président irakien et la formation du nouveau gouvernement pour la sixième législature de quatre ans, le président irakien Abdel Latif Rashid doit convoquer le Parlement dans les quinze jours suivant la ratification par la Cour suprême des résultats des élections et des noms des 329 députés nouvellement élus.
La première session parlementaire est présidée par le doyen du Parlement, au cours de laquelle le président du parlement doit être élu. Selon le principe du consensus et du partage du pouvoir, celui-ci ainsi que ses deux vice-présidents, devraient être sunnites, élus à la majorité absolue.
Dans un second temps, le Parlement irakien élit le président de la République, généralement un Kurde, parmi les candidats à la majorité des deux tiers. Si aucun candidat n’obtient la majorité requise, un second tour est organisé entre les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le candidat arrivé en tête au second tour est déclaré président et prête serment devant le Parlement.
La troisième étape débute par la désignation, par le nouveau président irakien, du candidat du plus grand bloc parlementaire – généralement chiite –, pour former un gouvernement dans les quinze jours suivant l’élection présidentielle. Le Premier ministre désigné dispose alors d’un délai maximal de trente jours à compter de sa nomination pour nommer les membres de son cabinet.
Si le Premier ministre désigné ne parvient pas à former un gouvernement, le président irakien peut nommer un nouveau candidat dans un délai de quinze jours.
Le Premier ministre désigné présente ensuite ses candidats au gouvernement ainsi que le programme gouvernemental au Parlement. Il est considéré comme ayant obtenu la confiance du Parlement lorsque les ministres sont approuvés individuellement et que le programme gouvernemental est approuvé à la majorité absolue. Le nouveau gouvernement irakien entame alors son mandat de quatre ans.
Source: Divers



