Téhéran se déclare prêt à des négociations avec les Etats voisins du golfe Persique en vue de résoudre les différends dans la région. La position iranienne est confortée par des efforts de nombre d’autres Etats souhaitant qu’un tel dialogue prenne place au plus vite.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohamad Javad Zarif a déclaré que « l’Iran était toujours prêt à renforcer le dialogue avec les pays de la région du golfe Persique, en soulignant que la région et sa sécurité appartiennent à toutes les nations régionales. Il a également noté que pour cette raison, l’Iran avait accepté la proposition du Qatar de faciliter les dites négociations pour pouvoir résoudre les différends régionaux.
En ce qui concerne justement l’appel de Doha, c’est à travers le chef de la diplomatie qatarie Cheikh Mohammed Abderrahmane Al-Thani qu’il a été proposé aux autres pays arabes du golfe Persique à tenir des discussions avec Téhéran. Toujours selon lui, « c’est aussi un désir d’autres pays du Conseil de coopération du Golfe » (composé du Qatar, de l’Arabie saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, de l’Oman et du Koweït). Bien qu’il n’ait pas précisé les autres pays intéressés par un tel dialogue, il faudrait certainement penser entre autres au sultanat d’Oman qui au-delà d’entretenir des relations diplomatiques et économiques avec l’Iran, ne le considère pas comme étant une menace pour les Etats arabes du Golfe.
Les puissances internationales comme la Russie et la Chine, intéressées par une région stable et sécurisée, soutiennent un tel dialogue et plus généralement une normalisation des relations entre la puissance perse et les pays arabes du golfe Persique. A ce titre, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de sa récente rencontre à Moscou avec son homologue saoudien avait fait un appel en ce sens. Auquel Riyad semble pour le moment réticent.
Parmi les raisons d’une telle réticence, plusieurs faits devraient être pris en compte. Tout d’abord, c’est effectivement l’Etat wahhabite qui s’était placé à la tête de la coalition arabe hostile à Téhéran. Mais au-delà des ambitions personnelles de l’establishment saoudien et de l’animosité qu’il puisse avoir en direction de l’Iran, il y a deux facteurs qui jouent dans le blocage de toute normalisation, même relative, entre Téhéran et Riyad. A savoir les USA et Israël.
Le dernier ne cache pas le fait qu’il voit en la République islamique le principal « danger » pour sa sécurité. Quant à Washington, il applique (et continuera certainement d’appliquer) une politique qui place Tel-Aviv non seulement comme une priorité dans sa politique au Proche-Orient, mais de façon générale sur l’arène internationale. Les récentes normalisations entre l’Etat sioniste et certains pays arabes sous la médiation washingtonienne le confirment d’ailleurs pleinement.
Le souci pour l’axe Washington-Tel-Aviv, c’est que le monde actuel n’est plus celui des années 1990, ni du début des années 2000. La preuve de cela, est qu’au-delà de la montée en force des puissances internationales reconnues comme telles, en premier lieu la Russie et la Chine, étant par ailleurs membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, une nation comme l’Iran – formant d’ailleurs un triumvirat avec les deux premiers cités, n’a probablement jamais eu autant d’influence sur la scène régionale et internationale dans son histoire contemporaine. Et ce malgré les innombrables pressions économico-politiques, agressions et intimidations la visant. Confirmant par la même occasion que le grand espace eurasien constitue le fer de lance du monde multipolaire actuel. Et qui d’ailleurs renforce chaque jour un peu plus l’idée que la vraie communauté internationale se trouve dans le camp eurasiatique.
Pour autant, il est pratiquement inconcevable que les représentants étasuniens et israéliens puissent s’adapter, de façon civilisée, à cette réalité mondiale. Et continueront sans aucun doute à défendre avec nostalgie le concept unipolaire définitivement révolu. Quant aux pays arabes qui restent des alliés de cet axe pro-unipolaire et néocolonial, il serait probablement légitime de poser la question s’ils ne seront tout simplement pas retardataires, avec tout ce que cela implique, vis-à-vis du train multipolaire roulant à grande allure.
Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Source : Observateur continental