Des combats opposaient, jeudi matin 8 juillet, les talibans à l’armée afghane dans la ville de Qala-i-Naw (nord-ouest), première capitale provinciale à subir une offensive de la part des insurgés depuis le début de la dernière phase du retrait des troupes d’occupation américaines.
« Les talibans sont toujours dans la ville (…) On peut les voir passer et repasser sur leurs motos », a déclaré à l’AFP Aziz Tawakoli, un habitant de Qala-i-Naw, la capitale de la province de Badghis.
« Les magasins sont fermés, il n’y a presque personne dans les rues », a-t-il ajouté, précisant que presque la moitié des résidents ont fui.
Mercredi, quelques heures seulement après que l’armée américaine a annoncé avoir achevé « à plus de 90% » son retrait d’Afghanistan, les talibans, qui se sont emparés depuis mai de vastes portions rurales du territoire et rapprochés de plusieurs grandes villes, sont entrés dans Qala-i-Naw, une ville d’environ 75.000 habitants.
Les forces afghanes ont lancé une contre-offensive pour reprendre la ville.
« Personne ne pouvait dormir la nuit dernière à cause des bombardements », a raconté Parisila Herawai, une militante de Qala-i-Naw.
« Il faut le reconnaître, la guerre fait rage et nous sommes dans une situation militaire très délicate », a auparavant admis le ministre afghan de la Défense, Bismillah Mohammadi.
« Mais ce n’est pas la première fois que l’Afghanistan vit des moments difficiles » et « je veux tous vous rassurer, nos forces nationales (…) useront de toute leur puissance et leurs ressources pour défendre notre patrie et notre peuple », a-t-il ajouté.
Fusil d’assaut sur l’épaule et poitrine bardée de chargeurs, le gouverneur de Badghis, Hessamuddin Shams, a assuré dans une vidéo publiée sur Facebook que « toutes les forces de sécurité (…) défendent la ville » et que « l’ennemi a subi des pertes et est défait », alors que continuaient de résonner derrière lui des tirs nourris.
En fin d’après-midi, le ministère de la Défense a affirmé que les talibans avaient « subi des pertes dans leur tentative ratée de s’emparer de Qala-i-Naw ». Mais des tirs continuaient d’être entendus dans certaines parties de la ville.
L’armée « a sécurisé la plupart des zones » de Qala-i-Naw et toutes le « seront dans les prochaines heures », a affirmé le porte-parole du ministère, Fawad Aman, sur Twitter.
Le chef du conseil provincial de Badghis, Abdul Aziz Bek, a affirmé mercredi à l’AFP que « la nuit dernière, des responsables des services de sécurité de la province se sont rendus aux talibans et ces derniers étaient en ville ce (mercredi) matin ».
Un membre du conseil provincial, Zia Gul Habibi, a indiqué mercredi après-midi à l’AFP que « la ville ne tombait pas » aux mains des talibans. « Mais les talibans sont toujours à l’intérieur de la ville et des avions et des hélicoptères frappent (leurs) positions ».
« Tout le monde était terrifié dans la matinée quand les gens ont entendu que les talibans étaient entrés en ville (…) On a rapidement entendu des tirs et des explosions », a raconté à l’AFP Aziz Tawakoli, un habitant de Qala-i-Naw.
« Désormais les explosions sont audibles au loin, des hélicoptères et avions survolent la ville et frappent parfois des endroits de la ville ».
Les talibans ont expulsé des personnes de leurs domiciles dans le nord de l’Afghanistan, et pillent ou incendient certaines habitations, a dénoncé mercredi l’association de défense des droits, Human Rights Watch.
Des habitants interrogés par téléphone ont indiqué que quelque 600 familles avaient dû quitter Bagh-e Sherkat, dans la province de Kunduz, rapporte l’ONG, qui évoque « le risque que des atrocités soient commises à l’avenir ».
Négociations à Téhéran
Mercredi, des délégations du gouvernement afghan et des talibans se sont rencontrées à Téhéran, a annoncé le ministère iranien des Affaires étrangères, après des mois de négociations au point mort au Qatar.
« Aujourd’hui, le peuple et les dirigeants d’Afghanistan doivent prendre des décisions difficiles pour l’avenir de leur pays », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, à l’ouverture des discussions, en saluant le départ américain du territoire de son voisin de l’Est.
Les talibans se sont récemment rapprochés d’Hérat, capitale de la province du même nom, frontalière de l’Iran.
Le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, a confirmé qu’une « délégation de haut niveau » était en Iran « à l’invitation officielle » de Téhéran pour y rencontrer des « personnalités afghanes » et discuter de « la situation actuelle du pays et trouver des solutions via des pourparlers ».
Entamé en mai, le retrait des troupes américaines a été mené tambour battant, malgré l’avancée inexorable des talibans et le recul des forces afghanes.
Les forces américaines et de l’Otan avaient évacué la semaine passée la base aérienne de Bagram, au nord de Kaboul, plus importante installation militaire de la coalition en Afghanistan et centre névralgique de ses opérations sur place depuis l’entrée des troupes américaines dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
Les talibans avaient brièvement tenté en juin d’attaquer Kunduz, capitale de la province du même nom dans le nord du pays. Mais l’entrée des talibans dans Qala-i-Naw devrait porter un nouveau coup au moral – déjà considérablement affaibli – des forces afghanes, selon les analystes.
Source: Avec AFP