Pendant trois jours, les médias israéliens ne parlaient que de l’attentat du lundi 13 mars près du carrefour de Megiddo, proche de la ville de Haïfa, dans les territoires palestiniens occupés de 1948. Et ce malgré la censure qu’il leur a été imposée.
Il en a découlé un véritable vent de panique qui s’est propagé parmi la population, accentué par l’absence de position de la part de l’armée et le Shin Bet qui ont observé un black-out pour mener à bien l’enquête.
Ce qui n’a pas empêché les médias de raconter des tas d’histoires. Et il a fallu attendre mercredi soir pour que ces derniers livrent leur version officielle des faits, pas tout-à-fait certaine.
« Une bombe sans précédent »
Après un silence de plus de 24 heures sur la nature de l’incident, et toujours malgré la censure, des médias ont laissé fuiter que les investigations préliminaires indiquent que l’explosion avait été causée par la détonation d’un engin explosif posé sur le bord de la route. Les causes de l’explosion n’étant pas encore explicites.
Plus tard, ils rapportaient les estimations des services de sécurité israéliens qui concluaient qu’il s’agissait d’une opération « menée pour une cause nationale ».
Un haut responsable sécuritaire confiait pour le site d’information israélien 0404 que l’incident en question a atteint un nouveau niveau plus élevé de « terrorisme » dirigé contre « Israël », faisant part qu’il « devrait nous inquiéter tous et il aura des conséquences » et « ce sont des nouvelles règles du jeu et nous devons nous préparer en conséquence ».
Le correspondant militaire de l’Israel Broadcasting Corporation (Kan 11) a indiqué que la bombe utilisée était « sans précédent sur la scène palestinienne. »
Les méthodes du Hezbollah
Et puis ont fusé de toutes parts des informations désignés par certains sous le terme « l’incident du nord », sachant que le nord a trait à la frontière avec le Liban et au Hezbollah.
Il y est question que l’attaque a été réalisée via un engin explosif rappelant les méthodes du Hezbollah contre l’occupation israélienne du sud Liban entre 1982 et l’an 2000.
Comme l’a écrit entre autres le journal Haaretz qui a rappelé que la bombe utilisée était similaire aux bombes que le Hezbollah avait utilisées pour faire exploser des véhicules israéliens au Liban avant le retrait israélien, qui étaient posées sur le bord de la route.
Des allusions ont été faites dans certains médias sur une aide étrangère aux Palestiniens, qui n’ont rien d’un secret. Les sources de Channel 12 avançaient que le Hezbollah libanais, en plus de l’Iran, transféraient de l’argent à des cellules armées à Jénine et Naplouse pour mener des attaques à l’intérieur d’Israël.
Et qu’un dirigeant du mouvement Fatah a reçu de l’argent et l’a remis à deux personnes de Naplouse pour activer des cellules militaires du mouvement, avant qu’ils ne soient arrêtés par l’armée israélienne.
Et le spectre du Hezbollah
Des médias ont laissé entendre que l’armée souspçonne le Hezbollah d’être derrière cet évènement. Une rumeur a aussi été propagée sur les réseaux sociaux selon laquelle des combattants du Hezbollah se seraient infiltrés depuis la frontière libanaise en franchissant un tunnel, pour effectuer un attentat.
Et la cerise sur le gâteau pour couronner ce discours alarmiste, d’aucuns ont écrit : un tunnel de contrebande d’armement a été découvert dans la zone frontalière, entre Adamit et le village bédouin Aramcha et il y a des craintes de l’infiltration de forces iraniennes et libanaises du Hezbollah, avec des missiles et des roquettes vers le pays. Ce qui pourrait se transformer en un incident d’une gravité sans précédent »
Politiciens et ex-officiers militaires israéliens se sont emparés de l’affaire incitant l’armée à passer à l’acte et à riposter au cas où le Hezbollah est impliqué.
Pourtant, un groupe baptisé « Forces d’al-Jalil-Loups solitaires » avait revendiqué l’opération
Le ministère de la guerre en réunion
Renforçant le discours sur la gravité de l’incident, la chaîne de télévision israélienne Channel 12 assurait que l’establishment sécuritaire israélien est profondément troublé par l’incident de Megiddo et qu’il est conscient d’une tendance croissante aux tentatives d’opérations aux explosifs.
Et que l’élite des forces de sécurité est présente dans le bâtiment du ministère de la Guerre, Kiriah à Tel-Aviv, depuis plus de 24 heures, en raison du mystérieux incident dans le nord.
Il a indiqué aussi qu’« Israël » a adressé des mises en garde à plusieurs organisations contre l’exploitation de « l’état de faiblesse » qui affecte l’entité israélienne en raison des scissions qui ont éclaté parmi les Israéliens, causées par le plan du gouvernement Netanyahu de réforme juridique, plan suspecté d’affaiblir le système judiciaire.
Menaçant que « la riposte à ces tentatives sera disproportionnée », toujours selon Channel 12.
Version officielle et zones d’ombres
Il a fallu attendre le mercredi soir pour que l’establishment militaire et sécuritaire israélien donne sa version des faits. Elle n’est pas certaine et elle est formulée au conditionnel.
Selon i24, citant les révélations mercredi de l’armée israélienne et du Shin Bet dans un communiqué commun « l’attaque est l’œuvre d’un terroriste armé qui serait arrivé à Megiddo en voiture depuis le Liban, et aurait donc roulé pendant près d’une heure et demi à l’intérieur du territoire israélien ».
Ils savent néanmoins qu’après l’attentat « il a arrêté une voiture et a demandé au conducteur de le conduire vers le nord. Le terroriste, qui portait une ceinture d’explosifs, a finalement été intercepté sur la route 899 près du moshav Ya’ara, à seulement quelques kilomètres du Liban, avant d’être abattu par les forces de sécurité israéliennes », toujours selon i24.
Il semble que l’establishment militaire et sécuritaire israélien en est arrivé à cette conclusion en reliant l’explosion de la voiture et l’élimination de ce présumé terroriste plus tard. Pourtant aucune photo de cette élimination n’a été rendue publique.
Mais les zones d’ombres persistent, sur la manière dont il serait passé depuis le Liban, sur sa nationalité qui n’a pas été communiquée et sur ce qu’il projetait de faire.
Elles supposent qu’il « voulait mener deux attaques : l’une avec la bombe qu’il a placée au bord d’une route, et dont l’explosion a fait un blessé, et l’autre avec la ceinture explosive et l’arme qu’il portait sur lui », selon i24.
La Force intérimaire des Nations Unies (FINUL) a quant à elle assuré ce jeudi 16 mars « avoir vu des reportages dans les médias selon lesquels une personne s’est infiltrée en ‘Israël’ depuis le Liban, mais n’a observé aucun franchissement de la Ligne bleue (déterminée par les Nations Unies pour le retrait des forces d’occupation du Liban en 2000) ces derniers jours. »
Manoeuvre de Netanyahu
Des doutes subsistent sur les raisons de cette couverture médiatique si alarmiste qui a fait vivre les Israéliens sur leurs nerfs.
Des observateurs palestiniens et libanais soupçonnent une manœuvre médiatique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour détourner l’attention de l’opinion publique israélienne de ses revendications sur la réforme juridique contestée.
Le correspondant d’al-Manar Ali Shoeib a tweeté : « cet évènement sécuritaire n’a pas besoin d’autant de bruit et d’utiliser tous ces moyens de suspens et d’excitation ».
Et d’en déduire : « L’odeur de son exploitation et de détourner l’attention de l’intérieur se dégage de la couverture médiatique trompeuse. Le fait de diffuser l’hypothèse d’une infiltration depuis le Liban vise à préoccuper les colons ».
Le directeur du bureau de la télévision al-Mayadeen à Ramallah, Nacer Lahham a écrit quant à lui : « il y a une exagération sécuritaire israélienne dans le traitement de ce qui s’est passé au nord de la Palestine occupée pour fuir des manifestations ».
Protestant contre la réforme juridique soupçonnée de vouloir affaiblir le pouvoir juridique, elles en sont à leur dixième semaine. Leur marche a rassemblé moins de manifestants durant ces deux derniers jours, ont constaté les observateurs.
« L’auteur de l’opération est toujours vivant »
Dernière évolution qui devrait mettre à mal la version de l’armée israélienne : le Conseil révolutionnaire des « Forces d’al-Jalil – Loups solitaires », a démenti les déclarations sur l’infiltration de l’auteur de l’opération à partir du Liban.
L’auteur de l’opération de Megiddo est toujours vivant et se trouve dans un lieu sûr », a assuré le Conseil précisant que « l’opération a été documentée ».
Il est vrai que l’armée israélienne n’a pas publié de photos sur son élimination ou sa dépouille.
Source: Divers