La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une « campagne génocidaire » contre sa communauté et s’en est pris au pouvoir d’Ahmad al-Charaa (al-Chareh), au lendemain de combats confessionnels opposant combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir ayant fait plus de 70 morts près de Damas.
Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils à leur domicile » et réclamé « une intervention immédiate de forces internationales », selon l’AFP.
« Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (…) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés ». « Un gouvernement protège son peuple. »
Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite.
« Ces crimes de génocide n’ont pas reçu ce qui leur était dû de la part de la communauté internationale et de la justice », a déploré le religieux druze, rappelant que ces massacres ont été perpétrés « malgré les appels de détresse des gens ».
« Nous vivons la même expérience et demandons l’aide internationale au plus vite et immédiate », a-t-il insisté.
Le mois de mars dernier, Cheikh Hikmat al-Hajri avait décrit le gouvernement de Damas d' »extrémiste » rappelant qu’il est recherché par la justice internationale et assurant qu’il n’y a aucun accord ou consensus avec elle.
Des « groupes hors-la-loi »
Dans ce qui semble être une riposte à sa récente demande, le ministère de l’Intérieur a déclaré « qu’il refuse les ingérences étrangères dans ses affaires internes » assurant son engagement pour protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris les druzes.
« Les appels lancés par des groupes hors-la-loi en faveur d’une protection étrangère sont inadmissibles et illégitimes », a affirmé le ministère.
Les autorités syriennes avaient averti qu’elles « frapperaient d’une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie », accusant des « groupes hors-la-loi » d’avoir provoqué les violences.
74 tués en 48 heures
Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mohammad.
Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s’étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Mercredi aussi, 23 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d’après l’ONG.
Ce jeudi, l’OSDH indique avoir recensé 74 tués en 48 heures.
Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.
Déplacer les druzes
Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d’instrumentaliser les druzes de Syrie. « Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (…) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos », a-t-il déclaré fin mars.
Mercredi, Joumblatt s’est dit prêt à se rendre à Damas pour dialoguer et établir des bases claires pour les revendications des Druzes. Assurant qu’il faut rejeter l’ingérence israélienne, il a mis en garde contre des projets israéliens visant à déplacer les druzes de Syrie, dans le cadre d’un plan expansionniste en vue d’imposer de nouvelles réalités dans ce pays.
« Se trouver des alliés locaux »
Les combats communautaires de ces derniers jours ont été marqués par une ingérence israélienne qui a mené plusieurs frappes aux drones contre des objectifs du pouvoir syrien sous prétexte de prêter main forte à la communauté druze.
Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par al-Charaa, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les druzes.
Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.
« En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (…) », estime Michael Horowitz, un analyste indépendant, selon l’AFP.
Source: Divers