Des centaines de personnes ont manifesté samedi à Soueïda, dans le sud de la Syrie, pour dénoncer les violences intercommunautaires du mois dernier et réclamer l’autodétermination de cette province à majorité druze, a constaté un correspondant de l’AFP.
Les affrontements avaient éclaté le 13 juillet entre combattants druzes et Bédouins sunnites, avant de s’étendre avec l’intervention des forces gouvernementales et de volontaires venus d’autres régions.
Damas affirme que ses troupes sont intervenues pour mettre un terme aux heurts. Mais des témoins, des factions druzes et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) accusent les autorités d’avoir pris parti pour les Bédouins et commis des exactions contre les druzes.
Selon l’OSDH, les violences ont fait environ 1.600 morts, majoritairement des civils druzes.
« Soueïda libre » ou « Al-Jolani dégage », ont scandé les protestataires rassemblés sur l’une des principales places de Soueïda, en référence au président par intérim Ahmad al-Charaa connu jadis sous son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani lorsqu’il dirigeait le groupe inscrit sur la liste onusienne des organisations terroristes le front al-Nosra, la branche d’Al-Qaïda en Syrie.
« Le droit à l’autodétermination est un droit sacré pour Soueïda », proclamaient des pancartes, tandis que d’autres appelaient à l’ouverture d’un corridor humanitaire depuis la Jordanie voisine.
« Soueïda a pris position aujourd’hui (…) sous le slogan du droit à l’autodétermination », a affirmé à l’AFP Mounif Rachid, 51 ans. « Personne ne peut la blâmer car l’attaque qu’elle a subie était hors norme. »
Certains manifestants ont brandi le drapeau israélien, indique l’AFP.
« Indépendance et non une auto administration »
Dans un direct diffusé par un média local, une femme s’est adressée à la foule sous les applaudissements : « Nous ne voulons ni auto administration, ni fédéralisme. Nous voulons l’indépendance totale. »
« Nous sommes assiégés depuis plus d’un mois. Nous appelons la communauté internationale à ouvrir des corridors humanitaires », a renchéri Moustafa Sehnawi, un manifestant syro-américain.
Les habitants accusent les autorités d’imposer un blocus, ce que Damas dément en mettant en avant l’entrée de convois d’aide.
Le média Syr Doc a rapporté sur Telegram que cinq humanitaires qui acheminaient un convoi d’aide depuis Jeramana dans la province de Damas jusqu’à Soueïda, après avoir pris l’autorisation des autorités, ont été victimes d’une attaque le 11 août, sur leur chemin, en traversant le passage Basra al-Cham. Ils ont été arrêtés et les aides ont été confisquées.
Les médias d’Etat ont rapporté qu’un nouveau convoi était arrivé samedi, mais selon l’OSDH, l’autoroute reliant Damas à Soueïda reste coupée par des groupes armés pro-gouvernementaux qui empêchent la reprise des échanges commerciaux.
Massacre à Soueïda
Mercredi, cette province à majorité druze a été secouée par un massacre imputé aux éléments des forces du ministère de la Défense contre les membres de la famille Al Khatib dans le village Radima al-Lawa.
Le site Syr Doc avance que Marwan Al Khatib ainsi que son fils et sa belle-fille ont été tués pour des raisons communautaires. Le fils qui était armé avait tenté en vain de riposter à l’attaque menée contre leur maison.
L’épouse, les filles et les petites-filles ont été kidnappées avant d’être relâchées. La mère de famille assure avoir été contrainte sous la menace d’accuser les groupes affiliés au cheikh Aqel des druzes de Syrie, Hekmat al-Hijri d’être la cause de ce massacre. Elle assure que leur maison familiale a été incendiée et leur bétail pillé. Selon elle, leur enlèvement avait pour but de les échanger contre des éléments qui ont été enlevés par les groupes druzes.
Sur les réseaux sociaux, leur kidnappeur assure pour sa part avoir arrêté ces femmes et filles pour les faire soigner assurant les avoir restituées à leur famille « en préservant leur dignité ». Il a déclaré que « le problème ne réside pas avec les druzes de Soueïda mais avec les milices d’al-Hijari hors-la-loi qui suivent les sionistes ». Il n’a pas parlé de l’échange.
Jeudi, les groupes des tribus bédouines ont assuré avoir incendié le mausolée d’al-Khodor de la communauté druze à Soueïda. Selon le site SDS sur Telegram, cet acte est une riposte à une attaque contre le minaret de la Grande Mosquée dans la ville de Soueïda.
Feu sur le littoral: les autorités accusées
Les incendies qui ont eu lieu ces derniers jours dans les buissons dans la foret d’al-Ghab dans la province de Hama et la province de Jableh dans la province de Lattaquié et Dreikich dans la province de Tartous ont été l’occasion pour accuser les autorités syriennes de les avoir provoqué volontairement.
Le site Syr Doc assure que chaque fois que ces feux sont maitrisés par les habitants, qui ont accouru de tous les villages , ils reprennent de nouveau, accusant des éléments des forces de sécurité de les rallumer. Le site évoque images à l’appui que des drones sont envoyés pour mettre le feu dans ces buissons, accusant les autorités d’exécuter un plan visant les Alaouites, après les avoir massacrés et pillé leurs biens le mois de mars dernier.
Un élément du ministère de la Défense connu sous le sobriquet Abou al-Maych a publié sur les réseaux une vidéo dans laquelle il revendique les feux à Jableh. « Il était une fois une ville qui s’appelait Jableh, elle a été ravagée, elle est devenue un désert », a-t-il dit d’un ton moqueur. Il a été arrêté par le ministère de l’Intérieur, selon le site SDS.
Depuis les massacres de Soueïda, les forces régulières syriennes ont interdit les diffusions d’images ou de sonores qui revendiquent des attaques perpétrées, ont rapporté des sites.
Vendredi, le ministère de la Défense a mis en garde contre des tentatives de déstabiliser le littoral syrien, faisant état d’une escalade des attaques durant les dernières 72heures dans les deux provinces de Lattaquié et de Tartous. Il a accusé des éléments de l’ex-régime syrien d’avoir attaqué un véhicule militaire dans la province de Lattaquié. Un important déploiement des forces armées a été signalé.
Source: Divers