Le recours généralisé par Israël aux civils palestiniens comme boucliers humains à Gaza et en Cisjordanie est bien documenté. Selon certaines informations, dans le cadre du “mosquito protocol”, les soldats israéliens obligent les Palestiniens à inspecter bâtiments, tunnels et autres sites. Israël dément cette pratique, malgré des preuves de plus en plus nombreuses, notamment des témoignages de soldats israéliens eux-mêmes, qui affirment avoir recours à cette pratique, en partie pour éviter que les chiens de combat ne soient blessés ou tués. À Gaza, le recours d’Israël à des boucliers humains s’est généralisé.
Yahya Al-Qassas a interviewé dans une zone d’évacuation à Khan Younès Jameel al-Masri qui a été contraint de servir de bouclier humain pendant trois mois.
En octobre 2024, Jameel Al-Masri, un Palestinien de Beit Hanoun âgé de 63 ans, travaillait à l’Hôpital Indonésien alors que l’armée israélienne menait ce qu’on a appelé “le Plan des généraux”, une opération de nettoyage ethnique de larges secteurs de Gaza. Son travail consistait à aider les patients et leurs familles à se déplacer dans l’hôpital de la manière la plus sûre possible, une tâche rendue difficile, voire impossible, quand Israël a commencé à attaquer la zone autour de l’hôpital à la mi-octobre. Jameel et sa famille ont trouvé refuge à l’école El-Fawka.
Mais les troupes israéliennes ont assiégé l’école et ordonné à tous de partir vers le sud.
Il a été enlevé près du centre d’approvisionnement de l’ONU, lorsque les soldats israéliens ayant besoin d’un traducteur ont appris qu’il parle hébreu.
“Je suis employé à l’hôpital, je suis payé par l’Autorité palestinienne et je ne travaille même pas pour le gouvernement de Gaza. Avant, j’ai travaillé des dizaines d’années en Israël et je parle hébreu. Je n’ai rien à voir avec la politique”.
Après une semaine de coups, de cris, d’humiliations, ils l’ont sommé de travailler avec eux pour « vider toutes les écoles ».
“Vous allez rester encore un peu, puis vous rentrerez chez vous”. Une promesse faite des dizaines de fois. « Tous les deux ou trois jours, ils me faisaient la même promesse : “‘Ne t’inquiète pas. Dans une semaine ou dix jours, tu rentreras chez toi’ ».
La première école que Jameel a été contraint de faire évacuer se trouvait à Beit Hanoun. On lui a ordonné de se rendre à l’école, de mettre les civils déplacés en rang et de les faire sortir.
Puis les soldats l’ont forcé à entrer seul dans des maisons détruites et incendiées, vêtu de l’uniforme de l’armée israélienne, et de fouiller l’intérieur. Un drone planait au-dessus de lui, une voix lui indiquant où aller. Pendant qu’il visitait la maison, le drone filmait tout. Puis les soldats faisaient irruption, plaçaient des explosifs sur les poteaux de soutien et faisaient exploser la maison.
Il leur a demandé pourquoi ils lui ont donné un uniforme militaire. “Parce qu’on ne veut pas que le drone te tire dessus”.
L’unité militaire changeait tous les mois, mais Jameel est resté. Il a connu trois unités différentes. Il était leur instrument. Toutes les semaines ou toutes les deux semaines, il était traîné sur le terrain.
Les soldats étaient jeunes. À peine âgés d’une vingtaine d’années. Ils parlaient un arabe approximatif. Il se souvient de certains noms : Sion, Dany, Ido, Benjamin.
Même entre eux, ils étaient violents. Jameel les entendait crier, se moquer, se vanter. Parler avec désinvolture de tuer. “J’ai tiré sur ce type…J’ai tiré comme ça”.
Il entendait les soldats parler de leurs voyages en Thaïlande ou au Royaume-Uni après leur service, de Trump, d’un cessez-le-feu qui leur permettrait de rentrer chez eux.
Jameel était malade. Il avait des problèmes cardiaques, s’était fait poser un stent et était souvent essoufflé. Finalement, ils ont réalisé qu’il ne pouvait plus suivre et l’ont de moins en moins utilisé au cours des trois mois de sa captivité.
Durant tout ce temps, il n’a mangé qu’un bout de pain et une boîte de thon par jour. La première semaine, ils ne lui ont rien donné.
Jameel Al-Masri a été libéré le 20 janvier 2025, le premier jour du cessez-le-feu, après avoir été enlevé le 18 octobre 2024 dans le camp de réfugiés de Jabaliya. Même après avoir retrouvé sa famille, il n’arrivait toujours pas à y croire. “Il m’a fallu un mois entier pour oublier ce que je venais de vivre. Je me réveillais encore en pensant que j’avais été enlevé”.
Il souffre d’une hernie discale due aux coups infligés par les soldats. Il a été privé de ses médicaments contre l’hypertension. Après sa libération, les médecins ont constaté un rétrécissement de ses artères. Il est désormais sous traitement et son état physique s’est amélioré. Mais son esprit est toujours captif.
Après sa libération, Al-Masri est resté à Khan Younès malgré l’ordre de partir. Sa famille n’a pas trouvé d’autre lieu où se loger et n’a pas les moyens d’acheter une tente. Ils sont désormais hébergés dans une école.
Sources : Par Drop Site News, le 5 juin 2025 ; Traduit par Spirit of Free Speech (en résumé)