Les quatre ministres du duo chiite Hezbollah et mouvement Amal se sont retirés ce jeudi de la réunion du cabinet ministériel dans le palais présidentiel de Baabda, pour protester contre la décision prise par le Premier ministre de discuter la feuille de route de l’envoyé américain Tom Barrack.
Les quatre ministres Rakan Nasser Eddine, Ali Haidar, Tamara al-Zein et Fadi Maki avaient demandé de modifier le calendrier de la rencontre en changeant ses priorités et de corriger la décision prise par le gouvernement le mardi dernier en demandant à l’armée libanaise d’établir un plan afin de mettre en œuvre le désarmement de la résistance.
Haidar: « Une décision injuste pour mon peuple »
« Nous nous sommes retirés en raison de l’insistance à discuter de la feuille de route américaine », a précisé le ministre du Travail Mohamad Haidar.
Durant son intervention pendant la réunion ministérielle, Haidar a demandé de s’abstenir de parler de l’armement de la résistance avant le retrait israélien du Liban, la libération de tous les détenus libanais, l’arrêt des agressions israéliennes et la reconstruction.
Selon le quotidien libanais al-Akhbar, il a aussi invité les membres du gouvernement à « prendre une position unifiée de dignité, de logique et de responsabilité en mettant la pression sur le l’ennemi et non sur nos gens ».
« Je m’excuse mais je ne peux pas assumer la responsabilité d’une décision injuste envers mon peuple et je n’accepte pas que l’Etat abandonne les gens à leur sort », a-t-il déclaré avant de se retirer.
Le ministre Fadi Maki qui s’était abstenu de se retirer le mardi, en compagnie des trois autres ministres s’est retiré cette fois-ci.
Nasreddine: aucune garantie
Lors d’une interview télévisée, le ministre de la Santé Rukan Nasreddine a déclaré : « Nous avons reçu un nouveau document qui comprend de nouveaux éléments et des idées qui réduisent les droits des Libanais et soulèvent des doutes sur les intentions israéliennes, et nous avons averti que ces documents pourraient se transformer en une série sans fin, un troisième et un quatrième document, et personne ne garantit quoi que ce soit dans ce contexte. »
Il a expliqué que les ministres qui se sont retirés de la session l’ont fait après l’insistance du gouvernement à discuter des points présentés dans le document américain, malgré la demande de le reporter et de le renvoyer à un dialogue national inclusif dirigé par le Président de la République, comme indiqué dans la lettre de serment, sous le titre « Plan national de défense nationale ».
Un vote d’une réunion inconstitutionnelle
Après ce retrait qui sape la constitutionnalité de la réunion en l’absence d’une composante principale, les ministres présents ont voté à l’unanimité les objectifs généraux de la feuille de route américaine. Ce qui a été annoncé par le porte-parole du gouvernement le ministre de l’Information Paul Marqas.
Ce dernier a souligné que le Cabinet ne discuterait pas des détails et des suppléments liés au document américain, notant que ces détails seraient discutés dès la réception du plan de mise en œuvre que l’armée présenterait au gouvernement.
« Le Conseil des ministres a achevé l’examen du premier point de sa session et approuvé les objectifs énoncés dans l’introduction du document américain concernant la consolidation de l’accord de cessation des hostilités, à la lumière des amendements apportés par les responsables libanais. Nous attendons un plan de mise en œuvre de l’armée », a-t-il déclaré.
« Nous avons convenu de mettre fin à la présence armée sur tous les territoires, y compris celle du Hezbollah, et de déployer l’armée libanaise dans les zones frontalières », a-t-il aussi déclaré.
Il a indiqué que les ministres du tandem Hezbollah-Amal avaient assuré respecter le Déclaration ministérielle qui stipule l’exclusivité de l’armement au mains de l’Etat mais se sont opposés à la manière qui a été suivie.
Al-Khatib : Barrack a réalisé son but
Dans une première réaction, le vice-président du Conseil suprême chiite au Liban cheikh Ali al-Khatib a demandé au chef de l’Etat Joseph Aoun d’organiser un dialogue national d’entente en vue d’un règlement destiné à sortir le pays de cette crise.
« Barrack a réalisé son but de transposer la confrontation libano-israélienne en une confrontation interne au sein du gouvernement», a-t-il affirmé.
Selon lui, la décision prise par le gouvernement « retire les Israéliens du cercle des accusations portées devant l’opinion publique internationale selon lesquelles ils n’appliquaient pas l’accord et empêchaient le déploiement de l’armée libanaise sur tout le territoire libanais au sud du fleuve Litani, comme le stipule la résolution internationale. »
ROM : Une mesure dangereuse
Pour sa part, Le Rassemblement des Oulémas musulmans (ROM) a déclaré que « le gouvernement a pris une mesure dangereuse en adoptant une décision qui prive le Liban de sa force la plus importante ».
« Les Libanais espéraient que l’autorité de la nouvelle ère libanaise prendrait des décisions qui renforceraient leur confiance et assureraient leur protection, en paroles comme en actes, et que sa priorité absolue serait d’empêcher les attaques israéliennes quotidiennes contre le Liban, qui violent les résolutions internationales et s’en moquent », a regretté cette association qui comprend des chefs religieux sunnites et chiites dans un communiqué.
Bassil : soumission à l’étranger
Le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil a qualifié de « honteux » ce qui s’est passé au Conseil des ministres.
« Ils auraient dû au moins sauver les apparences en adoptant une feuille de route qui soit libanaise, non américaine ni syrienne ni de tout autre pays », a-t-il tweeté sur X.
« Nous sommes nés au cœur de la légitimité et de l’armée libanaise et nous avons toujours réclamé l’exclusivité de l’armement mais nous voulons que cette décision revienne à l’Etat exclusivement. Nous ne pouvons que nous lamenter lorsque nous voyons cette soumission à l’étranger », a-t-il ajouté.
Source: Divers