De nombreux Kurdes d’Irak ont salué comme historique l’annonce d’un référendum sur leur indépendance mais le chemin de l’autodétermination sera long même si le « oui » devrait largement l’emporter en septembre.
La présidence du Kurdistan irakien a « franchi le Rubicon » en fixant la semaine dernière la tenue le 25 septembre de ce référendum malgré l’opposition de Bagdad, estime Hoshyar Zebari, un ancien ministre des Affaires étrangères.
Cette annonce survient dans un contexte délicat pour la région autonome du nord de l’Irak avec la poursuite de la guerre contre le groupe wahhabite terroriste Daesh (Etat islamique-EI), l’accueil de plus d’un million de déplacés et le marasme économique lié notamment à la chute des prix du brut.
Peuple d’origine indo-européenne réparti principalement dans quatre pays (Turquie, Irak, Iran et Syrie), les Kurdes ont longtemps souhaité avoir leur propre Etat mais ce rêve s’était brisé à la fin de la Première Guerre mondiale.
Le référendum du 25 septembre ne sera pas contraignant mais il déclenchera le processus d’indépendance. Toutefois pour que le projet d’Etat soit viable, les Kurdes devront surmonter une série de défis économiques et sécuritaires mais aussi mettre un terme à leurs divisions internes et obtenir la reconnaissance à l’étranger.
Ce projet suscite déjà l’opposition de Bagdad et des pays voisins comme la Turquie et l’Iran, qui comptent une importante minorité kurde et craignent qu’il ne fasse tache d’huile chez eux.
Obstacles
« Les deux plus gros obstacles à un Kurdistan indépendant sont la question des frontières avec l’Irak et la reconnaissance internationale », souligne l’expert Nathaniel Ribkin.
« Si un accord n’est pas trouvé avec Bagdad sur les frontières, de nombreux pays hésiteront à reconnaître une déclaration unilatérale d’indépendance », explique M.Ribkin, rédacteur en chef du bulletin spécialisé Inside Iraqi Politics.
Bagdad a souligné la nécessité de respecter la Constitution et réaffirmé son attachement à l’intégrité territoriale de l’Irak.
Le puissant voisin turc a qualifié le référendum de « grave erreur » et son opposition est susceptible de mettre en péril la viabilité d’un éventuel Etat kurde. Le Kurdistan irakien tire en effet ses principales recettes de l’exportation du pétrole et celle-ci se fait via un oléoduc arrivant au port turc de Ceyhan.
L’Iran a lui estimé que le référendum « pouvait seulement conduire à de nouveaux problèmes », alors que des heurts épisodiques opposent ses forces de sécurité à des rebelles kurdes dont les bases arrière sont en Irak.
Pour sa part, Washington, à la fois allié à Bagdad et aux Kurdes, a exprimé son opposition au timing du référendum tout en ayant à plusieurs reprises affirmé son soutien au principe d’autodétermination.
« Sans des garanties de sécurité solides de la part des Etats-Unis, un Kurdistan indépendant ne pourrait survivre », prévientAmberin Zaman, du Wilson Center aux Etats-Unis.
Divisions
Mais les quelque cinq millions de Kurdes irakiens divergent aussi sur l’opportunité du référendum alors que la région est dans une impasse politique.
Massoud Barzani, élu président du Kurdistan en 2005, a vu son mandat arriver à échéance en août 2015, mais il est resté au pouvoir malgré les critiques de l’opposition. Le Parlement de la région a été suspendu en 2015.
L’administration de M. Barzani peine à payer les fonctionnaires et est confronté à une forte opposition, notamment de deux partis pour qui un référendum ne peut avoir lieu avant des élections parlementaires et présidentielle.
« Le référendum pourrait constituer une bouée de sauvetage pour les partis au pouvoir », souligne Yerevan Saeed, expert à l’Arab Gulf Institute. Mais « sans l’unité des Kurdes, il ne peut y avoir de chemin viable vers l’indépendance », avertit-il.
Face à de tels défis externes et internes, des observateurs estiment que les perspectives d’indépendance pourraient favoriser le rapprochement entre les différents acteurs kurdes. « Ils devront enterrer la hache de la guerre » pour « faire en sorte que ce rêve d’un grand nombre de Kurdes devienne réalité », souligne Amberin Zaman.
Source: Avec AFP