Alep, côté Ouest
Alep ville martyre. Notre ville fait la Une des journaux télévisés et de la presse écrite depuis 2 semaines. Les habitants d’Alep se passeraient de cette renommée d’autant plus que leurs souffrances ne datent pas d’hier.
Bien qu’elle ait débuté en mars 2011 en Syrie, la guerre n’a vraiment atteint la ville d’Alep qu’en juillet 2012 quand les « rebelles » armés ont occupé quelques quartiers à l’Est de la ville provoquant un déplacement de 500 000 personnes qui ne voulaient pas vivre sous le contrôle des islamistes.
Depuis, la ville est divisée en deux parties : la partie Est qui représente 25% de la superficie et qui ne compte plus aujourd’hui que 200 000 habitants – les autres habitants se sont réfugiés [à l’arrivée des groupes armés, ndlr] dans la partie Ouest d’Alep sous la protection de l’Etat syrien, ce qui représente 75% de la superficie et compte un million et demi de perso
nnes.
Depuis 2012, les rebelles islamistes lancent quotidiennement des obus de mortiers et des bonbonnes de gaz remplies de clous et d’explosif sur les quartiers d’Alep causant des décès et des blessés graves. De plus, ils ont coupé l’approvisionnement en eau de la ville depuis 2 ans (les autorités ont dû forer 300 puits en pleine ville pour remplacer l’eau courante) ; et ont aussi arrêté l’alimentation de la ville en électricité. Ils ont à plusieurs reprises imposé le blocus d’Alep-Ouest avec l’arrêt du ravitaillement de la ville en produits alimentaires, essence, fioul etc. provoquant des pénuries très graves.
De son côté, l’armée arabe syrienne aidée par ses alliés, cherche depuis 4 ans à libérer Alep-Est du contrôle des rebelles armés et de ramener ce territoire sous l’administration de l’Etat syrien sans succès. De part et d’autre, les bombardements et les snipers ont fait des milliers de victimes et la vie à Alep, depuis 4 ans, est devenue un enfer.
Il y a un mois, les rebelles armés ont pris le contrôle de la seule route qui relie Alep-Ouest au reste du monde empêchant, comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans le passé, les habitants de quitter la ville ou d’y rentrer et causant une pénurie grave. Après 3 semaines de combat, les troupes gouvernementales ont repris la route et ont assiégé les quartiers Est. Depuis 2 semaines, les rebelles sont encerclés à Alep-Est avec ce qui reste d’habitants qui n’ont pas pu ou voulu quitter cette zone.
L’Etat Syrien est déterminé cette fois-ci à libérer une fois pour toutes Alep-Est des mains des terroristes d’Al-Nosra qui occupent les quartiers Est (Al-Nosra est considéré unanimement par la communauté internationale comme groupe terroriste au même titre que Daesh).
Comme l’armée syrienne a finalement pu encercler la partie rebelle d’Alep, elle utilise les bombardements aériens et les combats terrestres pour atteindre son objectif.
Auparavant, elle a lancé des tracts et envoyé des messages SMS demandant à la population civile restante – la majorité a quitté Alep-Est au fil des ans – de partir et de venir se réfugier dans Alep-Ouest. Elle a ouvert 7 points de passage et beaucoup en ont profité, au péril de leurs vies. Parce que les groupes armés ne les laissent pas quitter voulant s’en servir comme bouclier humain. Ces actes de guerre font naturellement beaucoup de victimes parmi les terroristes et aussi dans la population.
D’un autre côté, les terroristes d’Alep-Est ont intensifié leurs bombardements des quartiers civils d’Alep-Ouest faisant des dizaines de victimes tous les jours. Mercredi 28 septembre, un déluge d’obus et de bonbonnes tombent sur le quarti
er chrétien d’Azizié faisant dix morts et le double de blessés. Aujourd’hui vendredi 30 septembre, tous les quartiers d’Alep sont la cible des rebelles avec pour le moment un bilan très lourd : 36 morts et beaucoup de blessés graves.
Les médias en Occident ne montrent que des images d’Alep-Est avec les destructions, les souffrances des personnes et l’indignation de la communauté internationale. Par contre, rien n’est dit sur les souffrances des habitants d’Alep-Ouest, leurs morts et blessés des suites des bombardements lancés par les rebelles.
Les chrétiens d’Alep habitaient depuis toujours les quartiers du centre-ville et de l’Ouest de la ville. En 5 ans de guerre, les trois-quarts des chrétiens ont pris le chemin de l’exode et il ne reste plus actuellement que quarante milles chrétiens à Alep. Les bombardements des derniers jours les ont particulièrement atteints.
Les habitants d’Alep-Ouest dans leur immense majorité applaudissent des deux mains l’offensive de l’armée arabe syrienne. Ils ont beaucoup souffert depuis 4 ans des coupures de l’eau, de l’électricité, du blocus à maintes reprises et des obus de mortiers qui ont fauché tous les jours leurs femmes, leurs maris, leurs enfants et leurs amis et poussé à l’exode la moitié de la population. Ils pensent qu’il est du devoir d’un Etat de protéger sa population et de libérer ses villes.
De notre côté, nous refusons les actes de guerre inhumains, nous dénonçons les crimes de guerre, n
ous sommes révoltés par toutes les souffrances mais nous sommes aussi indignés par le traitement partial et biaisé de la guerre d’Alep par les médias.
Tous les Syriens et particulièrement les Aleppins n’aspirent qu’à la paix. Ils ont la nostalgie de leur beau pays, stable, sûr, prospère et laïc d’avant la guerre. Personne ne veut vivre sous un régime islamiste et tout le monde veut que cette guerre – qui a fait 300 000 victimes, le double de blessés et d’amputés, 8 millions de déplacés, 3 millions de réfugiés pour une population de 23 millions [près de 9 millions de Syriens se sont enfuis dans les zones contrôlées par le gouvernement, ndlr] – s’arrête par un processus politique et négocié.
Par Nabil Antaki
Photos: Quartiers d’Alep-Ouest bombardés depuis les postions « rebelles » qui occupent par la force des quartiers d’Alep-Est
Photo une: La ville d’Alep vue depuis l’Ouest avant l’arrivée des djihadistes
Source: Témoignage Chrétien. (le 6 octobre 2016).