Les néoconservateurs de l’administration Trump, le secrétaire d’État Mike Pompeo, le conseiller en sécurité nationale John Bolton et l’envoyé pour la Syrie James Jeffery s’empressent de sauver leurs plans pour la Syrie dont le président Trump s’est débarrassé en ordonnant une retraite complète.
Ces projets concernaient une occupation permanente du nord-est de la Syrie par les États-Unis, la réduction de l’influence iranienne dans les parties du pays tenues par le gouvernement syrien et l’élimination finale du gouvernement syrien du président Assad par le biais de négociations. Ces objectifs étaient utopiques et n’avaient aucune chance d’être atteints.
De plus, Trump n’a jamais approuvé ces idées. En avril, il avait annoncé qu’il souhaitait que les troupes américaines quittent la Syrie. Il a donné six mois à son personnel pour y parvenir. Mais au lieu de suivre ses ordres, Pompeo et Bolton ont essayé de mettre en œuvre leurs propres plans :
Vers la fin de l’année dernière, certains des conseillers faucons du président ont rédigé un mémorandum engageant les États-Unis à une présence à long terme en Syrie, qui incluait notamment les objectifs d’une défaite durable de État islamique, d’une transition politique et de l’expulsion de l’Iran, ont annoncé des responsables. Le président n’a pas signé le mémo qui lui a été présenté il y a quelques semaines.
En fait, Trump avait prévenu ses assistants pendant des mois qu’il voulait quitter la Syrie rapidement. …
Le plan de Bolton sur l’Iran n’a jamais vraiment été effectif au Pentagone, où les responsables n’ont pas officiellement pour rôle de créer une nouvelle mission en plus de l’opération contre État islamique. De même, les responsables militaires ont estimé que l’expansion de l’Iran en Syrie posait problème, mais ils se sont montrés sceptiques, suite à l’absence de justification légale claire pour une action militaire offensive contre les forces soutenues par l’Iran.
Trump a reconnu que ces plans étaient insensés et a ordonné d’y mettre fin. Au cours de ce processus, il a eu une idée plutôt fantaisiste : remettre la Syrie du nord-est à la Turquie pour lutter contre un État islamique déjà vaincu. La Turquie ne veut pas le nord-est de la Syrie. Elle ne veut pas risquer une guerre sanglante contre les Kurdes qui serait nécessaire pour maintenir une telle occupation.
La seule solution appropriée consiste à rendre le contrôle du nord-est de la Syrie (en jaune) au gouvernement syrien (en rouge). Damas désarmerait les Kurdes ou les intégrerait dans son armée nationale. Ils seraient sous contrôle et ne constitueraient plus une menace pour la Turquie. Tout le monde pourrait vivre avec une solution aussi simple.
Tout le monde sauf les néo-conservateurs.
Aujourd’hui, le conseiller à la sécurité nationale, Bolton, se rend en Israël pour concocter de nouveaux plans :
Un responsable de l’administration Trump a déclaré aux journalistes voyageant avec Bolton que celui-ci avait l’intention de discuter du rythme du retrait, ainsi que du niveau des troupes américaines dans la région. Bolton était censé expliquer que certaines troupes américaines basées en Syrie pour combattre EI se rendront en Irak avec la même mission et que certaines forces américaines pourraient rester dans une base militaire clé à al-Tanf, dans le sud de la Syrie, pour contrer l’activité croissante de l’Iran dans la région.
Bolton devait également faire passer le message que les États-Unis soutiendraient fermement les frappes israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie, …
Je parie que ni l’un ni l’autre de ces points n’a été approuvé par Trump. La publication de ces idées est une autre tentative de Bolton pour faire passer sa politique personnelle au premier plan.
Erdogan, invité par Trump à s’emparer du nord-est de la Syrie, mais ne voulant pas le faire, a soulevé des exigences que les États-Unis ne satisferont probablement pas :
La Turquie demande aux États-Unis de lui fournir un soutien militaire substantiel, notamment des frappes aériennes, des moyens de transport et de la logistique, afin de permettre aux forces turques d’assumer la responsabilité principale du combat contre les militants de État islamique en Syrie, ont déclaré de hauts responsables américains.
Les demandes turques sont si vastes que, si elles étaient pleinement satisfaites, l’armée américaine pourrait renforcer son implication en Syrie au lieu de la réduire, ont ajouté les responsables.
Bolton se rendra ensuite à Ankara pour discuter des projets turcs :
Parmi les participants il y aura le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, le général Joe Dunford, chef de l’État-major interarmes et James Jeffrey, envoyé du département d’État pour la Syrie.
Un responsable américain a déclaré qu’il était peu probable que l’administration fournisse tout le soutien militaire recherché par les Turcs, en particulier le soutien aérien.
Sans soutien aérien américain, Erdogan ne peut pas attaquer le nord-est de la Syrie. La force aérienne turque est faible. Beaucoup de ses pilotes expérimentés ont été licenciés pour soutien présumé et implication dans le coup d’État contre Erdogan. L’armée de l’air est incapable de fournir le soutien nécessaire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dont ses soldats auraient besoin. Il y a aussi des conflits au sein du commandement de l’armée turque. S’il ordonnait une attaque, Erdogan n’irait que pour les zones kurdes situées le long de la frontière nord, pas pour État islamique. C’est encore quelque chose que les États-Unis ne veulent pas du tout :
De nombreux experts et responsables craignent également que les Turcs ne prennent pour cible les combattants kurdes qui, depuis longtemps déjà, apportent un soutien solide aux États-Unis dans la campagne contre les militants de l’État islamique et ont subi des pertes considérables en vies humaines.
Pour essayer de diminuer ces risques, M. Jeffrey, l’envoyé du Département d’État, cherche à conclure avec les Turcs un accord leur permettant de pénétrer dans le nord de la Syrie tout en évitant les zones essentiellement kurdes, déclarent des responsables américains familiarisés avec ces plans.
M. Jeffrey et son équipe du département d’État ont créé une carte codée en couleurs du nord-est de la Syrie dans le but de négocier un plan de partage du pouvoir qui pourrait éviter un combat coûteux entre turcs et kurdes dans la région. … Un ancien responsable américain a décrit la carte comme du “Sykes-Picot sous LSD”, …
L’idée est délirante. Il n’y a pas de frontières entre Kurdes, Arabes et autres ethnies dans le nord-ouest de la Syrie. Les populations sont mélangées. Seuls les pourcentages ethniques varient d’une ville à l’autre. La mise en œuvre de cette idée mènerait à un nettoyage ethnique et à une guerre éternelle.
Les Kurdes ne veulent plus suivre les directives américaines.
M. Jeffrey a demandé au général Mazloum Abdi, commandant kurde des combattants syriens, de s’abstenir de tout accord avec le gouvernement du président Bashar al-Assad pendant que l’administration Trump tente de développer sa stratégie.
“Allez vous faire foutre” a dit le général Abdi, alors que les Kurdes continuent à négocier [avec Damas] :
Les dirigeants kurdes syriens souhaitent obtenir un accord politique, grâce à la médiation russe, avec le gouvernement du président Bashar Assad, indépendamment des plans américains pour se retirer de leur région, a déclaré à Reuters un haut responsable kurde.
L’administration dirigée par les Kurdes qui gère une grande partie du nord de la Syrie a présenté une feuille de route pour un accord avec Assad lors des récentes réunions en Russie et attend la réponse de Moscou, a déclaré Badran Jia Kurd, qui était présent.
Un accord entre les Kurdes et le gouvernement syrien “est inévitable”, a déclaré un haut responsable de l’armée kurde. Les États-Unis se sont à nouveau révélés peu fiables et les Kurdes n’ont nulle part où aller.
Aucun des nouveaux plans et idées présentés par Bolton n’a de sens. Il est peu probable qu’ils aient la bénédiction de Trump. Bien que le retrait américain du nord-est de la Syrie puisse être retardé d’un mois ou deux, cela se poursuivra probablement.
La semaine dernière, de nouveaux développements ont eu lieu dans le gouvernorat d’Idleb. Idelb est en grande partie dirigé par l’organisation Hayat Tahrir al Cham (HTC), membre d’al-Qaïda, anciennement Jabhat al-Nusra. Il existe également de nombreux autres groupes sous contrôle turc. Mais la Turquie a récemment transféré un grand nombre de ces combattants pour attaquer la ville de Manbij, près de l’Euphrate, détenue par les Kurdes avec le soutien américain. Cette attaque a été stoppée lorsque l’armée syrienne a pris le contrôle de la région.
Alors que les groupes soutenus par la Turquie à Idleb étaient affaiblis, HTC a profité de l’occasion pour renforcer son contrôle. Lundi, HTC (en gris sur la carte) a attaqué les zones à l’ouest d’Alep qui étaient tenues par Nour Eddine al-Zenki, groupe autrefois soutenu par la CIA et devenu «célèbre» lorsqu’en 2016, certains de ses combattants ont publié une vidéo dans laquelle ils décapitent un garçon âgé de dix ans, et malade, sans raison valable.
Au cours des cinq derniers jours, au moins cent trente personnes ont été tuées dans les combats à Idleb. Zenki a été éliminé de la zone qu’il occupait (en gris) et ses derniers combattants se sont enfuis dans le nord du canton d’Afrin, sous le contrôle de l’armée turque. HTC a pris le contrôle des armes lourdes de Zenki, dont quatre chars.
HTC contrôle désormais toutes les zones voisines de la Turquie ainsi qu’Afrin contrôlée par les turcs. Il a lancé des ultimatums à d’autres groupes à Idleb et exigé un contrôle accru des villes de Maarat al-Nu’man et Ariha, situées au sud du gouvernorat. Comme aucun des autres groupes ne peut résister à HTC, il sera probablement bientôt en mesure de contrôler ces villes. Les prendre donne à HTC le contrôle complet des autoroutes M4 et M5. Le contrôle des autoroutes peut être utilisé pour générer des revenus et constituer un atout lors des négociations futures.
L’accord d’Astana entre la Russie et la Turquie prévoyait, en ce qui concerne Idelb, que HTC serait repoussé à 25 km des zones contrôlées par le gouvernement. Les autoroutes M4 et M5 seraient rouvertes au trafic. La Turquie était censée mettre en œuvre et garantir ces points. Aucun n’a été atteint. Les soldats turcs postés dans six postes d’observation autour du gouvernorat d’Idleb sont les otages de HTC. La Turquie n’ayant pas tenu ses promesses, la Syrie et la Russie ont le droit d’ignorer l’accord, d’attaquer HTC et de libérer Idleb.
Le fait que la Turquie ait échoué à Idleb augmente les chances de la voir s’abstenir d’une invasion du nord-est de la Syrie. Ses positions militaires en Syrie sont déjà en difficulté. Pourquoi ajouter encore au désordre ?
Sources : Moon of Alabama ; Traduit par le Saker francophone