Qui décide de la politique étrangère en Iran : cette question s’est avérée judicieuse sur fond des désaccords qui ont fait surface ces dernières semaines, lorsque le chef de la diplomatie Mohamad Jawad Zarif a présenté sa démission.
S’agissant des causes réelles d’une telle décision, d’aucuns insistent pour dire qu’elles divergent de celles qui ont été avancées par les médias. A savoir que M. Zarif n’a pas été invité à la rencontre organisée par le guide suprême, l’Imam Ali Khamenei avec le président syrien Bachar al-Assad. Ni à celle organisée par le président cheikh Hassan Rohani. N’empêche que cette occasion a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dans les deux situations, c’est le général Qassem Suleimani, le chef de l’unité Al-Quds du Corps des gardiens de la révolution qui était présent.
Ce n’est pas par hasard que ce soit lui qui a choisi de répondre en personne aux interrogations des médias sur cette politique étrangère, assurant qu’elle revient de droit à M. Zarif. Et ce n’est par hasard non plus que le chef de la diplomatie iranienne a choisi de faire éclater les divergences accumulées sur ses prérogatives dans la confection de la politique extérieure de son pays. D’autant qu’il se sentait concurrencé par d’autres institutions et personnages de l’appareil d’Etat iranien.
Malgré le fait que ce dernier a renoncé à sa démission, mais « il n’a obtenu aucune garantie supplémentaire sur une part plus importante dans la confection de la politique étrangère iranienne », estime l’expert politique iranien Hussein Riourane, cité par al-Akhbar. Selon lui « la structure interne iranienne n’a pas changé pour que Zarif puisse les obtenir. Ni la loi iranienne n’a changé, ni les centres de décision du pays non plus ».
Dans la Constitution iranienne, un chapitre à part entière est réservé à la politique étrangère iranienne. Il dicte entre autre les prescriptions suivantes : «s’abstenir de toute forme d’autoritarisme ou de toute soumission à l’autoritarisme, la préservation de l’indépendance totale et de l’unité du territoire national, la défense des droits de tous les musulmans ; la neutralité face aux puissances autoritaires, l’établissement de relations pacifiques avec les Etats non belliqueux».
Dans d’autres clauses, ce sont les interdits dans cette politique qui sont formulés : entre autre « l’interdiction de conclure des accords qui puissent permettre le contrôle étranger des ressources naturelles, économiques, culturelles, militaires et d’autres affaires de l’Etat ».
Un chapitre fait également allusion au rôle iranien à l’étranger. Il est rendu légitime, sans qu’il ne soit limité par un mécanisme prédéterminé ni dans un endroit précis. « La République islamique d’Iran soutient la lutte légitime des opprimés contre les arrogants dans n’importe quel endroit du monde », est-il prescrit. Mais ce soutien doit être régi par « la non-ingérence dans les affaires internes des autres pays », stipule aussi la même clause.
Al-Akhbar constate que l’exercice de cette politique extérieure de l’Iran n’est attribué dans les textes à aucune instance déterminée du pays. « Les décisions de l’Iran ne peuvent se cantonner au ministère des Affaires étrangères et ce dernier ne peut en aucun cas se substituer au Conseil de la sécurité nationale », commente M. Riourane, selon lequel ce dernier est « le centre principale des décisions iraniennes ».
Il est d’autant plus influent qu’il regroupe en son sein les chefs des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que le chef de l’état-major de l’armée, le responsable de la planification et du budget, en plus du ministre concerné par le sujet traité lors de ses réunions.
La Constitution iranienne ne précise pas le mécanisme de prise des décisions dans cette instance, mais il revient de droit au guide suprême de les ratifier. «Ce sont les positions du guide de la révolution qui ont le dernier mot dans les stratégies et les grandes lignes », explique le rédacteur en chef de l’édition arabophone de l’agence iranienne Mehr news, Mohammad Mazhari pour al-Akhbar. Concernant la politique étrangère, »le ministère en question se doit d’exécuter les politiques qu’il a définies. Et le ministre peut seulement interagir dans les tactiques et la manière de manier ces questions qui importent l’Iran sur le plan extérieur », poursuit-il.
Dans certains cas, cette politique étrangère s’illustre par une présence militaire et sur le terrain, comme c’est le cas pour la Syrie. C’est alors que la perception militaire et sécuritaire prend le dessus, et avec le rôle de trois instances, les gardiens de la révolution, l’armée et les renseignements. Au dépens de celui ministère des Affaires étrangères.
Selon M. Mazhari : « l’Iran œuvre pour dans l’application de ses politiques pour doubler la vision révolutionnaire avec celle de l’Etat… la première orientation de la politique étrangère iranienne est basée sur une vision révolutionnaire de la République islamique et du guide de la révolution, dans laquelle s’active la brigade al-Quds sous la direction du général Qassem Souleimani. A travers cette vision, l’Iran tente de réaliser ses objectifs révolutionnaires qui s’illustrent par la résistance à l’hégémonie occidentale, et dans certains cas, cette vision dépasse les limites diplomatiques qui relèvent de la deuxième face de la politique étrangère laquelle place les objectifs nationaux iraniens à la tête de ses priorités et tente de les appliquer dans les couloirs internationaux ».
C’est ainsi que M. Zarif et M. Souleimani se relaient et se complètent dans l’exercice de ces deux faces de la politique étrangère de la RII. Le premier avec son sourire charismatique et l’autre avec sa figure austère.