Le chef des services secrets turcs Hakan Fidan pourrait être en danger. Le journal israélien Makor Rishon a publié un article traçant un parallèle entre Hakan Fidan et le général iranien Qassem Soleimani, tué par des raids américains, en indiquant que «tous les deux menaient des guerres hybrides en Irak et en Syrie ».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, lors de son récent discours devant la fraction parlementaire du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, a exprimé non seulement son désaccord avec le plan de paix pour le Proche-Orient proposé par le président américain Donald Trump, mais il a également annoncé qu’actuellement « les États-Unis me menacent moi, le chef du renseignement de notre pays et certains établissements financiers de la Turquie ». Mais, dit-il, « ils n’y arriveront pas quoi qu’ils fassent ».
Recep Erdogan n’a pas précisé quelles étaient les reproches des Américains à son égard. Il faut croire que le président, en tant que chef d’État, dispose d’une quantité suffisante de renseignements et sait de quoi il parle. Les médias rapportent seulement des menaces visant les membres de son gouvernement de bloquer leurs comptes aux États-Unis, d’adopter des sanctions contre certains établissements du pays, ce qui est lié davantage à la décision d’Ankara d’acheter à la Russie ses systèmes antiaériens S-400. De plus, la presse fait parfois allusion à l’éventualité que Recep Erdogan se fasse écarter du pouvoir suite à des manœuvres politiques en coulisses. Selon la revue américaine Foreign Policy, « la Turquie, plus exactement Erdogan, cause des problèmes à Washington depuis assez longtemps ». D’après un diplomate occidental, « on a l’impression de voir un crash aérien au ralenti ».
Mais le président s’est déjà habitué à ce genre d’attaques médiatiques. Ce qui n’est pas le cas du chef du renseignement turc Hakan Fidan. Le journal israélien Makor Rishon proche du camp religieux de droite, a publié un article écrit par Pazit Rabin intitulé « Sultan et Soleimani », proférant des menaces ouvertes envers Hakan Fidan. Le journal souligne : « Étant donné que maintenant Soleimani est mort et enterré, l’heure est venue de prêter attention au chef du renseignement national turc Hakan Fidan », car « il ressemble à Soleimani en termes de méthodes de travail ».
Salih Muslim Muhammad, ancien coprésident du parti kurde PYD et chef de l’administration autonome kurde du Nord-Est de la Syrie, ajoute que « Soleimani était proche de la Turquie » et que « Fidan et Soleimani entretenaient des relations étroites et avaient des plans communs » qui « étaient réalisés en coordination avec Soleimani ».
Hakan Fidan avait déjà fait l’objet de menaces. Il suffit de rappeler l’histoire résonnante de 2011 quand David Ignatius, expert du Washington Post, a annoncé que le renseignement turc avait transmis aux services secrets iraniens des informations sur dix Iraniens qui travaillaient avec des agents du Mossad israélien et les avaient rencontrés en Turquie. Cette histoire fut difficilement étouffée, mais le nom de Fidan a commencé à être cité plus souvent dans les médias dans le contexte de son influence grandissante sur Erdogan pour la prise de ses décisions clés en politique nationale et étrangère. On attribue également au chef du renseignement turc l’initiative de l’annulation de l’accord de coopération avec le Mossad de 1958, qui accordait aux Israéliens une liberté d’action depuis le territoire turc en direction de l’Iran.
C’est la raison pour laquelle la publication du Makor Rishon, tout comme les thèses similaires dans le média américain Intercept, ont été prises très au sérieux par Ankara, en estimant qu’elles proviennent de sources qui méritent confiance. La Turquie pense, qu’après Qassem Soleimani, une « marque noire » a été envoyée à Hakan Fidan contenant une « menace directe à sa vie », selon le quotidien Daily Sabah.
Certains initiés notaient évidemment que pratiquement tous les contacts de travail de Recep Erdogan avec Washington avaient lieu via le chef du renseignement, mais son identité n’était pas médiatisée. Sachant que Hakan Fidan n’a pas pour habitude de s’afficher. Son nom a retenti après la répression du putsch militaire dans la nuit du 14 au 15 juillet 2016 en Turquie, où il avait joué un rôle majeur pour neutraliser les généraux turcs pro-occidentaux.
Aujourd’hui, quand le Times écrit « qu’Erdogan est devenu trop imprévisible pour l’Occident », une tentative est entreprise pour discréditer le chef du renseignement turc Fidan en tant que « celui qui ne mérite pas la confiance de l’Occident ».
D’ici là les États-Unis ont suspendu le programme secret d’opérations de reconnaissance conjointes à l’aide de drones en montagne dans le Nord de l’Irak près de la frontière turque, auquel la Turquie participait. Nous verrons quelle sera la suite.
Source: Observateur continental