Les ingérences et les pressions étrangères sont au plus fort en ces moments de crise économique et financière aiguë au Liban. Trois pays sont les plus visibles : les Etats-Unis, la France et la Turquie. Appartenant tous les trois à l’Otan, on ne sait s’ils se complètent ou sont en rivalité. Surtout lorsqu’il s’agit d’Ankara qui semble parfois faire chambre à part. Mais ils semblent toutefois s’activer différemment.
Message dur de Shea à Diab
Les plus insolents sont sans aucun doute les Américains avec leur ambassadrice Dorothy Shea qui met les bouchées doubles ces temps-ci, enfreignant aux règles diplomatiques.
Bataillant pour écarter le Hezbollah de la vie politique, auquel elle lui a imputé arbitrairement les causes de la crise, elle a été mise au pas par un juge libanais pour les affaires courantes de la ville de Tyr pour ingérences dans les affaires internes.
Elle a depuis changé de ton sans changer de but.
Via des parties tierces, elle a de nouveau adressé des messages durs au Premier ministre libanais Hassan Diab l’accusant d’exécuter l’agenda du Hezbollah dans le gouvernement.
Ses messages ont doublé d’intensité depuis que les positions officielles du gouvernement laissent transparaitre une volonté de s’ouvrir sur les propositions chinoise et irakienne, ont fait part des sources informées au quotidien libanais al-Akhbar.
Rencontres chinoise et irakienne de Diab
La semaine passée, M. Diab a accueilli l’ambassadeur de Chine au Liban qui a confirmé les déclarations du secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah sur l’intention de Pékin d’investir 12 milliards de dollars dans des secteurs de l’électricité, des chemins de fer et de réseaux routiers.
Il a aussi accueilli le ministre irakien de l’énergie qui a assuré que son pays est prêt à troquer son pétrole contre des marchandises et des produits libanais.
Les deux propositions chinoise et irakienne permettront de réduire les effets de la crise économique et financière qui ravage le Liban et qui est due aux politiques économiques qui ont été adoptées depuis la fin de la guerre civile. En raison de l’embargo américain responsable de l’assèchement du marché libanais du dollar, assorti aux spéculations diligentées par certains changeurs locaux, la livre libanaise a connu au cours de ces dernières semaines une très forte dépréciation en passant de 1.500 à près de 9.000 face au dollar américain. Une très forte inflation s’en est suivie,
Agacement de Diab des ingérences de Shea
Selon les sources d’al-Akhbar, l’ambassadrice américaine semble avoir perçu que le chef du gouvernement libanais penche sérieusement pour ouvrir toutes les portes disponibles pour réduire les pressions exercées sur le Liban en raison de l’embargo américain.
De plus, M. Diab « ignore les messages de Shea et ne lui répond pas », constatent ces sources. Selon lesquels il a plusieurs fois exprimé devant ses visiteurs qu’il est irrité par ses comportements et ses ingérences flagrantes dans les affaires du pays, déplorant qu’elle et son pays ne veulent ni aider le Liban ni le laisser agir en fonction de ses intérêts.
Une campagne de l’extérieur vers l’intérieur
Le ministre de l’intérieur mohammad Fahmi a rendu compte de l’existence d’une campagne menée contre le Premier ministre « par des protagonistes internes et externes », évoquant une éventuelle piste turque.
« Les instructions viennent depuis l’extérieur vers l’intérieur libanais », a-t-il assuré le dimanche 5 juillet, lors d’un entretien avec le journal libanais al-Liwa.
Selon lui, « certains planificateurs profitent de la situation économique difficile pour que le mouvement de protestation devienne plus violent, en utilisant le slogan de la faim alors qu’ils ont d’autres objectifs ».
Des questions sur les dollars turcs
M. Fahmi a révélé que quatre personnes, de nationalités turque et syrienne sont arrivées à bord d’un avion privé depuis la Turquie avec en leur possession 4 millions de dollars.
« Ils sont entrés en disant qu’ils possèdent une société de changes. Nous ne savons pas si cet argent servira aux spéculations sur le dollar ou pour alimenter des agissements violents dans la rues », a-t-il appréhendé. Signalant que certaines instructions envoyées à quelques militants du mouvement de protestation sont émises depuis la Turquie.
« La question qui se pose est de savoir pourquoi ils viennent au Liban et pourquoi apportent-ils cet argent », s’est-il interrogé. Ankara est soupçonnée de surfer sur les manifestations qui ont éclaté le 17 octobre 2019 pour peser sur les affaires libanaises. De concert avec Baha Hariri, le frère de Saad Hariri, il exerce une influence sur ce mouvement dans la ville de Tripoli.
Le gouvernement de Diab résiste
Face à cette situation M. Fahmi a tenu à affirmer que « le gouvernement va rester et poursuivre son travail », selon les instructions du chef du cabinet.
Ses déclarations ont tempéré les craintes qui ont régi la semaine passée sur une volonté de le renverser.
La presse libanaise a fait l’écho d’une proposition faite par les Français pour faire admettre une formule qui permettrait le retour de l’ex-Premier ministre Saad Hariri avec des ministres technocrates n’ayant aucun lien avec le Hezbollah.
Les Français qui ont justifié leur proposition qu’il s’agit d’une condition prélable imposée par les Américains pour laisser passer CEDRE, le projet d’investissements proposé par les occidentaux et les monarchies du Golfe pour le Liban, se sont vus afficher une fin de non recevoir.
Hariri: 60% des Libanais ont voté Hezbollah
Même M. Hariri ne semble pas totalement acquis à la proposition française, pour des raisons pragmatiques.
Interrogé par le quotidien espagnol el-Pais, il a écarté son retour dans l’état actuel des choses.
Appréhendant que «le Liban ne souffre des séquelles de la politique régionale» de la communauté internationale qui se concentre sur lui et l’Iran, il a insisté sur le fait que le Hezbollah fait partie du paysage politique, même s’il ne partage pas avec lui ses choix régionaux.
« Il faut comprendre que 60% de la population ont voté en faveur du Hezbollah que Washington considère comme terroriste. C’est la démocratie. On ne peut nier leur existence. Ou ne peut nier leurs voix au sein du Parlement », a-t-il souligné.
Source: Divers